L'article 62 du projet de loi, que notre amendement vise à supprimer, conditionne la délivrance à un étranger d'une autorisation de travail à la justification d'une connaissance suffisante de la langue française ou à l'engagement d'acquérir cette connaissance après son installation en France.
De fait, les obstacles au droit au travail salarié pour les étrangers se trouvent ici considérablement accrus.
Je souhaite souligner combien l'appréciation du niveau de maîtrise d'une langue est très subjective.
Compte tenu du flou qui entoure cette mesure, on voit mal comment elle pourrait effectivement s'appliquer dans les faits.
Comment les travailleurs étrangers seront-ils protégés de l'arbitraire et des disparités de traitement ?
Faut-il rappeler que les discriminations concernant l'accès au travail en raison de la langue sont expressément prohibées par plusieurs textes internationaux ratifiés par la France, dont la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels conclu sous l'égide de l'ONU.
Cette précision n'est pas inutile au moment où la commission des lois se penche sur le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Je voudrais insister sur le fait que, jusqu'à présent, la maîtrise de la langue française n'était exigée que pour la naturalisation. Avec le présent projet de loi, la maîtrise de la langue française est désormais exigée pour l'accès au droit au séjour et au droit au travail.
Je souhaiterais terminer mon propos en évoquant la situation des mineurs étrangers présents sur le territoire français, qui n'ont pas accès aux formations en apprentissage.
Dans son rapport annuel pour l'année 2001, la Défenseure des enfants a pourtant insisté, parmi toutes les mesures à prendre en faveur des adolescents, sur celle qui leur permet d'accéder aux formations en apprentissage à partir de seize ans.
En effet, il existe une situation totalement incohérente s'agissant des jeunes mineurs non expulsables qui ont entre seize et dix-huit ans.
D'un côté, ils ne sont pas soumis à l'obligation scolaire, car ils ont plus de seize ans et, de l'autre, ils ne peuvent bénéficier de l'apprentissage puisque celui-ci est assimilé à un travail et que ces mineurs n'ont pas de titre de séjour leur donnant droit à travailler.
Pourtant, nombre d'entre eux souhaiteraient suivre un apprentissage. Ne pas leur accorder cette formation revient à les livrer à eux-mêmes et à les laisser dans une situation dangereuse.
Cela fait trois ans aujourd'hui que cette proposition a été formulée et rien n'a été fait. Agir en ce sens serait pourtant envoyer un signal fort au moment de la remise, par la Défenseure des enfants, de son nouveau rapport pour l'année 2004 au Président de la République et alors que la journée nationale des droits de l'enfant, fixée au 20 novembre prochain, a été instituée, je tiens à le rappeler, sur l'initiative des sénateurs de mon groupe.