Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui témoigne d’une crainte suscitée par la transposition de la directive Services dans notre droit national : celle d’un démantèlement des services publics, notamment des services sociaux, dans notre pays.
En tant que secrétaire d’État chargée des aînés, travaillant en étroite collaboration avec le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, Éric Woerth, je mesure combien ces services sont essentiels à la cohésion sociale, grâce au soutien qu’ils apportent à nos concitoyens, en particulier aux plus fragiles d’entre eux. Je puis vous assurer de notre volonté de préserver et de promouvoir la spécificité de ces services, qui sont l’un des fondements de notre modèle social.
Voilà deux mois, lors de l’examen par vos collègues de l’Assemblée nationale d’une proposition de loi similaire, j’ai rappelé l’attachement du Gouvernement aux services publics et aux services sociaux d’intérêt général, tout en précisant que la directive en question ne menaçait en rien nos services sociaux. Permettez-moi de reprendre aujourd'hui très brièvement les raisons que j’ai alors avancées.
Afin d’éviter que ne se renouvellent dans cette enceinte les échanges qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, je limiterai mon propos à quatre points, en me référant aux remarques de Mme Jarraud-Vergnolle, dont je salue le travail rigoureux et la qualité des analyses.
Tout d’abord, il me semble essentiel de rappeler que la majorité des services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive. En effet, ils satisfont aux deux critères cumulatifs d’exclusion prévus par cette dernière : l’exigence d’un mandatement, d’une part, et le fait que les services bénéficient à un public en « situation de besoin », d’autre part.
Ensuite, il est vrai que certains services entrent dans le champ de la directive, car ils ne répondent pas à l’un ou à l’autre de ces deux critères. Tel est le cas des services d’aide à domicile, ou encore des crèches et des haltes-garderies, comme l’a établi Michel Thierry dans son rapport. Si ses conclusions ont pu faire l’objet de discussions et de divergences de vues, elles n’ont pas été fondamentalement remises en cause. Comme vous le soulignez vous-même, madame le rapporteur, cette approche est « la mieux à même d’éviter à la France de futurs contentieux avec la Commission ».
Il me paraît essentiel de rappeler que l’enjeu de la transposition de la directive n’est pas d’inclure ou d’exclure tel ou tel service du champ d’application du droit de la concurrence. Sur ce point, trop de malentendus, que nous devons dissiper, demeurent.
Madame le rapporteur, je reprendrai vos propres termes : « Inclure ou exclure un secteur du champ d’application de la directive » revient « à décider si son régime d’autorisation doit ou non répondre aux critères posés par la directive. »
Enfin, parce que sur ce point subsistent des confusions, je souhaite répéter dans cet hémicycle de la manière la plus claire que cette directive ne traite pas des questions de financement. En la matière, la nouvelle convention d’objectifs diffusée par le Premier ministre, datée du 18 janvier dernier, fournit un modèle qui permet à tous les acteurs de répondre aux exigences communautaires, notamment à l’exigence d’ajustement de la compensation aux obligations de service public.
Cela étant, lorsque les sénateurs socialistes, apparentés et rattachés ont jugé bon de soumettre au Sénat la présente proposition de loi, ils espéraient également obtenir une réponse du Gouvernement à deux questions majeures : quid du respect des prérogatives du Parlement en matière de transposition des directives européennes, d’une part, et de l’action du Gouvernement pour promouvoir les services sociaux en Europe, d’autre part ? Je me réjouis que la discussion de ce jour nous permette de lever les malentendus qui subsisteraient sur chacun de ces enjeux.
Selon vos propos, madame le rapporteur, des négociations pour transposer la directive se sont poursuivies entre le Gouvernement et la Commission européenne, sans que le Parlement ait été associé. Ce jugement me semble quelque peu hâtif, pour ne pas dire discutable.
Rappelons, tout d’abord, que ce travail de transposition nécessitait de balayer, si je puis dire, l’ensemble de la législation, pour identifier les secteurs d’activité soumis à des régimes d’autorisation, puis d’étudier si ces derniers étaient justifiés.
Cela supposait la mobilisation de moyens importants dans des délais contraints. Il était donc souhaitable que la mission interministérielle constituée à cet effet s’emploie à un tel examen.
Une répartition des tâches était d’autant plus légitime que la nature même de la directive Services nous y invitait. Comme vous le savez, cette dernière nous conduisait à examiner les textes législatifs existants, non à en adopter de nouveaux. Étant donné l’encombrement du calendrier parlementaire, cette souplesse était la bienvenue.
Pour autant – vous le savez également –, le Parlement a été largement associé à la transposition de la directive, afin de réaliser les ajustements nécessaires, et ce à la suite du travail d’analyse de la mission interministérielle. Il a examiné cinq textes très importants, parmi lesquels la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi de modernisation de l’économie, ou encore la loi relative à l’évolution des professions judicaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, aucune mesure de transposition n’a été adoptée par ordonnance : à chaque fois, vous avez été en première ligne pour étudier les conséquences concrètes de cette directive dans notre législation.
En outre, d’autres pays membres de l’Union européenne ayant adopté une loi-cadre pour assurer la transposition de la directive Services, certains prétendent que la France a été privée d’un nécessaire débat.