Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 22 juillet 2009 à 9h45
Repos dominical — Article 2

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’article 2, qui organise la généralisation du travail le dimanche, nous en arrivons au cœur de la proposition de loi. Cet article est d’ailleurs tellement central qu’il constituait à l’origine l’article unique du texte présenté par le député Richard Mallié.

Ainsi, sous couvert de faire cesser une situation complexe, reposant sur de nombreuses dérogations – au nombre de 180 –, le député Richard Mallié a-t-il proposé de revenir sur une règle datant de 1906, instaurée pour protéger les salariés et les ouvriers. Cette protection recueille aujourd’hui encore le soutien d’une majorité de nos concitoyens, puisque 55 % d’entre eux refusent le travail le dimanche.

Mais, en lieu et place d’une loi de simplification, nous débattons aujourd’hui d’une loi qui apportera encore plus de troubles et qui fera naître d’importants contentieux, alors même que l’un de ses principaux objectifs était de régulariser la situation de certains centres commerciaux, Plan-de-Campagne en tête, régulièrement condamnés par les tribunaux administratifs. En ce sens, cette proposition de loi s’apparente clairement à une prime aux délinquants, à une loi d’amnistie.

Si les entreprises condamnées ne montraient pas beaucoup d’empressement à payer leur amende, il faut dire que la justice ne faisait pas non plus preuve de beaucoup de rigueur pour exiger ce qui est dû. Alors comment voulez-vous nous faire croire que celles qui étaient hors-la-loi hier ne s’estimeront pas rétroactivement dans leur droit ? Elles seront donc encore moins enclines à payer leurs dettes ! Comment l’État fera-il pour exiger que ces entreprises assument une responsabilité antérieure à ce texte ?

Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, qui ne cesse de durcir les sanctions, notamment à l’égard des récidivistes, n’hésite pas ici à soutenir une proposition de loi concoctée, faite sur mesure, pour une minorité de magasins appartenant très souvent à de grandes enseignes. Vous créez ainsi les PUCE, les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, dans lesquels le travail le dimanche sera généralisé et légalisé, ce qui permet aux centres commerciaux du Val-d’Oise et de Plan-de-Campagne de réintégrer la légalité. Cette réintégration justifie selon vous une loi d’exception, ce que nous ne pouvons accepter.

Durant l’examen de l’article 2 à l’Assemblée nationale, vous avez affirmé que, pour vous, « les Français doivent travailler plus ». Bel aveu de votre défiance à l’égard de nos concitoyens qui, touchés par le chômage et les temps partiels imposés, ne demandent qu’à travailler. Si des hommes et des femmes, majoritairement des femmes d’ailleurs, travaillent le dimanche, c’est précisément parce que leurs revenus hebdomadaires ne leur suffisent pas à vivre dignement.

Vous vous appuyez sur cette situation de précarité pour justifier votre proposition de loi, comme si les salariés de notre pays devaient accepter toutes les déréglementations, la perte de tous leurs repères, l’anéantissement de tous leurs droits pour avoir la possibilité de gagner quelques euros de plus. Reste que tous n’auront pas droit à une majoration de salaire dans les PUCE eux-mêmes. Seuls les nouveaux salariés, ceux qui seront embauchés dans un PUCE après l’adoption de cette proposition de loi auront le droit d’avoir un repos compensateur et de percevoir pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, à moins qu’un accord collectif ne vienne prévoir des contreparties inférieures à celles qui sont prévues légalement.

Indéniablement, cette inversion de la hiérarchie des normes dessert les salariés et permet aux employeurs de s’aménager les lois à leur mesure.

Quant aux salariés contraints de travailler le dimanche dans les zones et villes touristiques, ils n’auront tout simplement droit à aucune contrepartie au motif qu’ils n’auraient pas été volontaires pour travailler le dimanche. Or c’est précisément parce que ce travail s’apparente à une contrainte supplémentaire subie par les salariés qu’il faut organiser une réelle compensation !

Si l’on considère les salariés des PUCE embauchés avant et après l’adoption de cette proposition de loi, les salariés des zones touristiques, les dérogations accordées cinq dimanches par an par le maire, les secteurs où le travail dominical est permanent et les 180 dérogations qui résisteront à ce texte, la législation en sera d’autant plus complexe. Une seule certitude existe : si les actionnaires profiteront pleinement de cette législation, les salariés, eux, seront, une fois encore, les victimes d’une société dédiée au « tout commerce ».

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