Intervention de Denis Badré

Réunion du 17 décembre 2007 à 10h00
Loi de finances rectificative pour 2007 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Denis BadréDenis Badré :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2007 a, comme tout collectif de début de législature, un goût particulier.

Le Gouvernement doit en effet le construire en ajustant des données budgétaires et économiques qu'il n'a pas lui-même initiées et dont il n'est pas complètement responsable. Cela étant dit, pour 2007, monsieur le secrétaire d'État, l'exercice n'était pas insurmontable, la majorité d'aujourd'hui étant tout de même assez voisine de celle qui avait voté le projet de loi de finances initiale pour 2007..)

Je ne ferai ce matin que quelques remarques assez générales sur le contenu de ce collectif budgétaire.

Les mesures nouvelles et les ajustements proposés sont en effet d'une telle diversité qu'il serait difficile et surtout assez vain d'en reprendre le catalogue et, a fortiori, de chercher à leur trouver une signification d'ensemble ; mais c'est la loi du genre.

J'aimerais, tout d'abord, noter que les opérations de reprise de dette du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, et du service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF, le SAAD, requalifiant pour ce dernier en dette publique l'engagement financier de l'État vis-à-vis de la SNCF me paraissent positives, et ce du point de vue tant de la sincérité que de la clarté de la présentation de nos finances publiques auxquelles vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, comme le président et le rapporteur général de notre commission des finances, le groupe UC-UDF est tout spécialement attaché.

Concernant l'écopastille automobile, que le Gouvernement a proposé lors de la lecture du texte à l'Assemblée nationale, un peu in extremis donc, je ferai une remarque de forme et quelques observations.

Monsieur le secrétaire d'État, il est toujours hasardeux d'introduire une mesure nouvelle dont l'essence, si j'ose dire, est d'une telle portée.

Au cours même du débat, chacun, qu'il s'agisse des parlementaires, des partenaires concernés comme d'ailleurs de vous-même, monsieur le secrétaire d'État ou du Gouvernement tout entier, chacun donc a besoin de temps pour étudier de tels textes, pour les calibrer, pour mesurer leur impact, les préciser dans leurs modalités, bref, pour leur donner toute leur lisibilité, leur efficacité et leur portée budgétaire, économique, écologique, donc politique.

Cela est particulièrement important lorsqu'il s'agit de mesures qui peuvent très vite prendre un caractère emblématique compte tenu de leur nature.

C'est vrai, le dialogue, ou tout au moins un dialogue assez spectaculaire et approfondi, a eu lieu lors du Grenelle de l'environnement. Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir fait figurer cette mesure dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative ? Vous auriez ainsi pu prendre en compte nos préoccupations de principe concernant la méthode, préoccupations de principe qui touchent tout de même au rôle et à l'engagement du Parlement sur de telles dispositions.

Sur le fond, il reste que l'écopastille automobile est une mesure de bon sens, qui s'inscrit complètement dans la ligne du développement durable.

Le groupe UC-UDF la soutiendra donc, même si sa présentation un peu rapide fait que la disposition souffre encore de quelques imperfections ; j'espère que le débat permettra de les réduire.

Ainsi, pourriez-vous nous indiquer où en est votre réflexion quant à la prise en compte de la nécessité pour les familles nombreuses d'utiliser des véhicules dont le bilan écologique peut, certes, laisser à désirer, mais qu'elles ne peuvent à l'évidence pas remplacer ? J'espère que vous pourrez, sur ce point, prendre en compte notre préoccupation.

Toujours sur l'écopastille, mon groupe a déposé des amendements permettant de réajuster le montant du bonus-malus pour les véhicules qui auraient été manifestement mal catégorisés, je pense à des automobiles roulant au super éthanol ou aux véhicules dits flex-fuel. En effet, paradoxalement, ces voitures non polluantes seraient moins aidées qu'elles ne l'étaient jusqu'ici !

Monsieur le secrétaire d'État, nous espérons pouvoir avec vous rendre ces imperfections moins manifestes tout au long du débat.

Pour rester au fond des choses dans le registre du développement durable, permettez-moi d'évoquer une fois de plus l'état général de nos finances publiques et le déficit.

La vraie rupture doit se faire dans l'attention donnée et dans les mesures prises pour rééquilibrer les comptes de l'État ; or nous en sommes toujours loin. Je ne change pas de sujet en disant cela, monsieur le secrétaire d'État, car nous sommes bien là au coeur de la problématique du développement durable.

Si nous voulons préparer et offrir un avenir à nos enfants, il faut commencer par supprimer le déficit !

Comme je l'ai répété, à l'instar de mes collègues du groupe UC-UDF, tout au long du débat consacré au projet de loi de finances initiale pour 2008, les conséquences d'une dette et d'un déficit public qui stagnent ou s'aggravent sont terribles pour les générations futures, lesquelles seront appelées, volens nolens, à payer le prix de notre laxisme.

Nous hypothéquons aujourd'hui une capacité d'action économique et financière qu'elles revendiqueront légitimement demain et dont j'espère elles feront un meilleur usage que nous ne l'avons fait avant elles. C'est bien là le développement durable, ou alors je n'ai rien compris !

Si nous empruntions pour investir dans l'économie, dans la formation ou dans la recherche, la situation serait différente, mais nous chargeons notre dette pour conforter notre train de vie, et il ne restera rien pour nos enfants sinon une dette exorbitante qu'ils nous reprocheront légitimement.

Ces facilités nous pénalisent également au niveau international et surtout au niveau européen.

L'image que nous donnons de notre gestion interne ne nous permet pas, ou ne nous permet plus de donner l'exemple et, a fortiori, la moindre leçon de gestion à nos partenaires ou aux responsables de la politique économique, budgétaire ou monétaire de l'Union européenne.

Pour être crédibles - ce qui, me semble-t-il, est plus que souhaitable à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne -, nous devons d'urgence envoyer quelques signaux forts marquant réellement notre volonté d'assainir la situation.

La semaine dernière, dans son rapport d'évaluation 2007 des programmes nationaux de réforme, la Commission européenne a émis de sérieux doutes sur la stratégie économique suivie par la France et a remis en question la pertinence de prévisions qu'elle juge excessivement optimistes.

Elle nous demande « un renforcement rapide et considérable des efforts d'assainissement budgétaire et de réduction de l'endettement ».

Avec Maastricht, l'Union nous rappelait les vertus d'une bonne gestion - peut-être aurions-nous pu les voir nous-mêmes, mais au moins l'Europe a-t-elle eu le mérite de nous les rappeler dès ce moment-là. Avons-nous vraiment encore besoin que la Commission et nos partenaires tirent la sonnette d'alarme pour que nous mesurions la réalité des difficultés dans lesquelles nous sommes ?

Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, avec votre gouvernement, repoussé de 2010 à 2012 la perspective de l'équilibre budgétaire en garantissant que la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, allait porter ses fruits et garantir durablement, et à ce terme, l'équilibre restauré.

Pour l'heure, la Commission européenne continue à considérer que les allégements fiscaux prévus dans cette loi accentuent « à l'évidence » nos déséquilibres sans que ses effets à plus long terme soient perceptibles de manière « aussi évidente ».

Le bilan n'est donc pas très positif pour l'instant et on peut comprendre les réactions de la Commission européenne. Je préférerais que cette dernière n'ait pas à demander à la France d'adopter de nouvelles mesures énergiques ; cela me gêne même qu'elle le fasse !

À défaut de réactions spontanées plus rapides et claires de notre pays, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, d'écouter et d'entendre les autorités communautaires.

Je reviens à l'examen de ce collectif. Il précise le niveau du déficit public de l'année qui se termine, lequel pourrait s'établir à 38, 3 milliards d'euros, soit une amélioration de 3, 7 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale. C'est là l'effet de la dynamique, encore globalement avantageuse en 2007, de nos recettes fiscales, qui auront progressé de 2, 9 milliards d'euros.

Il faut comparer ce niveau de déficit au montant prévisionnel de 41, 8 milliards d'euros que nous avons voté la semaine dernière dans le projet de loi de finances pour 2008. À en croire les prévisionnistes actuels, le déficit programmé pour 2008 ne fera probablement que s'accentuer. Il nous faut donc craindre bien pire !

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures supplémentaires prévoyez-vous pour améliorer la situation ? La désormais fameuse grande révision générale des politiques publiques, la RGPP, une revue générale des prélèvements obligatoires, un Grenelle de la fiscalité locale, quatre-vingt-seize mesures pour rendre l'État plus efficace : je ne peux que soutenir avec force l'ensemble de ces chantiers.

J'espère, monsieur le secrétaire d'État - vous connaissant un peu, j'ai tendance à vous faire confiance ! §-, que tous ces chantiers seront conduits à leur terme et suffisamment rapidement. Il y va de la crédibilité de notre pays en Europe et de son autorité sur le territoire national lui-même.

Je suis d'autant plus impatient que je suis de ceux qui ont regretté de voir engagés, dès cet été, avec la loi TEPA, des milliards d'euros avant même qu'aient été dressés le tableau de nos finances publiques et la liste des réformes qui auraient été les plus réellement et les plus durablement porteuses d'économies et de soutien de la croissance.

En tout cas, monsieur le secrétaire d'État, vous pouvez compter sur notre groupe pour rester vigilant à cet égard et soutenir les mesures qui iront dans le sens du redressement de nos finances publiques. Vous le savez, c'est pour nous une priorité absolue !

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