Intervention de Roger Karoutchi

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Organe central des caisses d'épargne et des banques populaires — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Roger Karoutchi, secrétaire d'État :

Cette union est loin de constituer une fusion pure et simple : les deux réseaux, comme vous l’avez constaté dans le projet de loi, demeureront distincts ; ils conserveront une politique commerciale et des marques autonomes. Par ailleurs, les deux groupes partagent une culture coopérative commune qu’ils conserveront dans l’opération. Les caisses d’épargne continueront à lutter contre l’exclusion bancaire, à financer le logement social et à contribuer à l’amélioration du développement économique. Les banques populaires, quant à elles, resteront attachées à la promotion de la culture de l’entreprenariat.

Dans le respect des deux identités et des deux marques, le nouveau groupe pourra s’appuyer sur deux réseaux autonomes et complémentaires : l’un, le réseau des caisses d’épargne, est plutôt orienté vers le crédit aux particuliers, tandis que l’autre, celui des banques populaires, est davantage tourné vers le crédit aux entreprises. Par ce rapprochement, le groupe renforcera son positionnement comme banque universelle de dépôts et confortera sa solidité financière.

Ce rapprochement permettra également d’améliorer le pilotage stratégique de Natixis, avec une gouvernance claire et simplifiée - un unique actionnaire de référence au lieu de deux – et d’intégrer Natixis dans un ensemble au profil plus diversifié et assis sur des réseaux solides et des métiers moins volatils que la stricte banque de financement et d’investissement.

Je précise que Natixis a engagé un plan de réduction de ses risques, grâce à la mise en gestion extinctive de certains actifs. Ce portefeuille, dont on peut dire, dans ces conditions, qu’il est correctement « cantonné », couvre 33, 7 milliards d’euros de risques pondérés. Il comprend les actifs dits « toxiques » de Natixis, c’est-à-dire les actifs exposés à la crise immobilière américaine, mais également des actifs de marché « complexes » tels que les dérivés de taux ou les structurés de fonds. Ce portefeuille, qui s’apparente donc en quelque sorte à une structure interne de cantonnement, est sans doute le plus efficace et le moins coûteux pour l’État. Il fait l’objet d’un suivi rapproché de la part de la Commission bancaire, en sus du suivi « classique » de l’établissement réalisé par le superviseur.

Les résultats de Natixis au premier trimestre 2009 s’expliquent par les pertes enregistrées sur ce portefeuille en gestion extinctive, le reste de ses activités dégageant des bénéfices. Le rapprochement des caisses d’épargne et des banques populaires permettra donc, tout en en améliorant la gouvernance, d’intégrer cette filiale dans un groupe au profil de risque beaucoup moins élevé. Voilà ce qu’il faut incontestablement à Natixis pour affronter l’avenir !

Dans ces conditions, et ce sera mon deuxième point, il convient de s’interroger sur le rôle de l’État.

Il va de soi que l’État souhaite accompagner cette union, qui procède de la volonté non pas de l’exécutif, mais de celle des deux groupes, et ce depuis longtemps. Le Gouvernement s’est engagé à accompagner la création du nouveau groupe par un apport de fonds propres.

L’apport de l’État en fonds propres, d’un montant de 5 milliards d’euros, dépasse de 3 milliards d’euros l’apport proposé aux autres banques de la place. Il a été validé par la Commission européenne le 8 mai dernier et s’effectuera par l’intermédiaire de la société de prise de participation de l’État, la SPPE, en deux étapes.

D’une part, l’État réalisera cet apport de fonds propres dans les conditions de droit commun sous la forme de titres super-subordonnés, à concurrence de 2 milliards d’euros, titres qui pourront être souscrits avant le 31 août par les deux groupes, comme c’est le cas pour les autres établissements bancaires français.

D’autre part, l’État apportera au nouveau groupe un complément de 3 milliards d’euros de fonds propres sous la forme d’actions de préférence sans droit de vote qui seront émises par le nouvel organe central, une fois le rapprochement réalisé.

L’apport de l’État en fonds propres permettra au nouveau groupe de bénéficier d’une structure financière robuste et pérenne et d’afficher un ratio de solvabilité tier one proche de 9 %, celui des banques européennes les mieux capitalisées à ce jour.

Toutes les conditions sont donc réunies pour assurer l’intégrité de l’investissement de l’État, objectif qui est au cœur de la démarche du Gouvernement. Les actions de préférence seront injectées au niveau du nouvel organe central. En revanche, la rémunération et le remboursement de cet apport seront assis sur l’ensemble du groupe.

Compte tenu de l’ampleur de son investissement, qui va au-delà du celui qui est prévu pour les autres groupes bancaires, l’État disposera de droits de gouvernance dans le nouveau groupe.

Le nouvel organe central sera doté d’un directoire et d’un conseil de surveillance. Celui-ci comprendra, outre des représentants des salariés, dix-huit membres, sept issus du groupe banque populaire, sept issus du groupe caisse d’épargne et quatre désignés sur proposition de l’État, dont deux membres indépendants.

Enfin, à partir de la cinquième année, les actions seront convertibles en actions ordinaires, de sorte que l’État pourra détenir au maximum 20 % du capital du nouvel organe central. Cette clause de conversion constitue une incitation au remboursement de l’État. Matériellement, cette conversion se traduira par l’émission de bons de souscription d’actions au profit de l’État.

J’en viens au troisième point : la création d’un nouvel organe central par la loi.

Non seulement l’État accompagne financièrement cette union, mais il doit aussi la rendre possible par la loi.

Le code monétaire et financier contient, en effet, pour les réseaux bancaires mutualistes et coopératifs des dispositions spécifiques. Ce projet de loi prévoit donc la création du nouvel organe central. Dans un réseau mutualiste, celui-ci est une sorte de tête de réseau. Il dispose de pouvoirs étendus en matière de gestion de la liquidité au sein du groupe.

L’organe central comprendra les principales filiales des deux groupes. Les moyens techniques et humains des banques populaires et des caisses d’épargne nécessaires à l’exercice des missions d’organe central seront également rassemblés dans cette nouvelle entité. Les filiales du pôle immobilier des deux groupes ainsi que les autres participations des deux organes centraux seront, quant à elles, dans un premier temps, conservées par leurs banques respectives.

Le projet de loi prévoit que le nouvel organe central sera créé sous la forme d’une société anonyme détenue à la majorité absolue du capital social et des droits de vote par les caisses d’épargne et les banques populaires : c’est l’objet de l’article 1er, qui énonce également les missions du nouvel organe central, à savoir, notamment, la définition des orientations stratégiques du groupe, la coordination des politiques commerciales des deux réseaux, la représentation du groupe et des réseaux auprès des organismes de place et pour conclure des accords nationaux et internationaux, l’adoption des mesures nécessaires pour garantir la liquidité et la solvabilité du groupe, la définition des principes et conditions d’organisation du contrôle interne et de la politique de gestion des risques.

L’article 4 prévoit, lui, le transfert des actifs et des passifs de la Caisse nationale des caisses d’épargne et de la Banque fédérale des banques populaires vers le nouvel organe central, ainsi que le transfert de l’ensemble des personnels et des moyens financiers et techniques nécessaires à l’accomplissement des missions définies à l’article 1er.

Ces transferts emporteront les effets d’une transmission universelle de patrimoine vers le nouvel organe central et seront opposables aux tiers, sans autre formalité. Ils n’ouvrent pas droit à remboursement anticipé ou à modification de ces contrats.

Les porteurs des instruments financiers concernés seront naturellement informés de ces transferts.

À l’article 5 figurent les dispositions relatives à l’organisation du dialogue social au sein du nouveau groupe. L’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires agira en qualité de groupement patronal pour le compte de ces deux réseaux. Le projet de loi constitue une garantie pour les personnels puisqu’ils conserveront leur statut actuel.

Je voudrais souligner, avant de conclure, combien les travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat nous ont permis de prendre en compte les préoccupations exprimées par les parlementaires.

Ainsi, à l’Assemblée nationale, la composition du conseil de surveillance a été précisée pour y inclure une majorité de représentants des sociétaires, soit dix membres au moins sur dix-huit. C’est un point qui a donné lieu à de longs débats et la rédaction adoptée me semble satisfaisante pour permettre une représentation majoritaire des sociétaires au sein du conseil de surveillance du nouvel ensemble.

Au Sénat, les auditions conduites par votre commission des finances ont permis de mettre en lumière les questions liées à la représentation des salariés au sein des deux groupes.

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