Intervention de Philippe Marini

Réunion du 17 décembre 2007 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2007 — Article 20

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

L'article 20 traite d'une forme particulière d'accession à la propriété.

Il s'agit des opérations réalisées dans le cadre de ce que l'on appelle un « Pass-Foncier » - expression un peu étonnante, certes, mais qui a le mérite d'être pratique - individuel ou collectif.

Cette formule, inventée par les collecteurs du 1 % logement et par la Caisse des dépôts et consignations, est en vigueur depuis le 1er janvier 2007. Son principe est de dissocier le bâti du foncier pour permettre à des personnes très modestes d'accéder à la propriété.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, différentes critiques ont été émises sur ce dispositif.

Ainsi la complexité du montage juridique pour l'accession dans des immeubles collectifs a-t-elle été très souvent dénoncée. Ont aussi été soulignés les risques pour l'accédant et sa famille, en cas de problème familial ou financier ; il est en effet impossible d'obtenir une hypothèque sur un usufruit sans être également propriétaire du foncier. A également été rappelée l'absence de valeur du marché de l'usufruit ; or, dans le cas des copropriétés verticales, un partage existe entre nue-propriété et usufruit. Le coût global élevé du « Pass-Foncier » a encore été mis en avant ; il faut concevoir un portage de la charge foncière par un collecteur ou par la Caisse des dépôts et consignations, sinon par les deux ensemble.

Par ailleurs, alors qu'existe déjà une obligation d'aide des collectivités territoriales, l'article 20 prévoit d'ajouter des aides fiscales. De nombreux députés ont clairement affirmé leur préférence pour une solution plus simple et guère plus coûteuse consistant à compléter le prêt à taux zéro actuel par un prêt complémentaire foncier assorti d'un différé de remboursement. Enfin, notre collègue député Pierre Méhaignerie, grand expert de ces questions, a souligné le nombre très faible des « Pass-Foncier » accordés en 2007 - sans doute moins de cent, monsieur le ministre, alors que l'objectif proclamé était d'en réaliser vingt mille par an.

À ces arguments, le Gouvernement a répondu, d'une part, que le seul risque du dispositif était qu'il ne fonctionne pas, d'autre part, qu'il faudrait procéder à une évaluation dans deux ou trois ans pour lui apporter d'éventuelles modifications.

À dire vrai, dans l'avenant à la convention conclue avec le 1 % logement et la Caisse des dépôts et consignations, le 27 septembre 2007, l'État s'est engagé à accorder deux avantages fiscaux : l'application de la TVA à 5, 5 % et une exonération de taxe foncière. J'ai le sentiment que le Gouvernement s'est engagé pour le Parlement, au moment où le projet de loi de finances rectificative se trouvait en cours de confection, mais n'avait pas encore été approuvé en conseil des ministres. Le Parlement peut considérer que l'on a préjugé de son accord.

Ces incitations fiscales, qui n'ont pas été estimées par le Gouvernement - je ne détiens aucune évaluation budgétaire -, peuvent sans doute donner un nouvel élan au dispositif, mais elles ne lèvent pas les interrogations sur la solidité du montage juridique proposé à des personnes qui, par nature, sont dans une situation financière extrêmement fragile.

Monsieur le ministre, pour compléter cette présentation argumentée de l'amendement de suppression déposé par la commission des finances, je veux préciser que nous apprécions tous les efforts qui ont été déployés, en particulier par l'Union d'économie sociale pour le logement, l'UESL, pour trouver des formules imaginatives en vue d'accroître le nombre d'accédants à la propriété et de favoriser la construction en accession à la propriété. Pour autant, le dispositif actuel appelle deux réserves.

En premier lieu, conçu initialement sans avantage fiscal, ce dispositif devait concerner vingt mille logements par an. Un an après sa mise en place, la nécessité d'un avantage fiscal se fait jour. Il ne semble donc pas que les effets de la mesure aient été correctement évalués à l'origine.

En second lieu, la Caisse des dépôts et consignations, pour une bonne part, et l'UESL ont pratiqué une ingénierie financière et juridique tout à fait digne d'éloge. Néanmoins, comment expliquer à une personne très modeste qui accède à la propriété en acquérant un appartement dans un immeuble collectif qu'une dissociation entre la nue-propriété et l'usufruit est prévue et que ce système transitoire complexe durera très longtemps, jusqu'au dénouement du prêt complémentaire destiné à financer l'équivalent de la charge foncière afférant à l'appartement ? Les modalités de ce dispositif semblent donc d'une excessive complexité, voire, de ce point de vue, presque dissuasives.

En vertu de l'ensemble de ces éléments, après avoir entendu les arguments échangés à l'Assemblée nationale et mené une large réflexion sur le sujet, la commission des finances a décidé de présenter un amendement de suppression du présent article.

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