Le présent article 61, dont nous demandons la suppression, a pour objet de donner une base législative au contrat d'accueil et d'intégration, qui précise les conditions dans lesquelles l'étranger signataire bénéficie d'actions destinées à favoriser son intégration et les engagements qu'il prend en ce sens.
En réalité, il s'agit purement et simplement de conditionner l'octroi d'une carte de résident à la signature du contrat d'accueil et d'intégration et au respect des engagements qui y figurent, ce qui constitue un obstacle supplémentaire à la délivrance de titres de séjour, dont les conditions ont déjà été restreintes par la loi du 26 novembre 2003, et précarise, par voie de conséquence, le séjour des étrangers.
On a là confirmation de la totale inversion du processus d'intégration.
En effet, il convient de rappeler qu'en 1984 était adopté le titre unique de séjour et de travail valable dix ans pour les immigrés vivant en France depuis trois ans au moins.
A l'époque, on a considéré, à juste titre d'ailleurs, que pour s'insérer correctement dans la société française il fallait avoir un droit au séjour qui ne soit pas précaire. On a ainsi fait du droit au séjour stable une condition de l'intégration.
De la même façon, il avait été décidé que les jeunes nés en France de parents étrangers seraient automatiquement français à leur majorité s'ils résidaient toujours en France.
Force est de constater que, dans les années qui ont suivi, cette conception a été progressivement abandonnée. En ce qui concerne tant le droit à la nationalité que le droit au séjour, la réglementation et les pratiques administratives ont conduit à précariser le séjour des étrangers et à restreindre toujours plus l'accès à un séjour stable ou à la nationalité française. Peu à peu, la carte de séjour temporaire est devenue la règle et la carte de résident l'exception.
Or la situation de précarité dans laquelle sont maintenus les étrangers non communautaires détenteurs d'un titre de séjour temporaire ne favorise ni les démarches vers une intégration ni l'apprentissage de la langue du pays d'accueil, dont la porte s'entrouvre à peine avec une carte de séjour d'un an.
Avec la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration comme condition d'accès à la carte de résident, un cap supplémentaire est franchi.
En effet, au lieu d'ouvrir d'emblée un droit au séjour stable en vue de faciliter l'intégration, on demande aux étrangers de faire d'abord la preuve de leur bonne intégration. Nous ne pouvons accepter cela.
Par ailleurs, ce contrat d'accueil et d'intégration s'apparente à un « objet juridique non identifié », tant il soulève de questions.
Si le droit français connaît un large éventail de contrats, la possibilité qu'un contrat soit passé entre l'Etat et un citoyen constitue, en revanche, une innovation.
Quelle est la légitimité de ce curieux objet ?
Si la signature du contrat d'accueil et d'intégration n'est pas obligatoire - « Il est proposé », dit l'article -, qu'arrivera-t-il à l'étranger qui refusera de signer ?
Quelle latitude l'étranger aura-t-il pour dénoncer, le cas échéant, des clauses qu'il jugerait abusives ? Et devant quelle juridiction pourra-t-il le faire?
De quelle façon sera évalué le respect des engagements que l'étranger aura pris ?
Quelle valeur accorder à un contrat qui ne lie vraiment que l'une des parties, en l'occurrence l'étranger ?
En outre, l'article 61 prévoit l'élaboration d'un programme régional d'intégration des populations immigrées, ce qui, là encore, n'est pas sans soulever de questions.
Quelle autonomie est accordée aux régions ?
Par voie de conséquence, qu'en est-il de l'égalité de traitement des étrangers sur l'ensemble du territoire ?
Les régions auront-elles des obligations minimales en matière d'accueil ? Si oui, lesquelles ?
S'agit-il d'un premier pas vers le désengagement de l'Etat du service public de l'accueil des étrangers ?
Pouvez-vous, madame la ministre, nous en dire un peu plus en la matière ?
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.