Parmi les amendements dont nous aurons à débattre aujourd'hui, celui-ci n’est pas le plus fondamental. Il offre néanmoins un intérêt politique et symbolique certain.
Quelle raison y a-t-il à apporter une telle précision à l’article L. 3132-3 du code du travail ? Pourquoi vouloir ajouter « dans l’intérêt des salariés » à un article clair qui se suffit à lui-même ? C’est une précision inutile et, de mon point de vue, légèrement perverse. En effet, pourquoi apporter cette précision maintenant ? Pourquoi spécifier : « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. », au moment même où vous généralisez le contraire, où vous banalisez non pas le repos, mais le travail dominical ? Ne serait-ce pas, justement, pour tenter maladroitement d’atténuer la triste réalité de votre projet ?
Sous couvert d’un ajout purement déclaratoire prétendument destiné à protéger les salariés, vous réduisez drastiquement les raisons, les intérêts, tous les intérêts, pour lesquels le repos hebdomadaire a été instauré le dimanche. Le repos hebdomadaire a été instauré le dimanche non seulement dans l’intérêt des salariés, mais également dans l’intérêt de leur santé physique, de leur santé psychique : il s’agit d’un repos, mais surtout d’un repos en famille. Ce repos est donc également dans l’intérêt de l’entreprise et des employeurs : avec une bonne santé, les salariés sont plus productifs, ils remplissent plus efficacement leurs tâches. C’est au final l’entreprise qui récolte les fruits de cette meilleure productivité. Pourquoi pas ?
Mais votre formulation est quelque peu perverse en ce qu’elle nie d’autres intérêts plus importants encore que ceux du salarié ou de l’entreprise.
Le repos hebdomadaire le dimanche, c’est évidemment, d’abord et avant tout, dans l’intérêt des individus, du couple, de la famille, de la société tout entière.
Nous sommes nombreux ici, sur toutes les travées, à nous plaindre du délitement de notre société, à craindre l’affaiblissement de notre « vivre ensemble ». Ce sera infiniment pire si le repos dominical disparaît. Les uns et les autres l’ont, ici, largement démontré.
Certains ne cessent de stigmatiser le désengagement des parents dans l’éducation de leurs enfants. Ils se plaignent de l’absence d’échanges entre parents et enfants et du manque de moments disponibles pour parler, échanger, jouer, transmettre les leçons de la vie, vivre.
Vraiment, ne voyez-vous pas que c’est dans l’intérêt de tous de préserver le dimanche comme jour de repos commun ?
Si, pendant des décennies, nos prédécesseurs n’ont pas jugé nécessaire d’apporter cette précision, d’ajouter dans le code du travail « dans l’intérêt des salariés, », c’est bien parce qu’il s’agit non pas de l’intérêt des salariés, mais de l’intérêt de tous, et que toute précision serait automatiquement exclusive.
C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter notre amendement, qui vise à rétablir cet intérêt supérieur.