Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 26 janvier 2011 à 14h30
Mandat des conseillers à l'assemblée des français de l'étranger — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer sur une proposition de loi présentée par M. Robert del Picchia, visant à proroger d’un an le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et à reporter les prochains renouvellements de celle-ci à juin 2013, pour la série B, et à juin 2016, pour la série A.

La commission a aussi examiné, parallèlement, la proposition de loi de notre excellent collègue Christian Cointat, qui préconisait quant à lui une autre solution.

L’objet du texte qui nous occupe aujourd’hui est simple : il s’agit d’éviter que le renouvellement des conseillers de la série B n’intervienne en 2012, année électorale particulièrement chargée, puisqu’elle sera celle non seulement de l’élection présidentielle, mais aussi des premières élections des députés des Français de l’étranger.

Avant d’aborder plus précisément les raisons qui ont poussé notre collègue à déposer cette proposition de loi, je voudrais faire quelques rappels sur l’Assemblée des Français de l’étranger.

Comme nous le savons tous, l’Assemblée des Français de l’étranger a une importance toute particulière pour la Haute Assemblée : c’est en effet à elle que nous devons douze de nos collègues, puisqu’elle constitue le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Mais l’Assemblée des Français de l’étranger est aussi, et surtout, une instance importante pour nos compatriotes expatriés, dont elle est chargée de représenter les intérêts. La volonté de prendre en compte les besoins des Français résidant à l’étranger a été au cœur de l’action des pouvoirs publics depuis plus de soixante ans : dès la ive République, la France a créé un Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE ; composé de personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement, celui-ci était chargé de rendre « des avis sur les questions et projets intéressant les Français domiciliés à l’étranger ou [sur] l’expansion française ».

Cette institution a été progressivement confortée au cours de la ve République : dès 1959, le CSFE devient le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France ; en 1982, les modalités de désignation de ses membres sont modernisées, avec la mise en place d’une élection au suffrage universel direct ; en 2004, le CSFE devient l’Assemblée des Français de l’étranger, et prend la forme qui est aujourd’hui la sienne.

Dotée d’une composition plus démocratique qu’auparavant, l’Assemblée des Français de l’étranger compte 179 membres. Parmi ceux-ci, 155 sont élus au suffrage universel direct par les Français expatriés, pour six ans et selon un double mode de scrutin qui rappelle celui des élections sénatoriales : représentation proportionnelle dans les circonscriptions qui élisent au moins trois conseillers, scrutin majoritaire dans les autres.

En bref, l’Assemblée des Français de l’étranger a su renforcer son efficacité et sa légitimité au fil du temps. Elle a réussi à se moderniser et à assumer avec brio la lourde mission qui lui incombe : la représentation des quelque 2, 3 millions de Français qui vivent hors de nos frontières.

Ces rappels étant faits, j’en viens à l’objet du texte dont nous devons débattre cet après-midi.

Comme je l’ai déjà indiqué, 2012 devrait être une année électorale particulièrement chargée à l’étranger : entre avril et juin 2012, pas moins de trois élections devraient être organisées, à savoir le renouvellement partiel de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’élection présidentielle et l’élection des députés des Français de l’étranger. Cela implique la tenue de cinq tours de scrutin dans un laps de temps d’à peine neuf semaines.

Il est bien évident que cette concentration d’élections doit donner lieu à un aménagement du calendrier électoral, qui pourrait prendre plusieurs formes.

Certains de nos collègues – je pense notamment à Christian Cointat – ont suggéré que les élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger soient organisées en même temps que le premier tour des élections législatives. L’objet de cette proposition est avant tout de favoriser l’augmentation du taux de participation aux élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. À l’heure actuelle, ce taux est en effet malheureusement très bas, puisqu’il s’établit autour de 20 % depuis les années quatre-vingt-dix.

Après en avoir longuement discuté, la commission n’a cependant pas souhaité retenir cette solution, qui poserait de lourds problèmes matériels et logistiques aux administrations consulaires : les représentants du ministère des affaires étrangères que j’ai entendus m’ont indiqué que ce choix les obligerait à ouvrir simultanément près de 1 200 bureaux de vote à travers le monde et que, au vu des grandes différences existant entre ces deux élections en matière de règles de vote, une telle concomitance serait source de complexité et créerait un fort risque de contentieux.

Une autre solution, proposée par M. del Picchia, consisterait à proroger d’un an le mandat des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger des deux séries, ce qui entraînerait l’organisation du renouvellement de la série B en 2013 et de celui de la série A en 2016.

Cette solution est, tout d’abord, conforme à notre Constitution : les exemples de prorogation de la durée des mandats – la loi du 15 décembre 2005, qui a prorogé d’un an le mandat des conseillers municipaux, étant le plus récent d’entre eux – sont d’ailleurs nombreux sous la ve République et trouvent souvent leur justification dans la volonté d’éviter la tenue d’un trop grand nombre d’élections une même année. Le Sénat lui-même a voté la prolongation du mandat de certains de ses membres.

Ensuite, ce choix sera bénéfique pour l’Assemblée des Français de l’étranger, dans la mesure où il permettra de déconnecter les enjeux de l’élection de ses membres des enjeux nationaux portés par les élections législatives et présidentielle : il est en effet indispensable que les enjeux respectifs des différents scrutins ne soient pas brouillés par une éventuelle concomitance, ce qui non seulement nuirait à la visibilité de l’Assemblée des Français de l’étranger, mais contreviendrait aux impératifs d’intérêt général dégagés tant par le Conseil d’État que par le Conseil constitutionnel.

Enfin, cette solution garantira que les premières élections des députés des Français de l’étranger soient organisées dans de bonnes conditions : il ne me paraît pas souhaitable d’imposer aux services consulaires d’assumer une charge de travail supplémentaire en 2012, alors qu’ils seront déjà confrontés à une situation délicate et devront organiser, dans un délai bref, un nombre de scrutins jamais égalé à l’étranger.

Pour toutes ces raisons, la commission, à l’unanimité, invite le Sénat à adopter la proposition de loi de notre collègue Robert del Picchia sans modification.

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