Intervention de Jack Ralite

Réunion du 26 janvier 2011 à 14h30
Patrimoine monumental de l'état — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État ne semble pas, à première lecture, soulever un grand courroux. En effet, le travail accompli à partir du rapport d’information de Mme Françoise Férat intitulé « Au service d’une politique nationale du patrimoine : le rôle incontournable des monuments nationaux », déposé le 30 juin 2010, vise à assurer la sauvegarde du patrimoine monumental.

Cependant, elle ne saurait non plus susciter notre acquiescement tant elle ne permet pas, malgré ses intentions, d’enrayer la colère légitime provoquée par l’article 52 de la loi de finances pour 2010, qui relançait le transfert du patrimoine monumental de l’État vers les collectivités territoriales, sans restrictions et sans limite de temps, un article que la majorité du Sénat avait malheureusement adopté.

Si je suis satisfait que le Conseil constitutionnel ait censuré cet article, chacun sait qu’il l’a fait en raison de sa forme « cavalière » et non de son contenu.

L’État n’était pas content et voulut reprendre la main, comme en témoignent les six amendements qui nous ont été présentés ce matin et qui concernent les finances, dans la partie tant fonctionnement qu’investissement, les personnels, le Haut conseil du patrimoine, et, me semble-t-il, un cavalier, les DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, et les SDAP défunts, les services départementaux de l’architecture et du patrimoine.

Or il trouva sur son chemin le rapport de Mme Férat, qui, à l’évidence, ne considère pas que la question des monuments nationaux, du point de vue de la propriété, se résume au seul droit commun : j’achète ! Je vends ! J’achète ! Je vends librement, comme dans les affaires !

Pour ma part, l’art – et les monuments nationaux en font partie ! – n’est pas une marchandise comme les autres ; il a une spécificité incontournable. Le rapport de Mme Férat aborde cette spécificité en appliquant le principe de précaution : en principe, on peut vendre, mais la vente est encadrée. Ma position part de cette spécificité, mais dans un sens inverse : on ne peut pas vendre par principe, d’où la notion d’inaliénabilité à inscrire dans la loi, avec de possibles dérogations très encadrées.

La préparation de cette future petite loi, qui, les jours passant, se fait grande, est, au surplus, fortement marquée par son contexte d’élaboration, véritablement inquiétant. Une proposition de loi trouvant son origine dans une loi de finances, ce n’est pas le fruit du hasard ! C’est porteur de sens. C’est une réactivation du transfert de la propriété des monuments nationaux de l’État vers les collectivités territoriales, sans référence à leur autonomie, comme dans la loi de 2004 sur les premiers transferts.

Aujourd’hui, c’est sous le seul angle budgétaire – alléger les finances de l’État – que sont envisagés les transferts. Peu importe que les collectivités locales, qui ont tant et si bien fait pour les monuments, n’aient plus les moyens de faire face et risquent d’être mises dans l’obligation par le Gouvernement de sacrifier certains monuments nationaux. C’est potentiellement le feu vert à leur braderie ! Et c’est déqualifier ainsi une grande tradition, dont il n’est pas question de faire table rase !

Songez à ce qu’il faut appeler « l’inadmissible scandale de l’hôtel de la Marine », que des historiens, Jean-Noël Jeanneney, Jacques Le Goff, Pierre Nora, Alain Decaux, Mona Ozouf, Régis Debray, Michel Winock, Olivier de Rohan-Chabot, le président de l’association des Amis de l’hôtel de la Marine, ou encore Edouard Balladur ont condamné. Je suis avec eux, et plus encore depuis la visite, avec quelques sénateurs, aux engagements pluralistes, que nous avons pu faire, hier, place de la Concorde, à Paris.

Comme la vente possible des monuments historiques choque, a été inventée une vente que l’on peut qualifier de « masquée », au travers des baux emphytéotiques administratifs adoptés en juillet 2010 à cet effet, au détour de la loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. Ainsi sont méthodiquement mis en place tous les moyens de céder la responsabilité financière, mais aussi l’utilisation et l’affectation à des opérateurs privés peu soucieux de l’intérêt général.

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