Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, veuillez m’excuser par avance des inévitables redites que je serai amené à faire.
Notre patrimoine est une richesse qui doit être préservée, entretenue, restaurée et mise en valeur. Aussi faut-il veiller à ce qu’il en soit toujours ainsi lorsqu’il change de propriétaire, et notamment lorsqu’il est cédé par l’État à des collectivités locales.
Il est intéressant que les collectivités s’impliquent, car elles perçoivent alors tout l’intérêt d’un patrimoine bien mis en valeur pour le développement de leur territoire. La dévolution est également avantageuse pour l’État, lequel rencontre des difficultés pour assurer la conservation et la restauration de l’ensemble du patrimoine national. Encore faut-il l’encadrer, afin qu’elle soit véritablement respectueuse du patrimoine et de sa vocation culturelle.
La démarche avait été engagée en 2004. Le ministère de la culture avait alors confié à une mission présidée par René Rémond le soin d’établir, parmi les monuments détenus par l’État, ceux qui pourraient faire l’objet d’un transfert à des collectivités locales volontaires. Cette faculté était ouverte pour une période d’un an. Elle a conduit à la décentralisation d’une soixantaine de monuments.
Par la suite, dans un avis du 22 octobre 2008 sur les politiques de conservation du patrimoine monumental, le Conseil économique, social et environnemental a estimé qu’il y avait lieu d’engager une nouvelle réflexion sur ce sujet.
Celle-ci n’a cependant pas été menée. Aussi, lorsqu’est intervenu l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010 visant à relancer la dévolution, la commission de la culture s’est inquiétée de l’absence de bilan de la première vague de transferts. Finalement, l’article concerné fut considéré comme un cavalier budgétaire par le Conseil constitutionnel et censuré.
Cependant, l’idée d’une relance de la dévolution était toujours d’actualité. À la suite de cet épisode, notre commission a conclu à la nécessité d’encadrer le processus de dévolution de précaution, afin de garantir la cohérence de la politique patrimoniale nationale.
M. le président Jacques Legendre décida la création d’un groupe de travail, auquel j’ai participé avec le plus grand intérêt. Le rapport d’information qui s’est ensuivi a formulé plusieurs propositions, que nous retrouvons dans la présente proposition de loi. Je tiens à souligner qu’elles ont été adoptées à l’unanimité par les membres de notre commission.
Le texte que nous étudions aujourd’hui est une étape primordiale dans le mouvement de décentralisation de notre patrimoine monumental. Il introduit en effet plusieurs grands principes.
Tout d’abord, il vise à créer un Haut conseil du patrimoine, qui appréciera le caractère transférable des monuments historiques. Il les identifiera de façon systématique et rigoureuse, appréciant par exemple leur appartenance à la mémoire de la nation, leur notoriété internationale, l’engagement d’importants moyens financiers par l’État, ainsi que les hypothèses de conservation ou de gestion.
Ce « principe de précaution » permettra d’éviter des polémiques comme celle qui concerne l’hôtel de la Marine. Car, au-delà des questions soulevées par la décentralisation, c’est le risque de dépeçage lié à une conception exclusivement immobilière qui pèse sur le patrimoine monumental de l’État.
La proposition de loi garantit une analyse objective et scientifique en amont de toute décision de cession. Le Haut conseil se prononcera sur l’ensemble du parc monumental de l’État, y compris, donc, sur les monuments historiques classés ou inscrits, et gérés par France Domaine.
Le rapport de notre collègue Françoise Férat souligne en effet que le programme des opérations de cession piloté par France Domaine, en cours depuis 2009 et qui concerne 1 700 biens, n’a jamais identifié la catégorie des immeubles classés ou inscrits, qui sont dès lors intégrés dans le lot des ventes au même titre que les immeubles de bureaux.
Par ailleurs, s’appuyant sur un autre grand principe, le Haut conseil du patrimoine formulera des prescriptions garantissant une bonne utilisation du patrimoine. En imposant certaines obligations au nouveau propriétaire, notamment l’ouverture au public ou la diffusion d’informations historiques, cette instance apportera la garantie d’une utilisation culturelle du monument. Ces obligations s’imposeront à tout nouveau détenteur, qu’il soit public ou privé.
Enfin, le projet doit également être réaliste. La dévolution aux collectivités territoriales nécessitera donc une évaluation précise des coûts de prise en charge du monument, ce qui semble ne pas avoir été le cas lors de la première vague de transferts. Une information complète sera donnée, car le risque est grand, surtout dans un contexte budgétaire incertain, de voir des collectivités ne plus pouvoir entretenir leur patrimoine.
Selon moi, grâce à cette proposition de loi, la France deviendra exemplaire en matière de protection du patrimoine.
En conclusion, je me réjouis que ce texte nous rassemble, au-delà des clivages politiques, pour assurer la défense de nos monuments. Je me félicite également de ce que l’État ait à cœur de transmettre ce patrimoine dans les meilleures conditions, afin qu’il soit une richesse pour les générations futures. Le groupe UMP soutiendra bien évidemment cette démarche.