À l'Assemblée nationale, notre collègue Michel Bouvard a proposé - c'est devenu l'article 17 ter - un amendement pour boucher un « trou » dans la réglementation.
En effet, en matière de lever du secret fiscal, la police judiciaire et les diverses formations de police, dans le cadre d'enquêtes judiciaires sous le contrôle d'un juge, ne peuvent pas se voir opposer le secret fiscal. Mais, en dehors d'une enquête de police judiciaire, le secret fiscal s'applique, y compris aux divers services de renseignement qui sont en enquête préalable avant même toute saisine d'un procureur et d'un juge d'instruction.
M. Bouvard a fait voter cette disposition, qui permet aux services d'obtenir communication des renseignements fiscaux et douaniers lorsqu'ils sont engagés dans une recherche concernant les atteintes aux intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité publique et de sûreté de l'État. Donc, il s'agit de faire face à une difficulté qu'ont pu rencontrer les services, et c'est l'objet de l'amendement de M. Bouvard.
Je voudrais dire que mon collègue et ami Jean-Claude Peyronnet et les sénateurs qui suivent plus spécialement les problèmes de défense au sein du groupe socialiste nous ont fait observer qu'il leur semblait imprudent de s'en tenir à l'amendement Bouvard pur et simple, parce qu'il est difficile de communiquer des renseignements fiscaux et douaniers aux services concernés, même si ce sont des services de toute confiance - il s'agit des Renseignements généraux, de la Direction de la surveillance du territoire, la DST, en ce qui concerne le ministère de l'intérieur, de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, et de la Direction du renseignement militaire en ce qui concerne le ministère de la défense- , sans précaution et sans fixer les modalités d'habilitation des agents des services financiers qui pourront livrer ces renseignements ainsi que la durée de conservation des documents par ceux qui les reçoivent.
Il doit être bien clair dans l'esprit de tous que, lorsqu'un secret est levé à l'égard d'une autorité autre que celle qui détient ce secret, l'autorité au bénéfice de laquelle le secret est levé est elle-même tenue au secret. Cela signifie que ce n'est pas parce que l'on communique à ces services que tout devient public.
L'amendement qui a été présenté vise en particulier à déterminer les modalités de délivrance des habilitations, les modalités de désignation des agents habilités et la durée de conservation des documents.
Tel est, monsieur le président, l'objet de l'amendement n° 93.
Il reste à formuler une observation. Jusqu'à présent, les choses se faisaient en bonne entente entre les services fiscaux et les autres services. On se parlait, même si on n'avait pas le droit de le faire, au nom de l'intérêt national. Demain, une difficulté peut se poser du fait de la rédaction de M. Bouvard qui a été reprise sans modification par M. Peyronnet : la communication ne concerne que les « intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité et de sûreté de l'État ».
Or je voudrais rappeler que, dans le code pénal, les incriminations en la matière sont beaucoup plus larges et visent les intérêts fondamentaux et essentiels de la nation.
Cela veut dire que, dès lors que la sécurité publique et la sûreté de l'État ne sont pas en cause, on ne pourrait pas communiquer à des services qui enquêtent sur des atteintes graves à nos intérêts, par l'intermédiaire, par exemple, de l'espionnage industriel.
C'est au Gouvernement de voir s'il ne serait pas utile et de bonne précaution d'élargir la formulation et d'inscrire : « les intérêts fondamentaux de la nation ».