Intervention de François Fillon

Réunion du 27 octobre 2011 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Suites du sommet européen

François Fillon, Premier ministre :

Elles ne l’ont pas été aujourd’hui, à l’exception de sa conclusion, qui n’est pas tout à fait à la hauteur des qualités de votre collègue que je me plais ici à souligner.

Si les analyses pertinentes, monsieur Chevènement, sont aisées à faire, vous conviendrez avec moi qu’il est plus difficile de mettre d’accord dix-sept pays, surtout lorsque, du fait de leurs cultures et de leurs histoires respectives, ils s’opposent sur un certain nombre de sujets, notamment ces questions financières.

Donc, vous me permettrez de vous dire d’abord, avant d’imaginer l’accord idéal que nous aurions pu trouver, quels sont les points extrêmement positifs qui ont été obtenus hier, grâce à une mobilisation très forte du Président de la République française et de la Chancelière allemande. Le travail de compromis auquel ils se sont astreints a été fondamental pour éviter ce qui aurait été une catastrophe : une absence d’accord hier soir. §(M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Premier point positif : l’idée qu’on puisse lâcher un pays de la zone euro est définitivement abandonnée. Cette idée a, en effet, été longtemps défendue par un certain nombre d’États qui considéraient qu’après tout il n’y avait qu’à laisser tomber la Grèce. Nous avons trouvé hier des solutions difficiles, certes, mais qui permettent d’apporter une aide supplémentaire de 100 milliards d’euros à la Grèce et de réduire de 50 % sa dette en faisant appel seulement aux créanciers privés, dans des conditions qui devraient ouvrir la voie au redressement de l’économie grecque.

C’est très important parce que, vous l’avez souligné vous-même, les attaques spéculatives contre les autres pays sont liées au fait que les milieux financiers avaient le sentiment que l’Union européenne n’était pas capable de résoudre la crise grecque. Si nous arrivons à endiguer les attaques contre la Grèce, alors cesseront une grande partie de celles qui se sont portées, de façon peu cohérente, peu conforme aux réalités économiques, sur d’autres États de la zone euro.

Le second point positif est que le Fonds européen de stabilité financière est renforcé. Certes, ce n’est pas la banque que nous aurions voulu adosser à la Banque centrale européenne ; certes, il a fallu trouver un compromis avec l’Allemagne. Mais je vous rappelle que, de son côté, celle-ci ne voulait pas entendre parler, voilà quelques semaines, d’un effet de levier du Fonds européen de stabilité.

Nous avons trouvé ce compromis ; c’est une étape très importante. Sur ce point, permettez-moi d’attirer votre attention sur le fait que, voilà un an, il n’y avait aucun instrument de défense de la stabilité de la zone euro.

Nous avons également trouvé un accord sur la recapitalisation des banques. Cet accord cohérent permettra d’effectuer une recapitalisation dans l’ordre et en faisant appel essentiellement au secteur privé, s’appuyant en fait sur les résultats des banques elles-mêmes et non sur des fonds publics.

Enfin, l’ensemble des pays de la zone euro se sont mis d’accord sur la mise en œuvre d’un gouvernement économique. Bien sûr, on peut dire que deux rendez-vous par an, cela ne fait pas vraiment un gouvernement économique. Il reste qu’une dynamique est enclenchée par rapport à une époque où il était impossible de simplement réunir les chefs d’État de la zone euro.

Jean-Pierre Chevènement a parfaitement raison lorsqu’il dit que ce n’est qu’une étape. Et tous ceux qui avaient combattu le traité de Maastricht – j’en faisais partie – affirmaient à l’époque qu’il n’était pas raisonnable d’instaurer une union monétaire avant d’avoir résolu les problèmes de l’union politique et sans mettre en place les instruments nécessaires au pilotage de cette union monétaire. D’une certaine façon, la crise que nous connaissons aujourd’hui donne raison à ces analyses.

Il va donc falloir réviser les traités, et c’est bien la décision qui a été prise hier soir par l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement. Cette décision est lourde de conséquences ; tout cela va prendre beaucoup de temps et nécessiter des débats.

Je vous livre simplement mon avis personnel : nous devrons aller vers une union intergouvernementale très forte des pays de la zone euro et, au cœur de cette union, vers un rapprochement franco-allemand qui ne peut plus être seulement symbolique, qui doit faire l’objet d’un travail commun de convergence de nos économies.

Monsieur Chevènement, nous sommes, me semble-t-il, à un moment clé de notre histoire dans la mesure où le monde a profondément changé, sans peut-être que certains d’entre nous s’en soient rendu compte.

La question que nous adresse maintenant l’histoire est la suivante : allons-nous être capables, notamment nous, les forces politiques françaises, de trouver des points d’accord pour permettre une mutation qui est absolument essentielle à l’avenir de la civilisation européenne ?

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