Intervention de Jean Desessard

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Organe central des caisses d'épargne et des banques populaires — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

C’est bien le problème !

Pour couvrir ses pertes, le nouveau groupe, placé sous la responsabilité de M. Pérol, devrait recevoir une aide publique de 5 milliards d’euros qu’il devra rembourser dans un délai de cinq ans, avec un taux d’intérêt de 8%.

Pour cela, il devra dégager des marges de manœuvre importantes. Voyons quelles sont les solutions envisagées par ses dirigeants.

La première, c’est la « cession d’actifs », autrement dit la vente à la découpe des filiales du groupe les plus rentables, comme le Crédit foncier ou les services de banque en ligne.

La deuxième, c’est « l’accroissement de la rentabilité opérationnelle du réseau ». Traduction : suppressions d’emplois, fermetures d’agences et de succursales, remise en cause de l’accès des plus défavorisés aux services bancaires !

La troisième solution, c’est de mettre à contribution « de manière exceptionnelle » les caisses et les banques régionales, bref, de piller l’épargne des Français pour éponger les pertes d’une gestion hasardeuse.

Aucune de ces trois solutions n’est acceptable. Près de 15 000 emplois seraient menacés à terme, et aucun projet social clair n’accompagne cette fusion. Le Gouvernement refuse d’envisager l’harmonisation des statuts des salariés, qui est pourtant la conséquence logique de la fusion, car il souhaite éviter un nivellement par le haut des garanties qui leur sont accordées.

Dans les départements d’outre-mer, le rapprochement des réseaux des caisses d’épargne et des banques populaires risque de conduire à une situation de quasi-monopole, puisque le futur groupe détiendra 80 % des parts de marché. De ce fait, l’Autorité de la concurrence pourrait être amenée à exiger la vente de certaines filiales, ce qui laisserait la place libre aux banques commerciales qui pratiquent des tarifs abusifs, quatre à cinq fois supérieurs à ceux de la métropole.

Aussi, je m’interroge sur les raisons qui ont incité ces deux grands groupes coopératifs à une telle dérive. En effet, les valeurs des banques coopératives, c’est-à-dire la proximité, avec une participation active au développement du tissu économique local, et la démocratie, avec un contrôle par les clients-sociétaires de leurs choix stratégiques, ont été bafouées par l’équipe dirigeante, dont la majorité des membres est restée en place.

Faisant fi de ces idéaux, le Gouvernement et les grands patrons de la finance, dans leur logique libérale, encouragent la constitution de supergéants bancaires.

Doit-on se réjouir de la naissance du deuxième groupe bancaire français, un géant sur le plan européen, avec ses 33 millions de clients et ses 110 000 salariés ? Je pense que nous devrions plutôt nous demander s’il est opportun d’accélérer la concentration dans le domaine bancaire.

Prenons l’exemple des États-Unis. En janvier 2008, les trois premières banques nord-américaines contrôlaient déjà 20 % des dépôts. Douze mois plus tard, elles en contrôlent plus du tiers. Dans le même temps, elles ont perçu des pouvoirs publics pas moins de 95 milliards de dollars d’aides.

Rappelons l’analyse de MM. Stern et Feldman, qui, en 2004, avaient alerté les autorités américaines. Ils considéraient alors que les géants bancaires étaient too big to fail, trop importants pour qu’on les laisse tomber et fragiliser l’économie américaine.

Au cœur de la crise, fidèle au dogme libéral, l’administration Bush a refusé de venir au secours de Lehman Brothers. Conséquence : l’onde de choc a été telle que l’État américain a dû prendre une participation à hauteur de 80 % du capital du premier assureur mondial, AIG, pour un montant atteignant 100 milliards de dollars.

Les nouveaux supergéants bancaires sont donc devenus too big to fail. La concentration bancaire a désormais tellement d’implications sur l’économie qu’aucun État ne peut plus laisser faire, et les contribuables seront obligés d’éponger les pertes.

Pour réaliser cette tâche, Nicolas Sarkozy a fait le choix de placer son proche conseiller, ami des financiers, M. François Pérol, à la tête de ce nouvel ensemble. Cette nomination, qui relève du fait du prince, ne va pas sans poser de sérieux problèmes éthiques, car elle témoigne d’une confusion entre le monde de la finance et la sphère politique.

En effet, M. Pérol a organisé cette fusion lui-même, directement depuis son bureau de l’Elysée. Il a négocié un apport de l’État de 5 milliards d’euros pour tenter de sauver Natixis, et le voilà maintenant à la tête du deuxième groupe bancaire français.

Les sénatrices et sénateurs Verts voteront contre ce projet de loi qui est un cadeau de plus aux dirigeants de la finance et une remise en cause des valeurs du modèle coopératif.

Pour sortir de la crise, nous aurions souhaité voir émerger un modèle différent, qui serve non pas à dissimuler les pertes, mais à assainir la situation et à faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent pas, ne se reproduisent plus !

Nous aurions souhaité des contrôles qui mettent fin à la spéculation, à la recherche du profit à tout prix, ainsi que des sanctions à l’encontre des dirigeants qui prennent des risques insensés pour augmenter leurs primes et font payer les pertes de ces opérations douteuses par les petits épargnants et les contribuables.

Nous aurions souhaité des mesures qui garantissent les droits des petits épargnants et des salariés, des dispositions qui rétablissent les valeurs mutualistes et mettent ces établissements, non pas au service de quelques-uns, mais véritablement au service de la collectivité.

Au vu de tous ces éléments, je le répète, les sénatrices et sénateurs Verts voteront contre ce projet de loi.

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