Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, ce texte, qui ne pose pas de problème en lui-même, a une histoire : celle du Défenseur des droits et de sa difficile désignation.
L’examen de ce texte m’offre l’occasion de redire que la nouvelle institution du Défenseur des droits prévue par la révision constitutionnelle de juillet 2008 suscite de nombreuses inquiétudes, moins, me semble t-il, sur le remplacement du Médiateur de la République, dont les pouvoirs pourraient être renforcés, qu’en raison de la suppression d’autorités indépendantes actuelles : la Défenseure des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, voire à terme la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, dont le sort est actuellement réglé – mais pour combien de temps ? –, ou encore le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, a récemment émis un avis très critique sur les difficultés auxquelles se heurterait l’instauration d’une institution ayant un champ d’intervention très large et des missions obéissant à des logiques différentes.
J’ai eu plus d’une fois l’occasion, hélas ! de saisir la CNDS. Les modalités de son intervention n’ont rien de commun avec le rôle du Médiateur, lequel recherche un terrain d’entente entre les personnes et l’administration.
De son côté, la Défenseure des enfants intervient pour le respect des droits de ces derniers au regard de notre législation, mais aussi de nos engagements internationaux – je pense notamment à la Convention internationale des droits de l’enfant. Son rôle ne s’arrête pas là : elle a pour mission de promouvoir ces droits, de faire des propositions législatives, d’émettre des recommandations.
Au moment où les atteintes aux droits et libertés augmentent – je pense à nos débats sur la garde à vue –, au moment où les inégalités et la pauvreté atteignent un nombre toujours plus grand d’enfants, ces deux institutions sont importantes.
Or le projet de loi organique prévoit de plusieurs manières un recul des interventions dans ces domaines.
Selon l’article 20, le Défenseur des droits apprécierait souverainement l’opportunité des suites à donner à une réclamation.
Les pouvoirs d’enquête qui sont aujourd’hui ceux de la CNDS seraient réduits.
La saisine du Défenseur des droits serait réservée à la victime ou, au minimum, exigerait son accord exprès. Ainsi, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui pour la CNDS, ne seraient plus suivies d’effet les réclamations d’associations ou d’individus témoins d’irrégularités lors d’une reconduite à la frontière, faute de pouvoir prévenir la personne entre-temps expulsée.
En outre, les deux collèges placés auprès du Défenseur des droits ne compenseront pas l’actuelle composition pluraliste et multidisciplinaire de la CNDS, fondée sur quatre modes de nomination, non plus que les compétences des deux autorités. En effet, les trois personnalités qui composeront chaque collège seront respectivement compétentes seulement en matière de « sécurité » – et non en matière de déontologie de la sécurité – et de « protection de l’enfance ».
Ainsi, l’annonce de la disparition des autorités indépendantes que sont la Défenseure des enfants et la CNDS est un bien mauvais signe face à l’exigence de respect et d’effectivité des droits. Il serait pour le moins regrettable que des attributions spécifiques, exigeant des connaissances et une approche particulière, soient diluées au sein d’une institution centralisée.
Il serait en revanche utile de renforcer les pouvoirs et les moyens humains et financiers de ces autorités pour leur permettre de faire face à la montée en puissance de leur activité. Assurer le respect et le développement des droits représente un coût qu’une démocratie doit supporter en priorité, en lieu et place des nombreuses libéralités dont la République n’est pas avare ! Nous ne disposons pas non plus, à l’heure actuelle, de garanties quant aux moyens qui seront accordés au Défenseur des droits.
Enfin, il est certain que la volonté du Gouvernement de supprimer certaines autorités indépendantes montre qu’elles le gênent d’une certaine façon dans la mise en œuvre de sa politique.
Concernant le Médiateur de la République dont le mandat s’achève, je tiens également à saluer son travail, dans la limite de son rôle de médiateur entre l’administration et les administrés, ainsi que les enseignements qu’il a tirés des observations résultant de l’immersion dans la société que lui permet son mandat. Ce travail est tout à fait appréciable, et le rapport que nous a récemment présenté le Médiateur le démontre amplement, car il révèle combien notre société est malade.
S’agissant du texte de la proposition de loi en lui-même, il tend à prolonger le mandat du Médiateur. Je ne souhaite pas m’étendre sur cette obligation, et je ne participerai donc pas au vote sur ce texte.