Intervention de Roger Madec

Réunion du 22 juillet 2009 à 9h45
Repos dominical — Article 2

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Épargnez-moi l’argument, madame le rapporteur, monsieur le ministre, selon lequel on ne peut pas doubler la rémunération des infirmières, des médecins ou des pompiers qui travaillent le dimanche !

L’opinion publique et, parfois, les salariés eux-mêmes croient en général que le travail dominical implique le versement d’une majoration salariale et l’octroi d’un repos compensateur. Cela est vrai, mais seulement dans le cas des dérogations accordées par le maire pour le commerce de détail, cinq dimanches dans l’année, et lorsqu’un accord collectif le prévoit. Je vous le rappelle pour mémoire : la majoration salariale et le repos compensateur ne sont pas de droit !

Lors de son discours à Rethel, le 28 octobre 2008, le Président de la République interpellait les maires sur « les familles qui ont le droit, les jours où elles ne travaillent pas, d’aller faire leurs courses dans des magasins qui sont ouverts et pas systématiquement fermés ».

Je serais tenté de dire à mes collègues sénateurs qui sont aussi maires ou élus locaux : pensez donc à ces enfants, issus de familles monoparentales, qui ont aussi le droit de participer à d’autres activités le dimanche que d’attendre le retour du travail de leur parent ! Ainsi, dans son avis sur le rapport de Léon Salto, intitulé Consommation, commerce et mutations de la société, le Conseil économique et social indiquait en 2007 : « Le dimanche doit rester un point fixe structurant permettant de se retrouver et de consolider la cellule familiale de plus en plus éclatée et dispersée. C’est aussi un temps privilégié pour les activités culturelles, sportives, ludiques, touristiques, associatives, la rencontre avec les amis, la disponibilité sociale au service d’autrui, donc le support de la cohésion de la société. »

Le texte de la proposition de loi préconiserait le volontariat. Monsieur le ministre, nous savons bien que le volontariat est absent du code du travail. En raison du lien de subordination entre l’employeur et l’employé, de la précarité de l’emploi et de la faiblesse des salaires, très peu de salariés pourront refuser de travailler le dimanche sans risquer de perdre leur emploi. D’ailleurs, 71 % des salariés du secteur privé pensent qu’ils n’auront pas la possibilité de refuser de travailler le dimanche, si leur employeur le leur demande.

Alors, pensez bien que, dans les zones concernées par les dérogations administratives, l’accord entre l’employeur et les délégués du personnel ira dans un seul sens.

C’est de cette France que nous ne voulons pas, cette France partagée entre ceux qui gagneront plus et ceux qui travailleront plus.

Les conséquences seront désastreuses.

Les trois zones créées – zones touristiques, zones à visée touristique et périmètres d’usage de consommation exceptionnel – finiront par recouvrir la totalité du territoire et seront de facto applicables à l’ensemble des salariés.

Monsieur le ministre, vous considérez que seules 500 communes sont concernées, alors que, pour notre part, nous en dénombrons de 5 000 à 6 000. Le calcul est aussi simple que la loi est floue !

Actuellement, notre pays compte 24, 7 millions d’actifs, dont 7, 4 millions travaillent le dimanche. Une fois la loi votée, à combien se chiffreront ces derniers ? Je vous ai entendu hier avancer le chiffre de 200 000 personnes. Si tel est vraiment le cas, pourquoi faire une loi ?

Par ailleurs, une étude commandée par M. Renaud Dutreil, ministre du commerce en 2006, qui n’est pas suspecté d’avoir des idées de gauche, concluait à la perte de 200 000 emplois dans les commerces de proximité en cas de généralisation de l’ouverture des magasins le dimanche. Face à cette hémorragie, comment survivront les commerces de proximité, soumis à la concurrence des grandes surfaces ? Hélas, force est de constater que le petit commerce, élément structurant non seulement des grandes villes mais également des zones rurales, disparaît dans beaucoup d’endroits !

Si vous cherchez des faits, regardez plutôt du côté des magasins d’ameublements suédois ouverts le dimanche ! Qui peut s’aligner face à de telles entreprises ?

Le chiffre d’affaires réalisé aujourd’hui par les petits commerces va se déplacer vers les groupes de la grande distribution, pour lesquels cette proposition de loi est une aubaine.

Il est illusoire de penser que le consommateur va dépenser plus. Le pouvoir d’achat n’étant pas extensible, les achats dominicaux se substitueront aux achats de la semaine.

Monsieur le ministre, vous qui êtes enseignant de formation et qui avez été longtemps ministre de l’éducation nationale, vous savez que la meilleure pédagogie, c’est la répétition ! Je serais tenté d’essayer de vous convaincre…

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