Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 27 octobre 2011 à 9h45
Sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Vote sur l'ensemble

Xavier Bertrand, ministre :

Il s’agit pour moi, il est vrai, du premier projet de loi que je défends au Sénat dans sa nouvelle configuration politique. Je note que nos échanges ont toujours été marqués par un véritable respect, même lorsque les débats ont été passionnés et nos paroles enflammées. Nous n’avons donc pas dérogé à la tradition !

Comme de coutume à la fin de l’examen d’un texte, je veux énumérer – c’est aussi l’une des clés du respect – les points sur lesquels je ne partage pas votre avis, pour que vous sachiez ce qui, à mon sens, peut ou doit être modifié en commission mixte paritaire.

Je relève un certain nombre de points positifs à l’issue de l’examen de ce texte. Reconnaissons-le : certains amendements ont été adoptés au-delà des frontières partisanes. C’est une bonne chose, car ce texte le mérite. Certes, tous les textes le méritent… Mais celui-ci porte sur un sujet tel que l’on doit pouvoir oublier des réflexes trop politiciens.

Parmi les points positifs, je range l’audition par les parlementaires, avant leur nomination, des dirigeants aux instances nationales des agences de santé. Il s’agit d’une avancée importante.

J’y range également la garantie que l’expertise sanitaire réponde aux principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et de contradictoire.

Un autre point important réside dans la prise en compte de la spécificité des maladies rares avec les recommandations temporaires d’utilisation, les RTU.

À l’article 14 bis, la question du dossier pharmaceutique nous permet aussi de concrétiser une avancée importante. Au-delà, l’article 33 relatif à la contraception d’urgence ainsi que la question des grossistes-répartiteurs font partie des points sur lesquels le texte a progressé.

Cela prouve qu’on a toujours intérêt à s’entendre, à se parler et à avancer ensemble.

En revanche, pour être tout à fait franc avec vous, je déplore un certain nombre de reculs sur des points du texte qui, selon moi, étaient importants.

Je pense notamment à la question de l’interdiction de liens d’intérêt pendant les trois ans précédant la nomination des personnalités visées à l’article 1er du projet de loi. Je ne veux pas à nouveau personnaliser le débat avec l’exemple de Dominique Maraninchi, dont on a beaucoup parlé : il n’est pas le seul susceptible d’être concerné par une telle disposition. Mais nous butons sur un point sur lequel nous ne sommes pas encore tout à fait d’accord : l’absence de confusion entre liens d’intérêts et conflit d’intérêts.

Pour ma part, je pense qu’il est dommage de se priver de l’expérience et de ce que peuvent nous apporter un certain nombre de professeurs des universités-praticiens hospitaliers, les PUPH.

Je pense que nous sommes tous assez grands pour ne pas valider une nomination si, au cours de l’audition, la situation n’apparaît pas suffisamment claire.

On ne doit pas se lier les mains : il y va de la responsabilité politique. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est votre pouvoir d’appréciation qui, à mon avis, doit s’exercer dans les auditions.

Je trouve en outre dommage que la création de la charte de l’expertise sanitaire ait été annulée.

À propos du nom de l’Agence, tous les adjectifs ont fleuri : « cosmétique », « anecdotique », « secondaire », j’en passe et des meilleurs. Mais, pour moi, le nom de l’AFSSAPS est lié au dossier du Mediator.

Si l’on décide de renforcer la vocation de l’Agence en matière de police du médicament, de son rôle sanitaire, il faut parler alors d’Agence de sécurité du médicament. Ce n’est pas le point essentiel du texte, j’en conviens, mais je pense qu’un nouveau départ doit s’accompagner d’un nouveau signal. C’est en cela que le changement de nom est important.

Un autre point me gêne encore plus dans la version définitive du texte : l’interdiction, pour les associations de patients qui reçoivent des subventions de l’industrie, de siéger au conseil d’administration de l’Agence.

Alors que l’information et la transparence constituent le point de départ de la confiance, il s’agit là tout simplement d’un recul en termes de démocratie sanitaire. Nul besoin de grands mots ! On ne peut maintenir le texte en l’état.

S’agissant maintenant des ATU, j’estime que leur durée est trop strictement limitée dans le texte issu des débats de votre assemblée. Le durcissement de leur régime va pénaliser les patients ayant des maladies et un besoin de traitement de longue durée.

Quant aux actions de groupe, qui suscitent beaucoup d’interrogations, je ne pense pas qu’elles puissent être traitées sur la base de ce seul texte. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une question d’ordre sociétal, qui n’est ni de droite ni de gauche… Beaucoup redoutent que l’action de groupe n’introduise un phénomène de judiciarisation à l’américaine. De tels propos sont peut-être réducteurs, il n’en demeure pas moins nécessaire de poser les questions, de mettre les choses à plat ; et cela excède le champ du présent texte. En tout cas, nous avons apporté la preuve, avec le fonds Mediator, qu’on pouvait aller plus vite et plus loin.

Nous nous sommes, il est vrai, appuyés sur de nombreux travaux : à l’Assemblée nationale sur les travaux réalisés en binôme par Gérard Bapt et Jean-Pierre Door, mais aussi sur ceux des professeurs Philippe Even et Bernard Debré. Je n’oublie pas la mission commune d’information du Sénat présidée par François Autain et dont le rapporteur fut Marie-Thérèse Hermange.

Permettez-moi une petite remarque : du temps où j’étais jeune secrétaire d’État, ou même ministre de la santé débutant, je n’aurais certainement pas porté une telle réforme sur le médicament. À l’époque, j’écoutais beaucoup, et j’entendais trop. Aujourd'hui, j’écoute toujours autant, mais je me fie aussi à mon intuition et à ma conviction.

Pour être franc, il m’est arrivé autrefois de trouver que François Autain, que je respecte beaucoup, y allait tout de même un peu fort sur le médicament. En fin de compte, je me suis aperçu qu’un certain nombre des propos qu’il tenait alors étaient justes.

Je me rappelle d'ailleurs qu’après la première conférence il m’a demandé : « Est-ce qu’on te laissera aller aussi loin ? ». Je pense que oui.

Je sais en effet que, pour réaliser une vraie réforme, il ne faut pas de demi-mesures. Une vraie réforme repose sur un texte ambitieux et équilibré. C'est la raison pour laquelle je ne me retrouve pas complètement dans ce texte.

Je comprends la position de certains d’entre vous, consistant à ne pas voter contre le texte dans la mesure où il contient des avancées. C’est ce qu’a fait, en s’abstenant, le groupe socialiste à l’Assemblée nationale. J’espère toutefois que la version définitive nous permettra de nous rassembler toutes tendances confondues.

J’ajouterai que, pour l’application de la réforme, je fais toute confiance à l’ANSM et à Dominique Maraninchi qui la pilotera. Il le sait : cet encouragement est synonyme de très grande exigence.

Pour cette raison, il nous faudra également, dans deux ou trois ans, évaluer l’application de la réforme. Car, si nous sommes très clairs sur l’esprit du texte et sur les moyens que nous mettons en place, il faudra que la mise en œuvre sur le terrain soit, elle aussi, très claire.

Je pense en ce moment aux Français qui nous voient agir et qui, au cœur de l’affaire du Mediator, se demandaient, plusieurs fois par jour, s’ils pouvaient sans risque prendre leurs cachets. La confiance dans le traitement médicamenteux ne doit pas être entachée ; elle ne doit pas être entamée. Le vote de ce texte est, à cet égard, nécessaire.

Je rappelle à ce propos qu’on doit au docteur Chiche d’avoir, le premier, porté ce dossier. Nous devons aussi ce texte au docteur Irène Frachon, ainsi qu’à Gérard Bapt, dont la double casquette de cardiologue et de député, a rendu possibles des avancées considérables.

Nous ne devons plus jamais nous retrouver sous la chape de plomb qui nous avait jusque-là empêchés d’agir.

Plus largement, je conclurai que l’adoption de ce texte sera surtout une réponse à toutes les victimes du Mediator.

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