Intervention de François Fortassin

Réunion du 26 janvier 2011 à 14h30
Alimentation en eau et assainissement — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de François FortassinFrançois Fortassin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry, « l’eau n’est pas nécessaire à la vie, elle est la vie ». C’est sans doute la raison pour laquelle le droit à l’eau et à l’assainissement est de plus en plus considéré comme un droit de l’homme fondamental. L’Assemblée générale des Nations unies a même fini par adopter, le 28 juillet dernier, une résolution reconnaissant le droit à l’eau potable et à l’assainissement. La France œuvrait d’ailleurs depuis longtemps pour cette reconnaissance.

En effet, depuis 2006, le droit à l’eau pour tous est consacré par la législation française. Permettre aux plus démunis d’accéder à l’eau semble donc être devenu un élément essentiel de notre solidarité. Partager cette ressource constitue sans doute le plus beau symbole en la matière. Pourtant, pour huit millions de nos compatriotes vivant encore en dessous du seuil de pauvreté, ce droit fondamental semble en partie inaccessible.

Face à cette situation, nous ne pouvions rester sans réagir. C’est pourquoi nous pouvons nous réjouir que la proposition de loi que nous examinons cet après-midi en deuxième lecture permette enfin de prendre en compte l’extraordinaire situation de précarité dans laquelle se trouvent bon nombre de nos concitoyens. Nous devons d’ailleurs nous féliciter de ce que le Sénat, qui est le représentant des collectivités territoriales, soit à l’initiative de ce texte.

Le plus grand mérite de cette proposition de loi est de reconnaître que de trop nombreuses familles modestes ont des difficultés à régler leur facture d’eau dans notre pays, difficultés parfois aggravées par le rythme semestriel ou annuel de la facturation.

Selon les statistiques, la facture d’eau ne représente en moyenne que 1 % du budget total des ménages en France, mais peut quelquefois atteindre 3 % de celui-ci. Cette charge, qui peut apparaître relativement limitée au premier abord, reste très lourde pour nombre de foyers, d’autant que le prix de l’eau a considérablement augmenté depuis les années quatre-vingt. De plus, ce prix fluctue très fortement d’une région à l’autre ou d’une commune à l’autre. Il faudrait que, sur ce plan, l’État joue un rôle de régulateur.

En tant qu’élus locaux, nous avons tous reçu dans nos permanences des personnes démunies et désemparées, venant nous faire part de leurs difficultés à payer leurs factures d’eau.

La proposition de loi tend à améliorer le dispositif existant du volet « eau » du Fonds de solidarité pour le logement. Le financement de l’aide sera assuré par une contribution volontaire des opérateurs de services publics de fourniture d’eau potable et d’assainissement, plafonnée à 0, 5 % du total hors taxes des redevances perçues. Ces contributions volontaires sont indispensables pour couvrir l’ensemble des besoins, y compris ceux actuellement satisfaits par les gestionnaires de l’eau qui acceptent de procéder à des abandons de créances dans le cadre d’une convention. Il faudra veiller à ce que les communes où la distribution d’eau est assurée par une régie soient également soumises à ce qu’elles considéreront peut-être comme une taxation, alors qu’il s’agit en fait d’un élément de solidarité supplémentaire. Ces contributions devront donc représenter des dizaines de millions d’euros. C’est la raison pour laquelle il nous semble que le plafond de 0, 5 % du total hors taxes des redevances perçues n’est pas assez élevé, et doit être porté à 1 %. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Je déplore une nouvelle fois que le texte, tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale, ne comporte toujours pas de référence claire et précise à une tarification sociale de l’eau. Je constate que le manque d’ambition que nous avions dénoncé lors de la première lecture subsiste.

Depuis, le Conseil national de l’eau s’est prononcé lui aussi, le 6 juillet dernier, en faveur de la mise en œuvre d’un dispositif préventif fondé sur le versement d’une aide dépendant du poids de la facture d’eau dans le revenu du ménage.

De son côté, début décembre, l’Assemblée nationale s’est appuyée, pour mener sa réflexion, sur les travaux du Conseil national de l’eau. Les discussions ont permis de faire émerger une volonté consensuelle de mettre en place un système préventif. Une grande politique publique de l’eau, élaborée sur le plan national avant d’être déclinée dans les territoires, est très attendue.

Les députés ont accepté le principe que le Gouvernement étudie cette question de façon approfondie pendant les six prochains mois, avant de rendre un rapport au Parlement. Cela devrait permettre d’avancer sur un sujet devenu incontournable.

Néanmoins, nous estimons que l’entrée en vigueur du présent texte ne devrait pas être renvoyée à 2012, au prétexte qu’un volet curatif est indispensable, ce que nous ne contestons pas. J’espère que les amendements que nous avons déposés sur ce point retiendront l’attention du Sénat.

Au-delà de cette proposition de loi, beaucoup d’élus attendent de l’État qu’il soit un facilitateur et un arbitre. Il a en effet un rôle important à jouer en matière de fixation du prix de l’eau, laquelle ne se caractérise pas à l’heure actuelle par une grande logique, eu égard aux écarts considérables constatés sur le terrain.

En outre, l’État se doit de favoriser la disponibilité de cette ressource indispensable. Sinon, en période de sécheresse, la seule solution sera de mettre en place des restrictions, ce qu’il faut éviter à tout prix, quels que soient les obstacles.

Par ailleurs, le dispositif prévu comporte une lacune s’agissant des foyers non reliés à l’assainissement collectif, qui doivent faire face à des dépenses importantes en matière de contrôle et de mise aux normes. Or il s’agit souvent de logements anciens et vétustes, occupés par des familles aux revenus extrêmement modestes, pour ne pas dire démunies.

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je ne résiste pas à l’envie de fustiger une nouvelle fois l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, dont les cerbères galonnés et armés sillonnent les campagnes françaises avec pour seul objectif de faire passer les maires pour des délinquants !

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