Intervention de Jean-François Voguet

Réunion du 12 octobre 2010 à 21h45
Réforme des retraites — Article 1er bis A

Photo de Jean-François VoguetJean-François Voguet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, on sait désormais le peu de cas qui est fait des jeunes et des femmes par ce Gouvernement, le projet qui nous est soumis en est une preuve supplémentaire. Les femmes, comme les jeunes, seront en effet les premières victimes de la réforme que l’on veut nous imposer.

J’évoquerai, dans un premier temps, la situation des femmes. L’effet cumulé de ce projet et des inégalités salariales dont elles sont les victimes durant leur vie professionnelle feront d’elles des retraités de deuxième catégorie.

On le sait, les femmes actives sont plus souvent dans des situations précaires que les hommes. Pour elles, les contrats à durée indéterminée sont l’exception ; les contrats à durée déterminée, les stages et les contrats aidés sont leur quotidien.

En termes de sous-emploi et de temps partiel, les femmes sont majoritaires. Sur ce dernier point, les chiffres sont criants : à la fin des années quatre-vingt-dix, environ 80 % des emplois à temps partiel étaient occupés par des femmes. À cela s’ajoute le fait que 35 % des mères ayant un emploi cessent ou réduisent leur activité après une naissance. Ce n’est pas le cas des hommes, puisque seulement 1, 5 % des pères le font.

Les femmes ont donc majoritairement des carrières chaotiques. L’effet bénéfique de la progression de leur activité sur le montant de leur pension est ainsi contrarié par la précarité de cette activité.

Comme l’a précisé le président du COR, les femmes ont des retraites de 40 % inférieures à celles des hommes. Avec cette réforme, cette situation va empirer. Les femmes, qui prennent déjà leur retraite plus tard que les hommes pour essayer de récupérer quelques trimestres, seront obligées de travailler encore plus longtemps.

Nous dénonçons la discrimination à l’égard des femmes qu’organise cette réforme. Elle est d’ailleurs tellement odieuse que, dans la majorité, certains s’en sont émus. Aujourd’hui, huit retraités pauvres sur dix sont des femmes ; l’objectif de ce Gouvernement est-il de faire doubler ce chiffre ? On peut s’interroger.

J’en viens, dans un second temps, à la situation des jeunes actifs. Elle n’est pas plus enviable. Le Gouvernement répète à l’envi que la réforme est, avant tout, faite pour les jeunes. Visiblement, ils ne l’ont pas compris – les manifestations de cet après-midi l’ont montré. On a même pu lire que la réforme viserait à garantir la retraite de nos enfants demain ! Cela ne trompe personne.

Le Gouvernement pense-t-il garantir une pension complète à de jeunes actifs déjà touchés de plein fouet par la précarité en leur imposant un âge légal de départ à la retraite supérieur de deux ans à ce qui existe actuellement et en repoussant l’âge de la retraite à taux plein ?

La recette a de quoi surprendre. Elle tient du miracle. Il faut que le Gouvernement nous explique comment les jeunes actifs, victimes de l’enchaînement des stages, des CDD, des emplois à temps partiel, des périodes d’intérim ou de chômage – tout cela avec des salaires inférieurs à ceux de leurs aînés –, feront pour valider leurs droits à la retraite.

À l’heure actuelle, le taux de pauvreté des 18-29 ans ne fait que croître et les conditions d’emploi des jeunes se sont considérablement dégradées. Même la part des embauches en CDD des jeunes diplômés a progressé de cinq points en un an, ce qui confirme la tendance selon laquelle le CDD est aujourd’hui majoritairement la porte d’entrée des jeunes sur le marché du travail.

Comment, dès lors, peut-on penser que ces jeunes arriveront à réunir les conditions nécessaires à un départ à la retraite dans de bonnes conditions, avec la réforme que vous voulez nous imposer ?

La situation des femmes et des jeunes actifs dans notre pays est très préoccupante. Elle ne doit pas passer inaperçue. Il faut que leurs conditions spécifiques et la précarité de leurs emplois soient prises en compte.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que le rapport que devra rendre le COR avant le 31 mars 2018 fasse le point sur cette situation. Et, il faut le répéter, cela ne serait pas nécessaire si ce Gouvernement avait fait correctement son travail, si l’on nous proposait une réforme des retraites juste, qui ne ferme pas l’avenir à la jeunesse et ne rogne pas sur les droits de femmes !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion