Cet amendement vise à créer la possibilité d’une action de groupe.
Les actions de groupe, ou class actions, permettent à un grand nombre de personnes d’engager ensemble une seule procédure en justice afin d’obtenir réparation d’un préjudice. Cette procédure a déjà été introduite dans le domaine de la santé en Angleterre, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suède.
En 2010, Laurent Béteille et Richard Yung ont rédigé, au nom de la commission des lois du Sénat, un rapport d’information intitulé L’action de groupe à la française : parachever la protection des consommateurs, qui excluait toute action de groupe dans le domaine de la santé, et ce pour deux raisons majeures.
La première tenait à la nature du préjudice : les dommages dans le domaine sanitaire traitent d’une évaluation individuelle précise ne correspondant pas au modèle de l’action de groupe.
La deuxième raison tenait à l’existence d’un dispositif d’indemnisation spécifique, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM.
Les limites de ce dispositif, liées au règlement exclusivement à l’amiable des indemnités et des cas spécifiques dont l’ONIAM pouvait être saisi, nous conduisent à vous proposer une procédure d’action de groupe adaptée au domaine de la santé. Celle-ci prévoit l’intervention de l’évaluation individuelle et de l’indemnisation du préjudice dans la seconde phase de la procédure, une fois, le cas échéant, l’entreprise reconnue responsable du lien de cause à effet.
Toutes les raisons sont donc réunies pour que cet amendement recueille le même consensus que le rapport de MM. Béteille et Yung.
L’affaire du Mediator a permis de mesurer à quel point les victimes sanitaires étaient démunies face à de grands groupes industriels disposant des capacités économiques et judiciaires de retarder les procédures et d’imposer aux victimes un véritable parcours du combattant. Celles-ci doivent ainsi mener individuellement une action en justice, tout en supportant les coûts et la durée des procédures, et sans être assurées, pour autant, d’obtenir gain de cause. Or, après dix ou quinze ans de combat judiciaire, il est parfois trop tard pour les victimes.
De plus, une action de groupe offre un traitement égal aux différentes victimes de drames sanitaires.
La surmédiatisation du Mediator ne doit pas faire oublier d’autres drames sanitaires, qui ne bénéficient pas du même traitement médiatique. Je pense aux victimes du distilbène, administré en masse jusque dans les années quatre-vingt aux femmes enceintes, et dont les effets ont rejailli sur trois générations.
Le montant des indemnités diffère tout autant.
Le sujet est particulièrement important. En effet, aucune loi, aussi complète soit-elle, ne permettra malheureusement de prévoir tous les cas de figure qui se présenteront dans un, deux ou dix ans. Il s’agit donc de créer un dispositif permettant de pallier les insuffisances du système.
Il faut déplorer par ailleurs que, dans l’affaire du Mediator, l’action publique n’ait pas été engagée, en particulier par le parquet, sur l’initiative de l’État, comme le garde des sceaux en avait le pouvoir, et qu’il ait fallu attendre le concours de la CNAMTS, de la Mutualité française et des associations de victimes pour que le juge pénal soit saisi et qu’une instruction soit initiée.
Certes, depuis que ce médicament a été retiré du marché, en 2009, les autorités publiques ont permis aux victimes, avec une relative rapidité, d’obtenir des indemnités. Toutefois, ces mêmes autorités avaient auparavant attendu dix ans avant de se saisir de cette affaire.
De fait, il n’existe rien en droit français qui permette de regrouper les actions individuelles de consommateurs, si ce n’est la seule action ouverte aux associations de consommateurs. L’action en représentation conjointe n’a été utilisée que cinq fois depuis sa création en 1992, du fait de la lourdeur et de la complexité de sa mise en œuvre.