Intervention de Jacqueline Panis

Réunion du 27 octobre 2010 à 14h30
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Suite de la discussion de deux propositions de loi et adoption du texte de la commission modifié

Photo de Jacqueline PanisJacqueline Panis :

Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, aussi loin que remontent mes souvenirs de l’histoire de France, les lois, telles que les lois capétiennes instaurant la primogéniture masculine ou le droit canon, par exemple, ont édicté la suprématie de l’homme sur la femme.

Puis, au xxe siècle, c’est-à-dire hier à l’échelle de l’histoire, les femmes acquièrent petit à petit des droits, surtout celui d’apprendre. Au même titre que les jeunes gens, les filles commencent à se lancer dans des études longues et difficiles, à fréquenter les universités, les grandes écoles, où elles brillent autant que les garçons. Cette évolution, très courte au regard des dix-neuf siècles écoulés de domination masculine légale, n’est pas sans engendrer des conséquences que chacun appréhende à sa façon…

Les femmes souhaitent logiquement rattraper le temps perdu et accéder à l’égalité pure et simple ; pour les hommes, il est logiquement plus difficile d’accepter le partage d’un pouvoir vieux de presque 2 000 ans.

Je souhaite donc que ce débat ne soit pas le théâtre d’affrontements entre deux clans aux intérêts divergents et qu’il n’amène pas à jeter l’opprobre sur ceux qui, nostalgiques du passé, ont du mal à reconnaître en leurs anciennes camarades de cours des partenaires professionnelles et rejettent de facto l’idée de partager avec elles la maîtrise décisionnelle.

En un sens, je déplore autant que je loue le dépôt de cette proposition de loi. En effet, un tel débat a quelque chose de désobligeant tant pour les femmes que pour les hommes. Il est désobligeant pour les femmes, car imposer légalement, autoritairement leur présence à la tête des entreprises, c’est faire fi de l’apport qualitatif qu’elles représentent : leurs capacités propres, leurs compétences, leur savoir devraient seuls motiver leur désignation au sein des instances dirigeantes des entreprises. Il est également désobligeant pour les hommes, car il met l’accent sur leur volonté d’appropriation de la gouvernance et sur leur absence d’objectivité intellectuelle.

Chacun s’accorde à reconnaître le bien-fondé de la mixité sociale. La complémentarité intellectuelle hommes-femmes dans les instances décisionnelles est, elle aussi, un atout, dont les entreprises se sont privées jusqu’à présent. Il importe pour tous que la promotion des principes sous-tendant ce texte soit perçue non pas comme une obligation légale, mais comme un gage de progrès.

Nonobstant ces remarques, je loue cette proposition de loi, qui, en imposant cette diversité, créera une nouvelle et souhaitable synergie au sein de l’entreprise, permettra un apport de sang nouveau et l’émergence d’approches différentes.

Le changement ne s’imposera pas uniquement aux collègues masculins ; les femmes, elles aussi, devront prendre conscience qu’elles peuvent et doivent s’impliquer dans la stratégie de l’entreprise. La féminisation de l’encadrement n’a cessé de progresser depuis vingt ans sans que les femmes accèdent pour autant aux postes d’administrateur. Devant ce manque de perspectives, un grand nombre de femmes cadres préfèrent se lancer dans l’entrepreneuriat, privant ainsi l’entreprise d’origine de leur expérience. Ce texte, même si son champ est limité à certaines entreprises, leur ouvrira d’autres perspectives et engendrera, immanquablement, une nouvelle dynamique.

L’exemple de la Norvège, pays novateur en la matière, évoqué précédemment par Mme André, a largement démontré que la coexistence de profils différents dans les équipes dirigeantes est un facteur d’enrichissement mutuel, d’équilibre et d’efficacité.

Mme Dominique Reiniche, directrice d’une grosse entreprise internationale, disait avoir d’abord été hostile au partage égalitaire du pouvoir, « mais je constate, ajoutait-elle, que sans contrainte rien ne bouge. […] Notre objectif est en particulier de nommer plus de femmes dans les comités exécutifs et dans les conseils d’administration. Nous nous sentons personnellement responsables des résultats que nous obtiendrons. »

Le texte dont nous débattons aujourd'hui constituera moins une contrainte qu’un projet d’avenir. Toutefois, au risque de choquer certains, je conclurai mon propos en émettant le vœu qu’il tombe rapidement en désuétude et que la composition des conseils d’administration se fonde dans un avenir proche sur un critère de compétence, et non sur la nature d’un chromosome !

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