Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 2 aura pour effet d’autoriser, dans les zones et communes touristiques et thermales, le travail obligatoire des salariés le dimanche sans aucune contrepartie, que ce soit une compensation financière ou un repos compensateur : travailler le dimanche deviendra de droit. Mais je devrais plutôt parler de zones de travail de non-droit pour les salariés, puisque leurs intérêts ne seront pas respectés !
Pour ces femmes et ces hommes qui travailleront le dimanche afin de permettre aux touristes internationaux de dépenser leurs devises, il n’y aura rien : ni rémunération supplémentaire, ni repos compensateur ! Comme si, sous prétexte de satisfaire les aspirations commerciales de quelques-uns, notamment les plus fortunés, il fallait sacrifier les équilibres familiaux ou la santé des autres !
Pourtant, chacun s’accorde à dire que les emplois de commerce provoquent fatigue et stress et que ces maux vont grandissants. Les salariés connaissent d’importants troubles musculo-squelettiques, les TMS, douloureux pour les hommes et les femmes qui les subissent, mais dont les conséquences économiques sont importantes. Cette question intéressera certainement notre nouveau rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle.
D’après l’assurance maladie, les TMS sont la première cause de reconnaissance de maladie professionnelle : ils ont engendré en 2007 la perte de 7, 4 millions de journées de travail et des frais à hauteur de 736 millions d’euros, couverts par les cotisations patronales.
Monsieur le ministre, ces effets néfastes, sur les comptes sociaux comme sur la santé des salariés, auraient pourtant pu être mesurés par une étude d’impact que vous avez refusée et tout fait pour éviter, avec votre Gouvernement, en optant pour la voie d’une proposition de loi plutôt qu’un projet de loi.
Aussi, au regard du travail obligatoire dans les zones touristiques, le second alinéa de cet article 2, suivant lequel « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche », prend un goût amer ! Et encore faut-il que l’intérêt des salariés ne vienne pas contredire les intérêts économiques et la loi du marché !
Madame Debré, lors de la discussion de votre rapport, vous avez présenté le principe du repos dominical comme un « principe ancien ». Mme Procaccia a, pour sa part, parlé de disposition « ringarde », voire « archaïque » ! Nous considérons au contraire qu’il est d’une grande modernité face à un principe encore plus ancien, celui de la domination de l’économie sur l’humain. Bien au contraire, ce qui est daté, c’est le retour que vous proposez à la loi de 1802, permettant aux employeurs de choisir le jour de repos de leurs salariés en fonction des impératifs de productivité.
Au-delà de ces considérations d’usage et de santé publique, votre refus de rémunérer celles et ceux qui travailleront le dimanche dans les zones touristiques et thermales est une preuve de votre volonté de banaliser le travail dominical. Vous voudriez faire de cette journée de travail exceptionnel une journée comme une autre – dans les zones touristiques, pour commencer – et justifier l’absence de compensations par des besoins structurels.
Je le dis avec force, les salariés de notre pays, qui, par leur travail, permettront aux entreprises ou aux établissements d’accumuler de la richesse, doivent pour le moins en bénéficier ! Il est vrai que, pour vous, cette rémunération peut être prévue dans les conventions collectives. À vous écouter, sous prétexte d’offrir une plus grande liberté aux salariés, il faudrait demain supprimer le code du travail et l’ensemble des protections collectives au bénéfice de la seule négociation de gré à gré, votre fameux « gagnant-gagnant ».
Tenir un tel discours, c’est méconnaître profondément le monde du travail et les contraintes qui pèsent sur les salariés, liés par un lien de subordination à leurs employeurs ! Ou bien c’est vouloir les tromper, car, vous le savez bien, ce sont les employeurs qui sortent vainqueurs de ces négociations gagnant-gagnant.
Enfin, je voudrais vous mettre en garde sur les conséquences judiciaires de ce texte, qui seront de deux ordres.
Tout d’abord, vous affirmez, madame le rapporteur, que ce texte renvoie la définition des zones touristiques à celle qui est donnée par le code du travail ; or, la rédaction proposée, en recourant à la notion de zone d’intérêt touristique telle qu’utilisée dans le code du tourisme, sera source d’ambiguïté pour les préfets et de contentieux devant les tribunaux administratifs.
Aussi, afin d’éviter que les contraintes qui pèseront sur les salariés, déjà trop nombreux, des quelque 500 communes reconnues touristiques au sens du code du travail ne s’étendent aux salariés des 5 000 communes reconnues touristiques au sens du code du tourisme, nous avons déposé un amendement qui permettra à votre majorité d’affirmer sa volonté de ne pas étendre le travail le dimanche et aux préfets de s’appuyer sur cette rédaction pour les futures désignations.
Enfin, la distorsion des droits des salariés que vous créez dans ce texte aboutira aussi à des contentieux. Comment accepter que, dans une enseigne nationale implantée dans différentes zones – touristiques, PUCE ou sur d’autres parties de notre territoire où il n’y a pas de zones spécifiques – les contreparties accordées aux salariés soient différentes ? Ce point a d’ailleurs fait l’objet de notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Malgré vos arguments, qui ne m’ont pas convaincue, je persiste à dire qu’il y aura discrimination entre les salariés à l’issue de l’adoption de ce texte.