Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le comité de pilotage, créé par l’article 1er du projet de loi et dont la commission des affaires sociales a appelé à renforcer le caractère opérationnel et stratégique, aura un rôle crucial pour guider la réforme de notre système de retraite. Il devra veiller au bon respect de ses objectifs en termes tant d’équité, de solidarité intergénérationnelle et de niveau de vie des retraités que de pérennité financière.
La question de sa composition est importante, car il s’agit de créer une enceinte commune pour les partenaires sociaux, parlementaires et personnalités qualifiées. Leur rôle sera bien sûr de représenter la variété des intérêts de nos concitoyens, mais aussi, et surtout, d’apporter une expertise affinée pour piloter sur le long terme un système de retraite très complexe.
À cet égard, la comparaison internationale est un outil très riche dont nous ne devrions surtout pas nous priver. Elle a déjà été en partie mobilisée dans les travaux préparatoires. La délégation aux droits des femmes s’est ainsi intéressée à la pratique du splitting en Allemagne. Mais nous devons aller plus loin. Le benchmarking et l’étude des « meilleures pratiques » peuvent apporter des éléments nouveaux, qui ne seront réellement utiles que s’ils sont rapportés à notre culture française de la protection sociale.
Pour faire ce pont entre l’international et notre régime de retraite, les représentants des Français de l’étranger me semblent particulièrement bien placés, du fait de leur expérience quotidienne sur le terrain. Tel est le sens d’un amendement que je défendrai devant vous tout à l’heure.
Par ailleurs, l’enjeu d’une meilleure prise en compte des Français de l’étranger dans la réforme du système de retraite va bien au-delà d’une expertise spécifique. Je souhaiterais que nous gardions cet élément à l’esprit : les Français qui vivent hors de nos frontières, de manière transitoire ou permanente, ne peuvent pas être exclus de notre système de protection sociale. Il y va non seulement de leurs droits les plus élémentaires, mais aussi de l’intérêt financier de notre système de retraite à élargir sa base d’actifs cotisants.
Actuellement, leur adhésion au système de retraite sur la base du volontariat soulève des difficultés administratives parfois considérables. Je pense notamment à la nécessité de produire de manière périodique des certificats de vie, certes légitime dans un objectif de lutte contre la fraude, mais qui pourrait faire l’objet de simplifications.
Je songe aussi au fait que certaines catégories aient à passer par la Caisse des Français de l’étranger et que d’autres aient pour interlocuteur direct la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, lors de l’affiliation au système de retraite. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, et nous en discuterons dans les prochains jours.
Une meilleure information des expatriés est indispensable, pour se repérer dans un système aussi complexe, et pour comprendre les conséquences d’une expatriation, même de courte durée, sur la future pension de ces expatriés et adapter leur comportement en conséquence.
Nous devons aussi en être conscients, l’expatriation introduit une asymétrie au sein des familles. La délégation aux droits des femmes a analysé les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées sur le plan de la retraite. Pour ma part, j’y ai évoqué la question des conjoints d’expatriés, qui sont certes majoritairement des femmes, mais aussi de plus en plus souvent des hommes.
Ces conjoints rencontrent souvent d’importantes difficultés pour trouver un poste dans le pays de résidence et sont parfois même confrontés à l’interdiction d’y exercer une activité professionnelle. Durant l’expatriation, l’un des parents est appelé à jouer, plus encore qu’en métropole, un rôle essentiel auprès des enfants, qui sont parfois confrontés à la difficulté de suivre une scolarisation à la française. Cet élément contribue aussi à expliquer le faible taux d’activité professionnelle parmi les conjoints d’expatriés.
De retour en France, la réinsertion professionnelle est souvent difficile après une interruption de carrière de plusieurs années. Bien évidemment, ces carrières fragmentées ont une incidence non négligeable sur les retraites.
L’enjeu est, bien sûr, celui de l’inégalité entre les femmes et les hommes. J’ai souligné devant la délégation aux droits des femmes, qui a repris cet élément dans ses recommandations, la nécessité d’améliorer l’information des candidats à l’expatriation et de leurs conjoints afin que ceux-ci prennent leurs décisions en connaissance de cause et pensent à souscrire aux dispositifs leur permettant d’assurer leur future retraite.
C’est aussi le dynamisme de notre commerce extérieur et celui de notre diplomatie d’influence qui sont en jeu. Donner aux expatriés les moyens de partir sans déchirer leur couple et leur famille, c’est donner à la France les moyens de ses ambitions internationales. Le système de retraite peut y contribuer.
Alors que de plus en plus de Français, notamment parmi les jeunes qui rencontrent des difficultés à trouver un emploi en adéquation avec leur formation en France, choisissent l’expatriation, il est essentiel que leurs intérêts soient pris en compte par la présente réforme des retraites. La présence de l’un de leurs représentants au sein du comité de pilotage irait dans ce sens.
Je tenais à vous rappeler ces nécessités.