Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Organe central des caisses d'épargne et des banques populaires — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

Ce sont non pas des propos guerriers, mais les noms que se donnaient elles-mêmes les banques populaires et les caisses d’épargne !

Le groupe qui naîtra de la fusion deviendra la deuxième institution bancaire française, avec près de 110 000 salariés et 7 700 agences au service de près de 35 millions de clients. Ce n’est pas rien !

Nous devons attendre de ce rapprochement des deux réseaux bancaires, annoncé le 26 février dernier, plusieurs avantages.

Tout d’abord, il doit permettre d’exploiter au mieux le potentiel économique des deux groupes coopératifs. Avec 22 % des dépôts en France, 527 milliards d’euros d’encours d’épargne et un produit net bancaire qui dépassera 19 milliards d’euros en 2009, la nouvelle structure bancaire issue de la fusion deviendra le deuxième groupe bancaire domestique, se situant au premier rang sur certains segments de clientèle : artisans, commerçants, jeunes, enseignants, associations et économie sociale. Surtout, avec 38 milliards d’euros de fonds propres, le nouvel ensemble sera financièrement plus solide.

Par ailleurs, les deux réseaux seront complémentaires sur le plan commercial, car ils demeureront concurrents et conserveront leur autonomie et leur spécificité dans leur développement commercial, sans se spécialiser par type de clientèle, ce qui risquerait de produire une perte de valeur. Le groupe Caisse d’épargne dispose d’un réseau de 4 780 agences. Il est au troisième rang des banques françaises en termes de réseau bancaire. Le groupe Banque populaire, avec 3 370 agences, se situe au quatrième rang.

Il est cependant attendu de ce rapprochement des deux groupes des synergies et des économies d’échelle, par une mise en commun, afin d’offrir un meilleur service à la clientèle des deux réseaux, des outils industriels tels que les systèmes de paiement, les achats d’espaces et de matériels informatiques et les outils d’exploitation.

Cela étant dit, et au-delà des bénéfices attendus de la fusion, je souhaite revenir sur la raison principale de ce rapprochement, en évoquant la situation de Natixis.

Après les explications que viennent de nous fournir M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur, j’espère ne pas être redondant. Pour avoir vécu, en tant que membre du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, l’opération de vente d’Ixis, banque de financement et d’investissement émanant de la CDC, je peux dire que c’est à partir de cette époque, c'est-à-dire en 2001-2002, que les difficultés sont survenues.

Je ne reviendrai pas sur les dérapages et les tête-à-queue effectués, depuis 1999, par la direction de la Caisse d’épargne, qui a acheté, comme l’a dit M. le rapporteur, à contre-cycle.

Ixis, après avoir été créée puis vendue par la Caisse des dépôts et consignations, a fusionné avec Natexis Banque Populaire pour donner naissance à Natixis. Elle est donc à l’origine des difficultés des deux groupes.

C’est d’ailleurs la banque française qui a été la plus durement touchée par la crise. Elle a perdu encore récemment 1, 83 milliard d’euros, du fait de nouvelles dépréciations dans sa structure de cantonnement. Je connais le discours de M. Pérol et de Mme la ministre de l’économie – vous l’avez repris ce soir, monsieur le secrétaire d’État –, selon lequel il est possible de cantonner un certain nombre d’activités. Néanmoins, des capitaux non négligeables peuvent encore être considérés comme « illiquides ». Même si vous les avez placés en gestion extinctive, le risque pourrait concerner de 5 à 20 milliards d’euros, ce qui est particulièrement inquiétant.

Personne ne peut établir un état précis des risques – Mme Nicole Bricq l’a dit –, et les conditions actuelles du marché sont susceptibles de conduire à de nouvelles dépréciations. Personne ne peut donc nous assurer que nous n’assisterons pas, dans un avenir proche, à de nouvelles pertes.

C’est pourquoi, comme beaucoup de mes collègues, ma principale interrogation porte sur la situation financière de Natixis, sur laquelle nous manquons d’éléments. Par ailleurs, l’importante participation financière de l’État dans cette affaire ne manque pas de nous poser question.

L’État consent en effet un effort particulièrement massif. Son soutien, qui vise à accompagner ce rapprochement, s’élève, pour 36 milliards d’euros de fonds propres, à plus de 7 milliards d’euros. Il s’agit de consolider les fonds propres du nouvel ensemble constitué par les deux groupes, Caisse d’épargne et Banque populaire.

Cela servira principalement à assurer l’avenir de sa filiale commune, dont la gestion a été des plus aléatoires ! En réalité, c’est l’activité de financement et d’investissement de cette filiale qui a menacé la solidité financière des deux réseaux de banques de dépôt et de crédit.

Par conséquent, afin d’asseoir la solidité financière du nouvel organe central, qui sera chargé de garantir la liquidité et la solvabilité de l’ensemble du groupe, les autorités ont décidé d’accroître les fonds propres alloués par l’État aux groupes des banques populaires et des caisses d’épargne. Une telle décision nous conduit à nous interroger sur le rôle de l’État et la nécessaire protection de ses intérêts par rapport à cette nouvelle structure.

En contrepartie de cet engagement financier substantiel, l’État disposera, comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, d’un droit de regard. Le protocole d’accord prévoit ainsi que le conseil de surveillance du nouvel organe central comprendra quatre représentants de l’État : deux qui le représenteront explicitement et deux personnalités dites « qualifiées », sur lesquelles il est permis de s’interroger. Dans un trait d’humour, Mme Lagarde nous a indiqué qu’aux États-Unis – un pays qu’elle connaît bien ! –, un joueur professionnel de basket pouvait être considéré comme une personnalité qualifiée. En France, pourquoi pas Zinedine Zidane ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion