Non, mes chers collègues, quoi que la majorité sénatoriale ait pu dire ou répéter, l’article 2 n’est pas anodin. Loin de là ! Quel qu’ait pu être l’habillage qui en a été fait, et quoi que vous puissiez dire, monsieur le ministre, cet article ouvre une grande brèche dans le modèle social français. Ses effets néfastes sur les salariés, le petit commerce et la vie sociale sont patents. Cette banalisation du travail le dimanche nous conduira de fait sur la voie tortueuse de la généralisation.
Bref, il s’agit là d’un recul social de plus d’un siècle. D’ailleurs, si ce texte était vraiment sans grande portée, vous n’auriez pas choisi de le soumettre au Parlement en plein cœur des congés annuels des Français. Si vous ajoutez à cela la multiplication des plans sociaux, vous pouvez craindre, mesdames, messieurs de la majorité, monsieur le ministre, une rentrée particulièrement chaude.
Ce texte est dur, très dur même – je sais que Jean-Jacques Mirassou ne me contredira pas –, concernant les zones touristiques ou thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. C’est la banalisation du travail le dimanche, sans contrepartie obligatoire, sans que le volontariat soit mentionné. C’est la généralisation à une grande partie du territoire de la notion de communes touristiques.
Nous ne sommes pas ici dans l’anodin. Vous allez donner le droit aux commerces de telle ou telle ville touristique de faire travailler leurs salariés tous les dimanches de l’année sans contrepartie obligatoire et sans aucune condition de saisonnalité.
Par ailleurs, au-delà de la rhétorique sur la « fin de l’hypocrisie », les « nécessités du tourisme » ou encore le besoin de voler au secours des entreprises hors-la-loi, sachez-le, une grande majorité de Français ne veut pas voir les activités marchandes remplir la totalité de leur vie. Nos concitoyens dans leur grande majorité s’accordent à penser que l’on peut tout de même, une fois par semaine, suspendre le culte marchand pour s’occuper de son développement individuel, de sa vie familiale, et se consacrer à des activités culturelles, sportives ou spirituelles.
Cet article va casser certains équilibres sociaux auxquels nous sommes parvenus à l’issue de nombreuses décennies. Ne laissons pas le PIB l’emporter systématiquement sur les traditions familiales !
Comme notre collègue Claude Jeannerot vous l’a déjà dit, le marché demandait hier la précarisation du salariat ; il réclame aujourd’hui le travail le dimanche. Qu’exigera-t-il demain ?
D’abord, vous nous avez dit qu’il fallait travailler plus. Ensuite, vous nous avez demandé de travailler plus longtemps, après soixante ans. Maintenant, selon vous, il faut travailler le dimanche. Peut-être faudra-t-il demain travailler durant les arrêts maladie, comme certains y ont déjà pensé ?