Séance en hémicycle du 25 mars 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PACS
  • couple
  • d’intérêt
  • l’adoption
  • l’enfant
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Sommaire

La séance

Source

La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je rappelle que l’auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente. Je veux croire que chacun s’appliquera à respecter scrupuleusement ce temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

M. Didier Boulaud. Il va nous parler de la HALDE !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. … les élections régionales sont, comme leur nom l’indique, des élections régionales

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… tous les gouvernements depuis 1986 – et j’en parle d’expérience ! – ont perdu les élections régionales, même si…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… les élections régionales de 2004, qui avaient déjà fait souffrir la majorité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… ont préparé l’éclatante victoire de 2007, même si la crise économique et financière, doublée de la plus spectaculaire crise agricole, peut expliquer que la moitié de nos compatriotes ne se soient pas déplacés pour aller voter aux élections régionales et que ceux qui ont voté pour la majorité d’entre eux ont exprimé un vote d’inquiétude, d’une façon d’ailleurs parfaitement contradictoire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… force est de reconnaître, monsieur le Premier ministre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… que notre majorité a été défaite, alors que nous avons pris en charge avec cœur, sous l’autorité du Président de la République, avec votre engagement personnel reconnu, toutes les actions et tous les efforts…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… pour soutenir notre pays dans cet environnement de crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ma question est simple.

Je voudrais tout d’abord exprimer, au nom du groupe UMP, notre confiance dans la détermination à mener les réformes qui est celle du Président de la République, Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Je voudrais par ailleurs exprimer, là encore au nom du groupe UMP tout entier, la profonde confiance que nous inspire, monsieur le Premier ministre, votre comportement, le sens du dialogue de l’écoute dont vous témoignez depuis trois ans à la tête du Gouvernement et qui atteste votre respect du Parlement

La question ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

et votre volonté de faire aboutir les réformes.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Eh bien, mes chers collègues, ma question, la voici, et elle est double.

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, le temps de parole est dépassé ! Vous vous étiez montré beaucoup moins libéral avec moi ! C’est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Après la crise économique et financière de 2008, quelles sont, parmi les réformes antérieures à cette crise, celles qui méritent selon vous d’être réexaminées, approfondies, ou abandonnées ?

Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Quelles sont, après cette crise et au lendemain de ce vote, les réformes prioritaires dont vous jugez la mise en œuvre nécessaire pour donner toutes ses chances à notre pays ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est incroyable ! Ils ont tous les droits !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Longuet, avant de répondre à votre question, je voudrais faire une mise au point solennelle devant le Sénat.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout ce que vous avez pu lire depuis dimanche soir sur mes relations avec le Président de la République est faux et relève de la manipulation.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Toutes ces rumeurs n’ont d’ailleurs qu’un seul objectif : déstabiliser l’exécutif.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Un sénateur socialiste

Il n’a pas besoin de ça !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Croyez-le bien, je ne laisserai pas cette manipulation produire ses effets !

Très bien et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Il n’y a pas de divergence, et encore moins de rivalité, entre le Président de la République et moi-même. Il ne peut pas y en avoir parce que ce qui est en cause, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la cohérence du Gouvernement de la France, et donc l’intérêt national.

Bravo ! et applaudissementssur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Depuis trois ans, j’ai été loyal envers le Président de la République, je le suis et je le resterai.

Applaudissementssur les mêmes travées. – Railleries sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Cette cohérence de l’exécutif est d’autant plus nécessaire que gouverner la France n’est pas facile.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Nous ne sommes pas les premiers à en avoir fait l’expérience.

Dimanche dernier, lors des élections régionales, nous avons subi une défaite. Celle-ci doit nous amener à faire, avec beaucoup d’humilité, l’analyse de la situation et à prendre les décisions nécessaires.

C’est ce à quoi nous allons nous employer avec la majorité, mais je souhaite dès maintenant souligner, comme l’a fait le Président de la République hier, que nous ne transigerons pas sur la nécessité de moderniser notre pays.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Nous sommes 65 millions de Français dans un monde de 6 milliards d’êtres humains, et notre devoir est de protéger le modèle de vie qui est le nôtre, de maintenir la prospérité de nos concitoyens.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Et nous ne pouvons pas le faire sans réformer notre pays.

Monsieur Longuet, voici les trois priorités du Gouvernement pour les prochains mois.

La première, c’est évidemment l’emploi et la croissance. Nous allons poursuivre notre effort et ajuster les dispositifs de lutte contre le chômage, dont l’évolution devrait d’ailleurs s’inverser dans la deuxième partie de l’année 2010 compte tenu de la reprise de l’activité économique.

On se gausse sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On nous dit tous les jours que ça doit s’inverser !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons mettre en œuvre, après que vous en aurez débattu et que vous l’aurez votée, la loi de modernisation agricole, qui constitue une réponse à l’une des crises les plus graves que l’agriculture française et européenne ait rencontrée.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Nous allons mettre en œuvre le plus rapidement possible les investissements d’avenir, et je serai intransigeant sur l’affectation des 35 milliards d’euros que vous avez votés aux priorités et aux objectifs qui ont été décidés par le Gouvernement et par la majorité.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Nous continuerons d’améliorer les dispositifs permettant de renforcer la compétitivité de notre économie.

S’agissant de l’ensemble des mesures que nous devons prendre en matière de développement durable, nous les mettrons en œuvre en cherchant une meilleure coordination avec les autres pays européens parce que nous ne devons pas accroître le différentiel de croissance, notamment avec notre voisin allemand.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

La deuxième priorité du Gouvernement sera la réduction des déficits, nécessaire dans un contexte financier européen dont chacun voit bien qu’il est préoccupant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Ce n’est pas une déclaration de politique générale !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On n’est pas dans une émission de télévision !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Cela signifie que les dépenses de l’État seront strictement maintenues, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Et alors, monsieur le président ? Les deux minutes trente sont passées !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. … que nous continuerons à mettre en œuvre la révision générale des politiques publiques

Protestations et marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, j’interromps ma réponse une seconde parce que ce n’est pas la première fois que ce problème se pose au Sénat. Le Premier ministre, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, qu’il soit de gauche ou qu’il soit de droite, s’exprime autant qu’il le veut.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

C’est inscrit dans la Constitution de la République française ! Alors, si vous voulez que je vienne vous répondre, je le ferai, mais comme je l’entends.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je vous demande néanmoins de bien vouloir achever votre réponse, monsieur le Premier ministre, car le temps nous est compté.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

La troisième priorité du Gouvernement concernera le renforcement des deux grands piliers de notre pacte républicain que sont la sécurité et la laïcité.

Sur la sécurité, il est incontestable que nous devons inventer de nouvelles réponses parce que la violence s’adapte en permanence aux initiatives que nous prenons.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Sur la laïcité, nous allons trancher une question qui, même si elle ne concerne pas un grand nombre de nos concitoyens, est devenue un symbole important : il s’agit de la question du voile intégral.

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Plusieurs sénateurs socialistes se lèvent et se préparent à quitter l’hémicycle.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Longuet, avec le Président de la République, nous avons un engagement vis-à-vis des Français. Cet engagement, nous le tiendrons parce que l’honneur d’un homme politique réside dans le courage et le respect de la vérité.

Les sénateurs de l’UMP se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissementssur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour le groupe du RDSE.

Je demanderai aux ministres de répondre de manière ramassée pour que puissent être posées les dix questions qui ont été inscrites.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Il faut supprimer les autres questions de l’UMP pour rattraper le temps perdu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Encore plus simple : qu’on supprime toutes les questions de l’UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, vous avez conscience des grandes difficultés des agriculteurs, mais avez-vous pris en compte les disparités agricoles ?

La crise frappe plus fort les plus faibles. Lorsqu’une exploitation voit sa production moyenne de 100 quintaux de blé baisser de 30 %, elle souffre. Lorsqu’elle voit sa production moyenne de 50 quintaux de blé baisser de 30 %, elle meurt, monsieur le ministre !

Des gouvernements de toutes tendances ont créé des zones franches pour pallier les faiblesses industrielles des zones déshéritées. Le Gouvernement a sauvé les banques parce que leur chute aurait été désastreuse pour toute l’économie. Il a pris des mesures contre les gains très choquants des traders. Il se doit tout autant de prendre des mesures urgentes pour la survie des zones agricoles les plus fragiles et contre la misère qui frappe certaines exploitations.

Les agriculteurs ont l’impression que tout s’acharne contre eux : la nature, les marchés qui s’effondrent et une réglementation européenne qui, souvent, confine à l’absurde. Les administrations française et européenne doivent avoir à l’esprit que les agriculteurs sont les premiers à se préoccuper de la nature, car ils y vivent, et que le coût des intrants est tel qu’ils ne peuvent les gaspiller.

Ces dernières années, l’Europe a laissé se déliter les barrières réglementaires qui maintenaient une solidarité en faveur du monde agricole. Il faut inverser la tendance.

L’effondrement des revenus agricoles aura des conséquences dramatiques sur les régions fragiles et le monde rural. Le Gouvernement en a pris toute la mesure en créant un ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire et en lançant des Assises des territoires ruraux. Vous savez qu’il ne peut y avoir de ruralité sans une agriculture forte. Ce sont les agriculteurs qui structurent l’environnement et animent la vie locale.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, il y a urgence. Quelles mesures immédiates comptez-vous prendre, quelles dispositions allez-vous mettre en œuvre dans la loi de modernisation de l’agriculture sur le long terme ? Le dégrèvement foncier ne serait-il pas une façon de préserver les bas revenus et de sauver la ruralité là où sa survie est en jeu ?

M. Yvon Collin applaudit, de même que plusieurs sénateurs sur les travées de l ’ UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le sénateur, le Président de la République, le Premier ministre et les membres du Gouvernement ont tous une conscience aiguë de la gravité de la crise que traverse le monde agricole, ...

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

... et nous nous battons depuis des mois pour y donner des réponses concrètes.

Une réponse immédiate consiste à apporter de la trésorerie dans les campagnes françaises, à travers le plan d’urgence annoncé par le Président de la République à Poligny : 80 000 dossiers de demandes de prêt ont été déposés et instruits ;...

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

... de même, 80 000 dossiers de demandes adressées au fonds d’allégement des charges ont été déposés et instruits ; 50 millions d’euros d’allégement de taxes sur le foncier non bâti ont été débloqués, à la demande du Premier ministre, afin de répondre à la préoccupation que vous venez d’exprimer.

La deuxième réponse que nous apporterons tous ensemble, c’est le projet de loi de modernisation de l’agriculture, qui sera un rendez-vous important pour tous les agriculteurs français. Ce texte sera examiné en première lecture à partir du 17 mai au Sénat. Il permettra de stabiliser le revenu des agriculteurs – c’est son objectif principal – grâce à la conclusion de contrats écrits, grâce au renforcement de l’Observatoire des prix et des marges et grâce à l’amélioration des dispositifs assurantiels.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je compte sur votre participation à tous lors de ce rendez-vous essentiel.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

La troisième bataille que nous livrons est européenne. Le Président de la République a insisté, hier, sur cette dimension. Il n’y a pas d’avenir pour l’agriculture française, en effet, sans un soutien fort de la politique agricole commune.

L’agriculture doit redevenir une priorité absolue des responsables politiques européens, au plus haut niveau. Pour la première fois depuis des années, le Conseil européen se penchera demain sur cette question, à la demande de la France. Nous continuerons à défendre une politique agricole commune forte dans les années à venir !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour le groupe de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Ma question s’adresse à M. le ministre du budget, dont je salue l’arrivée au Gouvernement.

Touchée de plein fouet par le passage de la tempête Xynthia, la Vendée, comme d’autres départements du littoral atlantique, doit aujourd’hui faire face au défi de la reconstruction.

Permettez-moi, tout d’abord, de saluer le courage avec lequel les Vendéens, les bénévoles, les professionnels et les collectivités, se sont mobilisés pour secourir et aider les sinistrés lors d’une nuit d’angoisse et de mort, et de remercier l’ensemble des Français de la solidarité dont ils ont fait preuve.

Je salue aussi tout particulièrement notre assemblée qui, sur votre initiative, monsieur le président, a décidé d’apporter une aide exceptionnelle aux communes touchées en Charente-Maritime comme en Vendée.

Les difficultés rencontrées par les responsables locaux sont à la hauteur de ce drame. Rien n’est simple et tout est au-delà de la mesure commune, qu’il s’agisse de la désolation causée par les dégâts ou des réponses à apporter.

L’enjeu financier de ma question peut sembler assez dérisoire au regard des sommes aujourd’hui nécessaires à la reconstruction d’un littoral, d’un territoire et d’une économie à la fois agricole, ostréicole et touristique. Toutefois, pour nos collectivités, ce fardeau s’ajoute au poids de la douleur et à l’ampleur du défi.

Aux difficultés en cascade que les acteurs locaux découvrent encore chaque jour doivent correspondre des aides financières, qu’il faudra renouveler pendant plusieurs années, mais qu’il est prématuré d’évaluer définitivement. On n’en a pas fini avec cette tempête !

L’une de ces difficultés concerne la gestion des déchets qui se sont accumulés en raison de la tempête. En Vendée, au moins 6 000 tonnes supplémentaires de déchets ultimes, soit 20 % de la masse traitée normalement chaque année, vont devoir être enfouis.

En application de la loi de finances, et à la suite du Grenelle de l’environnement, la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, frappe ces déchets ultimes pour un montant de 20 euros la tonne. Les communes vendéennes vont ainsi devoir assumer, cette année, un surcoût d’au moins 120 000 euros. Il ne s’agit là que du surcoût fiscal, celui de l’ensemble des opérations de traitement des déchets n’ayant pas encore été évalué à ce jour.

À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Monsieur le ministre, au nom de l’ensemble des départements touchés par la tempête Xynthia, je fais appel à la solidarité nationale afin que nous soit épargné le paiement du surcoût de la TGAP engendré par le volume de déchets issus de cette catastrophe naturelle, soit par le biais d’une exonération en 2010, soit par la mise en place d’un dispositif imputable sur les paiements à effectuer jusqu’en 2015.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, auquel nous adressons tous nos vœux de réussite dans ses nouvelles fonctions.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de cet accueil chaleureux.

Monsieur le sénateur Merceron, je tiens à vous assurer que nous nous associons pleinement à la politique publique d’accompagnement des Vendéens sinistrés.

En tant que maire de Troyes, je n’oublie pas la tempête de 1999. Je n’oublie pas le degré d’implication de tous les agents territoriaux et des agents de l’État, qui se sont mobilisés très rapidement au service des populations. Je n’oublie pas non plus qu’une fois l’émotion passée, l’accompagnement, qui est un devoir et une exigence, fait partie des missions permettant d’atténuer la souffrance humaine et psychologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous, dans les Landes, nous attendons toujours ! M. Woerth n’a pas fait ce qu’il fallait !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Dans cet esprit, le ministère du budget a pris des engagements, sous l’impulsion du Premier ministre. Cette exigence de coordination s’applique à l’ensemble des secteurs.

Premièrement, un dispositif dérogatoire s’appliquera en cas de défaut de paiement de personnes physiques, d’entreprises, de commerçants, d’artisans et de professions libérales. Je m’engage personnellement à ce que cette ligne soit maintenue. Des directives ont ainsi été données à la direction générale des finances publiques. Si des incidents se produisaient, n’hésitez pas à solliciter directement mon intervention.

Deuxièmement, il a été demandé aux URSSAF des départements sinistrés d’examiner avec la plus grande souplesse les demandes de délai de paiement et de remise de majoration de retard émanant d’entreprises touchées par la tempête.

Sur la question des déchets que vous soulevez plus précisément, monsieur Merceron, je vais examiner la possibilité d’une dérogation au droit commun pour l’application de la TGAP. Mais vous comprendrez que seules pourront en bénéficier les communes membres du syndicat mixte départemental d’étude et de traitement des déchets ménagers et assimilés en Vendée, le fameux Trivalis.

Le cas échéant, nous pourrons envisager, pour des raisons d’équilibre et d’équité fiscale, un éventuel allongement des délais de paiement, selon un calendrier et des modalités plus souples que nous définirons ensemble. Tout sera mis en place pour que la Vendée ne soit pas pénalisée, sur le plan humain comme sur celui des finances des syndicats de communes et du département.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Permettez-moi de faire un simple rappel : les élections régionales ont donné une très large victoire à la gauche – on peut considérer que celle-ci a remporté près de vingt-trois régions sur vingt-six ! –…

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Vous comptez le Languedoc-Roussillon ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

… tandis que les candidats de la majorité se sont vu infliger une sévère défaite.

Mais je recommanderai à chacun, compte tenu de l’état du pays, de garder le sens de la mesure : pas de triomphalisme hors de propos pour les uns, pas de politique de l’autruche, d’arrogance ou de mépris pour les autres.

Au-delà du vote sanction, qui apparaît comme une évidence, chacun doit essayer de comprendre ce que les Français ont voulu signifier. En tout cas, nous nous y sommes efforcés, et nous avons été nombreux, par-delà les clivages politiques, à les entendre dire qu’ils étaient victimes d’une injustice permanente dans leur vie quotidienne : injustice sociale, injustice territoriale, injustice générationnelle, injustice devant la contribution que chacun doit apporter à la nation...

« C’est pas juste ! », disent ceux qui ne parviennent plus à boucler leurs fins de mois et qui n’ont plus d’espoir de voir leur situation s’améliorer.

« C’est pas juste ! », disent les élus et les citoyens des territoires qui voient les entreprises disparaître de leur paysage et les services publics se réduire peu à peu comme peau de chagrin.

« C’est pas juste ! », disent les jeunes, comprenant qu’ils devront payer l’addition de la situation actuelle et assumer la charge de déficits historiques pour l’avenir.

« C’est pas juste ! », disent les contribuables, qui voient les cadeaux massifs faits aux plus riches et le fardeau toujours plus lourd qui pèse sur les classes moyennes et populaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous sommes donc en droit de vous demander, monsieur le Premier ministre, si vous avez entendu, après ces résultats, le message qui vous était adressé, notamment celui qui concerne la responsabilité de l’État républicain en matière d’équité, après que vous avez instauré le fameux bouclier fiscal exonérant fortement les plus nantis.

Cette mesure, je vous assure que les Français la ressentent comme le symbole même de l’injustice qui leur est faite, et non pas, ainsi que vous l’expliquez, comme un soutien à l’investissement... Ils y verraient plutôt un soutien aux privilégiés, sur le dos de ceux qui font les frais de la crise.

Monsieur le Premier Ministre, si vous avez vraiment entendu ce message, pouvez-vous répondre à cette seule et simple question : au moment où les Français sont confrontés à la crise, allez-vous revoir votre politique, allez-vous revoir le bouclier fiscal ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Vous me demandez, monsieur le sénateur, si nous allons tenir compte du résultat des élections régionales. Ma réponse est oui !

Les listes de la coalition de gauche ont remporté un grand succès lors des élections régionales.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Vous allez présider vingt-deux ou vingt-trois régions sur les vingt-six que compte notre pays. C’est une très grande responsabilité, et je voudrais saluer, dans un esprit républicain, ceux et celles qui vont l’exercer.

Cette responsabilité est d’autant plus grande qu’elle s’exercera dans un contexte de sortie de crise qui exige une meilleure coordination entre les politiques locales et les politiques nationales. J’espère donc que nous pourrons conduire cette coordination dans un esprit républicain. Je l’espère d’autant plus que les régions ne sont pas des contre-pouvoirs, mais des éléments constitutifs de la nation et de l’État.

Mme Catherine Procaccia et M. Nicolas About applaudissent.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Je prendrai dans les prochains jours des initiatives afin d’examiner, avec les présidents de conseil régional, le moyen de mieux assurer cette coopération entre l’État et les régions.

Cela étant dit, monsieur Bel, le vote de dimanche dernier n’a rien changé aux défis que notre pays doit relever, notamment celui de la compétitivité de l’économie française, qui n’est pas, nous devons le reconnaître, au niveau de celle de notre voisin allemand, pour ne prendre que cet exemple.

Il n’a rien changé au grave défi que, comme beaucoup d’autres pays européens, nous devons relever en matière d’endettement, et nous constatons chaque jour combien cette question est majeure pour l’avenir de notre pays et pour les générations futures.

Il n’a rien changé à la nécessité de protéger notre modèle social face à l’allongement de la durée de la vie.

Oui, monsieur Bel, nous allons amplifier nos efforts pour relever ces défis et protéger les Français.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Mais vous, que proposez-vous, en dehors de votre rengaine sur le bouclier fiscal ?

Riressur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Vous proposez soit de tout arrêter, ce qui aboutirait naturellement à la remise en cause de notre mode de vie, soit de mettre en œuvre un projet socialiste que je ne connais pas parce qu’il n’existe pas, en tout cas pas encore !

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

J’ai bien entendu les critiques que vous formulez, ainsi que celles des Français. Mais au cours de cette campagne, monsieur Bel, je n’ai pas entendu les Français réclamer la fin de l’autonomie des universités, réclamer la fin du revenu de solidarité active ou encore la suppression de l’exonération des droits sur les petites et les moyennes successions !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Est-ce que vous allez revoir le bouclier fiscal ?

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Bel, si votre question est : « Le Gouvernement va-t-il faire demi-tour ? », eh bien, ma réponse est non !

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour le groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Selon le Président de la République, avec lequel vous êtes d’accord, monsieur le Premier ministre – cela, je vous le concède ! –, « rien ne serait pire que de changer de cap ».

Il veut continuer à alléger les charges sur le travail et à refuser toute augmentation d’impôt pour les riches, accélérer des réformes contestées et stigmatiser encore plus les familles modestes et les étrangers. Curieuse analyse de la sanction par les électeurs de sa politique, de votre politique !

Ce que les électeurs ont sanctionné, c’est une politique pour les plus favorisés, au détriment de l’immense majorité : réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, bouclier fiscal, exonération de l’impôt sur les sociétés, exonérations patronales sur les heures supplémentaires.

L’infime minorité qui en profite – les financiers et les pouvoirs qui les soutiennent, notamment le vôtre ! – a plongé la France et le monde dans une crise économique et sociale gravissime. Or ils en sortent indemnisés et même récompensés !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’État a renfloué les banques sans contrepartie, et tout continue comme avant : retraites dorées, bonus des traders, dividendes du CAC 40, etc. Pendant ce temps, les populations payent le prix de la crise : baisse du pouvoir d’achat des salaires et des retraites, précarité, chômage en augmentation de 10 %, déstructuration des services publics... Ces populations vont aussi subir l’augmentation de 9, 7 % du prix du gaz, alors que le long hiver a permis à l’entreprise privée GDF-Suez d’engranger d’énormes bénéfices.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le Premier ministre, le message des Français est clair : ils en ont assez de l’injustice sociale, assez de payer une politique en faveur des plus riches. Ils veulent la justice sociale et fiscale. Ils veulent une réponse solidaire du pays à la crise. Ils veulent un changement de politique, changement que, à l’évidence, la droite n’est pas susceptible d’opérer.

Personne ne saurait toutefois comprendre que vous continuiez à provoquer le monde du travail, comme Mme Christine Lagarde sait le faire quand elle justifie le bouclier fiscal en disant que si c’est la partie la plus riche de la population qui en profite, c’est parce que c’est elle qui fait tourner l’économie !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous devez au moins entendre que la solidarité ne s’adresse qu’aux plus faibles et abroger le bouclier fiscal, cette mesure inique qui rapporte 150 millions d’euros à ses 150 plus gros bénéficiaires. C’est ce que nous vous demandons !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Il y a une chose sur laquelle nous serons d’accord : l’importance de la valeur travail.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Vous respectez le travail, je le respecte aussi, notre Gouvernement le respecte et il le démontre depuis 2007.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Nous nous accorderons également sur ce point : nous avons besoin des deux facteurs, le capital et le travail, pour faire tourner une économie.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Mme Christine Lagarde, ministre. À vous entendre, notre gouvernement, sous l’autorité de François Fillon, aurait à rougir de sa politique.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Eh bien, j’affirme que nous n’avons pas à rougir de la politique que nous avons mise en œuvre !

Premièrement, s’agissant de la croissance, observons la façon dont les autres nous regardent. Selon la Commission européenne, la France sortira plus vite de la crise actuelle que les autres pays de la zone euro.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Les prévisions de la Commission pour l’année 2010 font apparaître une augmentation de 1, 2 % du PIB de notre pays, soit exactement le même chiffre que pour l’Allemagne et bien plus que la moyenne au sein de la zone euro.

Deuxièmement, aurions-nous à rougir de notre politique fiscale ? Actuellement, alors que la croissance redémarre doucement et qu’elle est encore fragile, la pire des solutions serait de charger le pays avec des impôts supplémentaires.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous ne nous y résignerons pas. Nous n’augmenterons pas les prélèvements obligatoires : ce n’est certainement pas le moment de le faire !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Troisièmement, aurions-nous à rougir de la politique de l’emploi que nous mettons en œuvre ? Ma réponse est non ! Avons-nous des résultats parfaits ? Bien sûr que non ! Le chômage persiste, même si son augmentation est freinée et la situation stabilisée. Au mois de février, le nombre de demandeurs augmentait de 3 300, ce qui est infiniment moins qu’au mois de janvier.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Comparons les chiffres : la moyenne mensuelle au premier trimestre 2009 s’élève à 64 000 ; au quatrième trimestre 2009, elle est quatre fois inférieure.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Nous enregistrons donc des résultats.

Sur tous les plans évoqués par M. le Premier ministre, qu’il s’agisse de la compétitivité, de la recherche et de l’innovation, de la politique de l’emploi ou de la réduction des déficits publics, je vous appelle, madame Borvo Cohen-Seat, à un effort collectif, parfaitement justifié en période de crise.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe UMP.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Le Président de la République a mis l’agriculture et même la politique agricole commune, la PAC, au cœur de ses priorités. Ce n’est que justice, compte tenu des tragédies quotidiennes que vit le monde agricole.

La PAC donne un cadre et des moyens. Ce cadre comme ces moyens sont indispensables et ils sont à l’honneur de la construction européenne. Cependant, alors que le secteur connaît sa crise la plus grave depuis trente ans, il faut aussi explorer des voies nouvelles, en oubliant le temps et le mythe de la PAC administrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

C’est tout le sens de la régulation et de la contractualisation, évoquées depuis quelques mois. Mais comment réguler un secteur lorsque les parties – l’acheteur et le vendeur – sont dans des positions si différentes et, en vérité, si inégales ?

Pour le dire simplement, les agriculteurs ne sont pas en mesure de négocier les prix, ni leurs prix de production, face aux banques et aux fournisseurs d’engrais et de matériels, ni a fortiori leurs prix de vente, face à des industriels organisés ou à des centrales d’achat hyper concentrées.

Même sans la PAC, j’ose le dire, le marché convient aux agriculteurs, mais à condition que leurs partenaires n’abusent pas de leur position dominante !

Si l’on permet et même si l’on favorise le pouvoir de négociation des producteurs pour corriger l’asymétrie des filières, ce sont la Commission et les autorités de concurrence qui protestent !

Il y a toujours eu, concernant la PAC, des problèmes de cohérence. La PAC administrée générait des surplus. La PAC réformée crée des rentes agricoles sous forme d’aide aux revenus. Maintenant, la PAC régulée ne peut fonctionner parce qu’on lui oppose le droit de la concurrence !

Il est temps de faire cesser ces aberrations. Quelques pistes peuvent être envisagées : la massification de l’offre et le mandat de négociation collective doivent pouvoir être autorisés. L’égalité de traitement doit pouvoir être garantie.

Il appartient au politique de prendre ses responsabilités pour donner plus de souplesse au droit de la concurrence. Car la société ne peut demander au monde agricole d’évoluer sans lui donner les moyens, y compris juridiques, de le faire. Le monde agricole ne peut vivre dans ces contraintes et dans ces contradictions permanentes.

Le problème se pose évidemment avec acuité dans le secteur laitier et pour le niveau du prix du lait. Les producteurs demandent rééquilibrage et dignité. Que comptez-vous faire pour leur répondre ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur Bizet, vous êtes un spécialiste du secteur laitier et du marché du lait en France. Vous savez quelles sont les réponses appropriées pour redonner du revenu et de la visibilité à tous les producteurs de lait.

La première solution consiste à fixer un prix permettant de couvrir les vrais coûts de revient de chaque producteur. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation de blocage liée à la définition du prix au deuxième trimestre. Je réunirai l’interprofession laitière mardi prochain pour que nous sortions de cette impasse.

Tous les producteurs de lait en France ont droit à un prix susceptible de leur fournir un revenu digne de leur travail !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

La deuxième solution consisterait à donner de la visibilité grâce aux contrats écrits entre producteurs et industriels.

Il faut mettre un terme à cette situation qui voit les producteurs de lait s’engager à rénover leurs installations pour 200 000, 250 000 ou 300 000 euros sans savoir ce qu’ils toucheront le mois suivant !

Je souhaite que, tous ensemble, nous mettions en place, à partir de la loi de modernisation, des contrats écrits entre producteurs et industriels…

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

… qui fixeront un volume, une durée – de quatre, cinq ou six ans – et un prix.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Aujourd’hui, cette définition du prix par l’interprofession n’est pas possible au titre du droit de la concurrence européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Quand la droite libérale retrouve les vertus de la planification…

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaite obtenir, dans les meilleurs délais possibles, une modification du droit de la concurrence européenne avec le soutien du Premier ministre et du Président de la République.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je présenterai lundi au Conseil des ministres européens la proposition française de modification du droit de la concurrence européen qui permettra aux producteurs de définir un indicateur de tendance de marché dans l’interprofession.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je présenterai cette proposition à Joaquin Almunia, commissaire européen à la concurrence, de façon que, enfin, les producteurs puissent avoir de la visibilité sur leurs revenus.

Enfin, la troisième solution, vous la connaissez : il s’agit du maintien d’outils d’intervention à l’échelle européenne. Lorsque le prix du lait s’est effondré en 2009, nous avons livré une bataille diplomatique déterminée, en réunissant vingt-deux États membres, afin d’obtenir que la Commission européenne, après trois mois de crise qui ont asphyxié les producteurs, dépense 300 millions d’euros sur le marché agricole du lait pour faire remonter les prix. Les prix ont ainsi remonté en janvier 2010 de 10 % par rapport à janvier 2009, grâce à l’intervention de la Commission et à la mobilisation française.

Il faut des instruments d’intervention et de régulation des marchés agricoles : c’est la condition de la survie et de la défense des agriculteurs français !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Yves Krattinger, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le Premier ministre, pendant toute la campagne électorale, les ministres ont dressé contre les collectivités un violent réquisitoire. Ils appelaient à sanctionner les régions à majorité socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Les électeurs ont apporté une tout autre réponse : ils ont préféré sanctionner le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. Très majoritairement, ils ont approuvé les politiques conduites par les régions

On le conteste sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Leurs initiatives en faveur du développement durable sont appréciées.

Les Français savent aussi le rôle prépondérant des collectivités dans l’investissement public et la mise en œuvre concrète des solidarités sociales et territoriales.

Votre projet de réforme des collectivités territoriales est très contesté, et vous le savez. Il est fondé sur des attendus erronés. Il est incompréhensible dans ses préconisations et tortueux dans son cheminement législatif. Il complexifie au lieu de simplifier et il amplifie les inégalités.

C’est un retour en arrière sur le chemin de la décentralisation.

Il marque aussi une dangereuse défiance à l’égard des élus locaux. Le projet de Grand Paris en est un exemple particulièrement criant !

Monsieur le Premier ministre, ne restez pas sourd à ce message des électeurs : entendons-le ensemble ! Ils souhaitent une réforme qui approfondisse la décentralisation au lieu de la réduire, qui reconstruise une relation de confiance entre l’État et les collectivités, qui permette, dans le contexte de crise majeure que traverse la France, de rassembler toutes les énergies dans le respect mutuel et la coresponsabilité indispensables à l’exercice apaisé de la démocratie locale.

Cette réforme, nous en avons jeté les bases ici même, dans un large consensus, au sein de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Le groupe des sénateurs socialistes et apparentés a toujours fait et fera encore des propositions. Nous sommes prêts au dialogue.

Êtes-vous enfin décidé à retirer un projet si mal engagé et surtout à renoncer à son étendard provocateur, le conseiller territorial, pour associer les forces politiques à l’élaboration d’une réforme ambitieuse au service de notre pays et de tous nos territoires ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Les Français se sont exprimés. Nous devons, bien entendu, tous être attentifs aux messages qu’ils nous ont adressés.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Le premier message apparaît, à mon sens, dans le taux d’abstention.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Près de 54 % au premier tour, près 49 % au deuxième tour, soit les taux les plus élevés enregistrés depuis 1986 !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous n’avez pas dit cela pour les élections européennes !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Sans doute les causes de cette abstention sont-elles multiples.

Comme cela a été remarqué, pour la première fois depuis 1986, ce scrutin n’était pas jumelé avec un autre. Mais ce serait commettre une grave erreur que de croire que les Français nous ont demandé de maintenir le statu quo, de ne rien bouger et de ne rien entreprendre.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Comment nier sérieusement que le taux d’abstention enregistré est certainement dû, pour sa plus grande partie, à la complexité de notre paysage institutionnel local ?

Exclamations amuséessur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Dire cela, ce n’est pas polémiquer ! C’est au contraire constater avec sérénité que nos concitoyens ne sont pas convaincus par la pertinence, la lisibilité et l’efficacité de l’action régionale.

La vérité, c’est que la nécessité d’une réforme de notre organisation territoriale n’a jamais été aussi forte. Nous avons le devoir de simplifier, de clarifier et d’alléger notre organisation locale.

La Haute Assemblée s’est d’ailleurs engagée dans ce débat et a adopté le principe du conseiller territorial. Ce débat va se poursuivre à l’Assemblée nationale et il reviendra au Sénat.

Croyez-le bien, monsieur Krattinger, dans ce débat, notre volonté d’écoute restera totale et nous serons attentifs aux propositions que vous pourrez avancer. Mais ne doutez pas une seule seconde de notre détermination à faire aboutir cette réforme majeure.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Troendle, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

En l’absence de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, à qui était destinée ma question, je l’adresserai à M. le ministre de l'intérieur.

Selon un récent sondage IPSOS, réalisé pour le quotidien France Soir, 81 % des parents pensent que leurs enfants sont en sécurité dans leur établissement scolaire ou d’enseignement supérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Ce chiffre atteint 91 % pour l’école maternelle, mais il descend à 72 % pour le lycée.

Ce sondage pourrait paraître rassurant, mais l’actualité de ces derniers mois a mis en évidence un profond malaise au sein de nos établissements scolaires : la violence s’y est invitée à tous les échelons.

Arrêtons-nous quelques instants sur ces enfants scolarisés dans les écoles primaires, qui n’hésitent pas, à l'occasion d’une contrariété, à agresser verbalement, voire physiquement, leur enseignant. Rappelons qu’ils ont moins de onze ans !

Il est nécessaire de s’interroger, me semble-t-il, sur ce comportement de violence, en faisant référence au parcours scolaire et personnel de ces enfants. Je ne puis croire que ceux-ci deviennent violents du jour au lendemain. Bien souvent, ils présentent un comportement agressif dès l’école maternelle.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Pourquoi pas dès la crèche ? Ou même à la maternité !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Alors, qu’est-ce que vous proposez ? La prison à trois ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Aussi, je pense qu’il est nécessaire de multiplier les messages en direction des enseignants des écoles maternelles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. … afin que ceux-ci signalent le plus tôt possible des comportements agressifs, hors normes bien sûr, aux psychologues scolaires.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Du reste, on peut se demander s’il existe assez de psychologues pour faire face sereinement à tous ces signalements !

Cependant, à aucun moment, il ne nous faut perdre de vue que c’est aux parents qu’incombe la responsabilité première de l’éducation morale des enfants ; il ne peut être demandé à l’État de pallier les manquements des parents.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’enseignant doit pouvoir enseigner ; il ne doit pas être troublé dans l’exercice de la mission qui est la sienne.

Je préconise que, lorsque la démission des parents est avérée, une disposition permettant de suspendre les allocations familiales soit mise en œuvre.

Exclamations affligées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Tous les dispositifs qui existent en la matière sont inopérants et trop lourds à appliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le ministre, il convient donc de revoir l’ensemble de ce mécanisme.

Il est également une autre préconisation que je me permettrai de vous soumettre.

Un enfant a été roué de coups par ses camarades, en Seine-Saint-Denis, le 18 janvier dernier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Occupez-vous donc du département dont vous êtes l’élue !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

… et l’on a pu lire peu après dans la presse que les agresseurs, exclus pour quelques jours de leur établissement, y étaient revenus !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Et c’est la victime qui s’est entendu proposer par le recteur un changement d’établissement !

Monsieur le ministre, à mes yeux, cette réaction s’apparente à une nouvelle agression, car la victime devra justifier de sa présence dans ce nouvel établissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Où est la justice ? Ne pensez-vous pas que ce sont les agresseurs qui doivent être séparés et mutés dans d’autres établissements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, a annoncé la tenue d’états généraux sur la sécurité en milieu scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. Pouvez-vous me confirmer qu’il est bien question d’y associer très largement les principaux concernés : les élèves !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Bruno Retailleau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Madame Troendle, je répondrai au nom de Luc Chatel, qui se trouve en déplacement dans l’académie de Nice…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Même à Nice vous avez été minoritaires aux régionales !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

… et avec lequel je partage naturellement le souci de combattre cette violence scolaire, qui devient inacceptable.

Hier encore, nous avons eu connaissance d’un cas particulièrement préoccupant. Une jeune fille de quinze ans, qui avait été expulsée temporairement de son collège, à Créteil, a agressé l’un de ses professeurs dans l’enceinte de l’établissement.

Comme le Président de la République l’a rappelé hier avec beaucoup de solennité et de force, la lutte contre les violences scolaires constitue évidemment, pour le Gouvernement, une priorité de tous les instants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Cela fait dix ans que vous racontez la même chose !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Nous savons que près de la moitié des incidents graves qui se produisent dans des établissements scolaires concernent seulement 10 % d’entre eux ; mais cela ne signifie aucunement que nous devions relâcher notre vigilance dans les autres.

L’établissement scolaire est le lieu de la transmission du savoir et de l’apprentissage des valeurs républicaines, non celui de combats de rue.

Aussi le ministre de l’éducation nationale et moi-même avons-nous pris un certain nombre d’initiatives.

Premièrement, nous avons institué des partenariats entre les acteurs de la sécurité et ceux de l’éducation, notamment en créant 5 247 correspondants « sécurité-école », ainsi que des référents, c’est-à-dire des policiers et des gendarmes qui sont les interlocuteurs des établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Alors arrêtez de supprimer des postes de gendarmes !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Deuxièmement, nous avons décidé de réaliser des diagnostics de sécurité dans les établissements qui présentent effectivement des risques. Ces documents seront tous établis avant la fin de la présente année scolaire, ce qui nous permettra d’adopter des mesures nouvelles, et notamment d’installer des équipements de vidéoprotection, qui permettent eux aussi de lutter contre les violences scolaires.

Toutefois, madame Troendle, vous avez raison, nous devons aller encore plus loin.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

J’ai donc décidé de mieux articuler la lutte contre les violences scolaires avec celle qui est menée contre les « deals » de proximité et les bandes, que celles-ci soient organisées ou non.

La récente loi sur les bandes violentes nous offre de nouveaux outils opérationnels. En particulier, elle aggrave les sanctions contre ceux qui porteraient atteinte aux élèves et aux enseignants. C’est un signal fort qui a été ainsi adressé.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Rétablissez les postes de surveillants que vous avez supprimés !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

De même, à travers la prochaine LOPSI, c'est-à-dire la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, que le Sénat examinera bientôt, j’ai prévu que soient mieux accompagnés les parents qui n’arrivent pas à exercer leur autorité, en particulier lorsque leurs enfants ont troublé le bon fonctionnement des établissements scolaires.

Nous proposerons donc de renforcer le contrat de responsabilité parentale. Si les parents ne respectent pas leurs engagements, la suspension des allocations familiales doit pouvoir être ordonnée.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous avez raison de le souligner, madame la sénatrice, les sanctions familiales doivent être effectives, et s’il faut modifier la loi, nous le ferons. En tout cas, soyez certaine que nous ne relâcherons jamais notre combat au service des enfants et des enseignants.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Il est parti !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Au lendemain de la désapprobation massive que les Français ont marqué au Gouvernement, celui-ci vient d’être légèrement remanié. Faible et timide réaction !

L’ancien ministre du budget, qui compte à son triste palmarès le bouclier fiscal, le cadeau de 2 milliards d’euros au titre de la baisse de la TVA sur la restauration, la RGPP, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, est donc désormais en charge du dossier des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. Jean-Pierre Bel. Tout va bien ! Bercy s’occupe de la réforme !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Le Président de la République a promis hier qu’il ne « passerait pas en force ». Je voudrais bien le croire, mais, quelques secondes plus tard, il a annoncé que le projet de loi serait déposé en septembre prochain…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

… et que le vote définitif interviendrait avant la fin de l’année !

Tout paraît bel et bien ficelé.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Il s'agit d’un simple remaniement technique, nous dit-on. Monsieur le ministre, reconnaissez en tout cas que passer du budget à un ministère aux compétences aussi étendues – travail, solidarité et fonction publique –…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

… est emblématique de ce qui va se passer, car il y a fort à parier que le dossier des retraites sera abordé sous un angle avant tout comptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Dès lors, monsieur le ministre, avez-vous tout de même l’intention de passer en force ? Ou bien prendrez-vous le temps nécessaire ? Entendrez-vous la semonce de nos concitoyens ?

Les milliers de manifestants qui, avant-hier, ont arpenté nos rues dans toute la France vous ont dit qu’ils attendaient une politique volontariste de l’emploi et, par là même, une amélioration de l’équilibre des régimes de retraite, une réforme des retraites fondée sur la justice et l’égalité.

Ils ont en mémoire la loi de 2003, portée par M. Fillon, devenu depuis Premier ministre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

… loi qui a notamment amplifié les inégalités entre les femmes et les hommes. Et ils ne veulent pas qu’on les dresse les uns contre les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, la prise en compte des critères humains devra l’emporter sur l’utilisation abusive de la calculette. Il s’agit avant tout d’un choix de société, et non de simples ajustements financiers.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, pour lequel nous formons tout particulièrement des vœux.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste. – M. Bruno Retailleau applaudit également.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur Domeizel, vous me faites un procès d’intention !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il n'y a pas d’autre mot pour décrire votre question !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous affirmez qu’en tant que ministre du budget j’avais une vision financière. Eh bien oui, et je suis persuadé que ce sera aussi le cas de François Baroin. (M. le ministre du budget, des comptes et de la fonction publique acquiesce.) Qu’un ministre du budget développe une vision financière, c’est tout de même bien le moins que l’on attend de lui !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Après tout, je n’étais pas ministre de l’éducation nationale ou de la culture... De grâce, soyons sérieux !

Sourires et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Vous avez beaucoup d’humour, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais vous êtes membre du Gouvernement, pas comptable !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je voudrais à présent évoquer les retraites, dont je souhaiterais que nous discutions sérieusement, et non pas de manière caricaturale comme vous le faites.

Les retraites posent un problème financier. Ce n’est pas être inhumain que de l’affirmer !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Du reste, si les retraites ne posaient pas un problème financier, monsieur Domeizel, nous n’aurions pas à nous poser des questions à leur sujet !

Nous devons savoir si nous répondons à ce problème de façon uniquement financière ou en le prenant en compte dans sa globalité. Bien entendu, en tentant de résoudre un problème financier, on peut aboutir à des solutions qui ne se limitent pas à cet aspect. Prendre en compte la pénibilité du travail, la durée de cotisation, l’augmentation de la durée de la vie dans notre société constitue une façon humaine, me semble-t-il, de poser la question des retraites.

En effet, si les retraites ne sont pas financées, qui payera la facture ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous pourriez tout de même vous poser la question ! Qui règlera la facture si les retraites ne sont pas financées ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il faut bien que quelqu’un s’en charge, et surtout pas ceux qui, aujourd’hui, doivent trouver leur place dans la vie active.

Si les jeunes n’ont plus les moyens de payer les pensions de ceux qui sont à la retraite dans le cadre du régime par répartition, ce dernier devient un régime par emprunt. Telle est la réalité !

Le régime actuel ne suffit plus. Pour maintenir notre système de retraite par répartition, nous devons le protéger et l’adapter à une durée de vie qui sera très longue pour ceux qui naissent aujourd'hui, sachant que nous gagnons un trimestre de vie chaque année. Voilà comment le problème se pose !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il ne faut pas poser ce problème de façon caricaturale. Sinon, nous ne parviendrons pas à nous parler. Or c’est une nécessité ! La droite et la gauche doivent s’entendre sur ce dossier : la question des retraites n’est pas idéologique, mais purement pratique. Elle nous concerne tous, ainsi que nos enfants.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. À certains moments de la vie politique française, nous devrions pouvoir nous rassembler. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle donc au dialogue et au rassemblement.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Darniche

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous ne m’en voudrez pas de m’exprimer à mon tour, en tant qu’élu vendéen, sur le sujet tragique de la tempête Xynthia.

Pour la Vendée, le bilan est de 29 morts, plus de 1 000 maisons sinistrées, 192 exploitations agricoles inondées, des centaines d’entreprises ostréicoles, du commerce et de l’artisanat détruites, des kilomètres de digues submergées ou broyées, des dizaines d’infrastructures routières, portuaires et ferroviaires fragilisées ou emportées.

Cette catastrophe a vu toute la population vendéenne faire preuve d’entraide et d’humanité. Des actes d’un courage proprement héroïque ont été accomplis par les sauveteurs. Mais toute la Nation a aussi exprimé sa compassion et sa solidarité, illustrées par la venue à deux reprises du Président de la République et par la présence du Premier ministre lors de la très émouvante cérémonie d’hommage organisée à la mémoire des défunts.

Voici maintenant venu le temps de la reconstruction.

Tout d’abord, je tiens à mon tour à remercier, au nom de la Vendée, la réponse rapide et réactive du chef de l’État et du Gouvernement.

Ont été débloqués 3 millions d’euros pour les sinistrés, 20 millions d’euros pour les ostréiculteurs, 5 millions pour les agriculteurs. En outre, des aides pour la restauration des locaux et des outils des entreprises détruites seront accompagnées d’apports en trésorerie immédiats.

Le 16 mars dernier, Nicolas Sarkozy a annoncé au conseil général de la Vendée, répondant ainsi au souhait de Philippe de Villiers, la fin des digues dites « spéculatives », qui permettent l’urbanisation de zones à risque mortel. Il soutiendra en revanche la réparation des digues économiques, qui protègent les ostréiculteurs, les conchyliculteurs et les agriculteurs et a promis qu’il reviendrait en Vendée présenter avant l’été un plan « digues ».

Enfin, sur votre proposition, monsieur le président du Sénat, notre assemblée a décidé la création d’une mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, qui se penchera sur les questions d’urbanisme et d’environnement, mais aussi sur les systèmes d’alerte et les régimes d’indemnisation.

L’ensemble de ce dispositif est en train de se mettre en place. Toutefois, monsieur le ministre, il me reste deux requêtes à vous soumettre.

D’une part, l’aide du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, est distribuée aux entreprises dans la limite d’un plafond de chiffre d’affaires d’un million d'euros. Cependant, certaines entreprises artisanales ont des unités d’œuvre très coûteuses mais une rentabilité faible. Ces très petites entreprises sont donc exclues du dispositif, à moins que l’on puisse déroger exceptionnellement à ce plafond.

D’autre part, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, a détecté en Charente-Maritime et en Vendée un taux anormal de toxine amnésiante produite par des algues microscopiques, ce qui a entraîné l’arrêt et le rappel de la commercialisation des coquillages depuis le 17 mars dernier.

Monsieur le ministre de l’agriculture, pouvez-vous assurer les ostréiculteurs frappés par ce nouveau coup dur qu’une mesure d’urgence sera prise pour compenser la perte de leur production ?

M. Bruno Retailleau applaudit, ainsi que de nombreux sénateurs de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le sénateur, je me suis rendu à deux reprises en Vendée et en Charente-Maritime. Je dois reconnaître que j’ai été particulièrement frappé et ému par la gravité des dégâts causés par la tempête Xynthia, mais aussi par la solidarité manifestée par les agriculteurs et les ostréiculteurs, solidarité que je tiens à saluer.

Vous m’interrogez sur un certain nombre de dispositifs techniques et d’aides que nous avons décidé de débloquer avec le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement.

M. Hervé Novelli a tout mis en œuvre pour que plus d’une centaine d’entreprises, dont le chiffre d’affaires est inférieur à un million d'euros, puissent bénéficier immédiatement des aides du FISAC. Cela me semble répondre le mieux aux attentes des petites entreprises de Vendée comme de Charente-Maritime, qu’elles soient commerciales, artisanales ou de services, pour leur permettre de redémarrer rapidement.

Par ailleurs, le Gouvernement a débloqué 5 millions d'euros d’aides en faveur de l’agriculture, notamment sous la forme d’allégements des charges, et 20 millions d'euros en faveur de la conchyliculture et de l’ostréiculture, pour permettre aux professionnels de ces filières de reprendre le plus rapidement possible leur activité en rachetant les matériels nécessaires.

Ces fonds sont aujourd'hui soumis à l’examen de la Commission européenne. J’évoquerai de nouveau le sujet lundi à Bruxelles. Ils seront débloqués dès que nous aurons reçu le « feu vert » de l’Union européenne, car il n’est pas question pour moi – vous connaissez mes principes sur ce sujet – d’accorder des aides d’État que les ostréiculteurs ou les agriculteurs auraient à rembourser dans quelques années. Nous avons pu constater dans d’autres secteurs les désordres qu’une telle pratique pouvait occasionner.

Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Enfin, j’en viens à l’interdiction de commercialiser un certain nombre de coquillages de Charente-Maritime. Vous le savez, je suis également responsable de la sécurité sanitaire des aliments et il va de soi que nous ne pouvons transiger sur cette question. Il y va de l’intérêt des consommateurs comme de celui des conchyliculteurs.

Nous allons examiner attentivement le soutien qui peut être apporté à ces derniers. Je peux d’ores et déjà vous annoncer, monsieur le sénateur, que l’État prendra à sa charge les intérêts d’emprunt des nouveaux prêts que les ostréiculteurs seraient contraints de souscrire pour faire face à cette nouvelle calamité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste. – M. Bruno Retailleau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. J’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de six membres des deux chambres du Parlement d’Ouzbékistan, conduite par la vice-présidente du Sénat ouzbek, Mme Mavjuda Rajabova, ainsi que M. l’ambassadeur d’Ouzbékistan, qui les accompagne.

Mmes et M. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Cette délégation est en France à l’invitation de notre groupe d’amitié France-Asie centrale. Sous son égide, le Sénat français entretient des relations cordiales et constructives avec le Sénat d’Ouzbékistan depuis la mise en place de cette assemblée, en 2004.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter à nos collègues ouzbeks en votre nom à tous une cordiale bienvenue et un fructueux séjour dans notre pays.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, déposé sur le bureau de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur le crédit d’impôt recherche pour l’année 2009, établi en application de l’article 102 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi qu’à la commission des finances.

M. le président du Sénat a également reçu de M. Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, le bilan de la politique de gestion des ressources humaines menée par les sociétés nationales de programme afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française, en application de l’article 2 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Ce bilan a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Acte est donné du dépôt de ces documents qui seront disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services, présentée par M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 193, rapport n° 319).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Ries, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

M. Roland Ries, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chères collègues – en l’occurrence, j’ai l’impression que le féminin s’impose !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Eh oui, pour l’instant tout au moins, il n’y a que des femmes dans l’hémicycle !

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés

Cela mérite effectivement d’être souligné !

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Heureusement que nous sommes là !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

… la proposition de loi que j’ai l’honneur de présenter au nom du groupe socialiste a pour objet de reprendre le débat soulevé à l’époque de la discussion relative à la directive services et de mettre en place, dans le cadre de la transposition de cette directive en droit français, les outils législatifs propres à défendre et à protéger notre modèle social.

On ne peut saisir la portée de cette proposition de loi sans avoir à l’esprit les remous provoqués en 2004 par la proposition de directive Services, plus connue sous le nom de directive Bolkestein dans l’opinion publique européenne en général et française en particulier.

Il est vrai qu’en posant initialement le principe du pays d’origine, c’est-à-dire, en fait, en cherchant à généraliser le moins-disant social, cette directive était de nature à faire voler en éclats tous nos systèmes de protection sociale et à accroître dangereusement les tensions sur les différents marchés du travail.

Il aura fallu un travail intense du Parlement européen et de la rapporteur socialiste Evelyne Gebhardt, ainsi, sans doute, que les « non » français et hollandais opposés au traité instituant la Communauté européenne, pour voir le texte profondément remanié.

Non seulement la directive finalement adoptée en 2006 ne contient plus le principe du pays d’origine, mais elle exclut de son champ d’application certains services d’intérêt général, tels que les soins de santé, ou encore les services relevant des missions régaliennes de l’État. Les services sociaux peuvent, eux aussi, échapper au champ de la directive sous certaines conditions, que chaque État pourra choisir ou non de faire valoir.

On peut donc dire que le droit communautaire prévoit un certain nombre de dérogations afin de laisser une marge de manœuvre aux États souhaitant protéger leurs services publics dans tel ou tel domaine.

Vous le savez, madame la secrétaire d’État, les socialistes se sont toujours vigoureusement opposés à ce principe de régimes dérogatoires auxquels le droit communautaire soumet les services d’intérêt général. Nous avons maintes fois demandé, que ce soit au sein du Parlement européen ou au sein du Parlement national, de pouvoir bâtir un droit positif en faveur des services d’intérêt général.

Je rappelle pour mémoire que, l’an dernier, ici même notre collègue Catherine Tasca a encore présenté – hélas, sans succès – une proposition de résolution européenne demandant à la Commission l’élaboration d’une directive-cadre sur les services publics, afin de les protéger, dans leur globalité, de la libre concurrence.

Je ne voudrais pas que, sous prétexte que la Commission européenne a refusé jusqu’à ce jour de discuter d’une initiative législative, le Gouvernement ne déploie pas tous ses efforts pour défendre à l’échelon national nos services publics. Je me refuse, pour ma part, à tenir l’Union européenne pour unique responsable du sort qui est aujourd’hui réservé à nos services sociaux.

Force est de reconnaître que, dans le cadre de la transposition de la directive, qui devait s’achever le 29 décembre dernier, la France est loin d’avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de nos services sociaux. Le Gouvernement français s’est en particulier refusé à proposer une loi-cadre en la matière, se distinguant en cela d’un grand nombre d’États de l’Union.

La France est en effet le seul pays, hormis l’Allemagne, à avoir préféré la transposition sectorielle. Si le choix de l’Allemagne peut se justifier en raison de sa structure fédérale, la France, en revanche, ne semble guère avoir de raisons de refuser une législation nationale et globale sur la transposition de cette directive.

Je dois avouer que c’est l’une de mes plus grandes interrogations sur ce dossier et je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous puissiez nous éclairer sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à privilégier cette voie que je considère comme génératrice d’insécurité juridique.

Certes, il n’est pas dans la tradition française d’élaborer une loi-cadre se substituant au droit existant. Il y a pourtant matière à faire une exception, me semble-t-il, compte tenu de la nécessité de définir une orientation politique précise, claire et surtout lisible pour le Parlement, les citoyens et les acteurs concernés, sur l’interprétation de la directive.

Le sens à donner au texte a suscité et suscite encore tellement de controverses qu’il me paraît primordial que chaque État, et donc la France, adopte des principes clairs sur le sujet. C’est, comme je l’ai dit, ce qu’ont fait la plupart des autres États, quelle que soit la sensibilité politique de leur gouvernement. Pourquoi pas nous, madame la secrétaire d'État ?

D’aucuns me rétorqueront sans doute que le Parlement a d’ores et déjà transposé des dispositions de la directive Services dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie ou encore de la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Et il est vrai que nous avons transposé la directive, dans certains secteurs, par la voie législative.

Cependant, pour les services sociaux d’intérêt général, le Gouvernement a procédé par voie réglementaire, privant ainsi le Parlement d’un débat et d’un arbitrage politique clair sur le sort qu’il souhaitait voir réserver à ces services. Et c’est ce choix-là, vous le comprendrez, qui a suscité, chez nous comme au sein de l’ensemble du secteur concerné, la plus vive inquiétude.

Madame la secrétaire d'État, pourquoi laisser sur ce point le pouvoir législatif « hors jeu » en quelque sorte, alors qu’il revient légitimement au législateur de traduire en droit national les directives communautaires ? Je ne peux m’empêcher de voir dans cette méthode que vous mettez en œuvre une forme de mépris, voire de méfiance à l’égard de la représentation nationale.

C’est précisément parce qu’il importe d’ouvrir un débat au Parlement et d’établir une discussion transparente sur la place des services sociaux d’intérêt général au regard de la directive services que le groupe socialiste a décidé de soumettre cette proposition de loi tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Sans cette initiative, le débat n’aurait très certainement jamais vu le jour.

Ainsi, ce texte présenté notamment par François Brottes et Christophe Caresche, a été discuté en séance publique à l’Assemblée nationale en janvier dernier. Comme on pouvait s’y attendre, il a été repoussé par la majorité ! Le débat que nous appelions de nos vœux a été littéralement escamoté, le Gouvernement ayant demandé aux députés de se prononcer par un « vote bloqué » sur l’ensemble de la proposition de loi, sans aucun amendement, en vertu de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.

Souhaitant prolonger le débat et, surtout, l’ouvrir à la Haute Assemblée, j’ai décidé, en accord avec le groupe socialiste du Sénat, de présenter le texte en mon nom.

La commission des affaires sociales a examiné le texte le 23 février dernier, sans l’amender, conformément à l’accord politique en vigueur au Sénat. En conséquence, le débat porte aujourd’hui sur le texte d’origine. Mme le rapporteur y reviendra tout à l'heure.

Ce rappel factuel me conduit à présent au cœur du sujet qui nous a motivés s’agissant de cette proposition de loi : la protection des missions d’intérêt général des services sociaux.

Apparemment, le Gouvernement semble considérer que certains services sociaux, comme l’accueil collectif de la petite enfance, l’aide à domicile ou encore le soutien scolaire, ne pouvant pas, au regard du texte de la directive, être protégés, ils sont soumis aux règles du libre marché.

Les obligations en termes de tarif ou de prise en charge de populations vulnérables, comme les personnes en situation d’insuffisance de revenus ou les personnes handicapées, ne mériteraient pas, dans ces services, d’être spécifiquement protégées.

Permettez-moi de dire que je ne partage pas cette analyse. Je rappelle une nouvelle fois que, si le texte de la directive Services ne protège pas positivement l’ensemble des services d’intérêt général du libre marché, il offre la possibilité aux États membres de les protéger par dérogation.

Certes, il existe plusieurs interprétations possibles de la directive et des dérogations qu’elle propose. Il y a lieu de distinguer l’interprétation du Parlement européen et celle de la Commission européenne. La première semble assez ouverte, la seconde, beaucoup plus restrictive. Or nous avons nettement le sentiment, madame la secrétaire d'État, que vous privilégiez l’interprétation libérale de la Commission.

Il y avait pourtant matière, sur un sujet aussi sensible, à privilégier au contraire une interprétation protégeant le modèle social que nous avons bâti et qui fait la particularité de la France. D’autant que le nouveau traité de Lisbonne, entré en vigueur en décembre dernier, légitime le choix de la protection, de la défense et même de la valorisation des services publics. La primauté de l’accomplissement de l’intérêt général sur toute autre disposition y est en effet clairement affirmée. La Commission européenne aurait donc difficilement pu s’opposer à l’argument.

Mais, là encore, l’adoption d’une loi nationale claire et précise nous aurait été utile pour éviter de s’en remettre à la décision de la Commission. En somme, nous en revenons toujours à la même idée : il faut légiférer au niveau national pour interpréter la directive dans le sens le plus favorable à la protection de nos services d’intérêt général, tout en étant, bien entendu, en conformité avec le droit communautaire.

En fait, madame la secrétaire d’État, tout est question de volonté et de choix car, même en admettant que la France veuille éviter tout risque de conflit avec la Commission, une solution simple aurait consisté à modifier la réglementation de nos services sociaux pour qu’ils puissent être conformes aux exigences communautaires qui permettent sa protection.

J’ai le sentiment que tout se passe comme si le Gouvernement, au-delà de l’interprétation des textes européens sur les services, avait fait un choix politique sur l’avenir de notre modèle social. Vous faites le tri entre les services sociaux et jugez, en fonction des intérêts politiques du moment, s’il est propice de les soumettre aux règles du marché intérieur ou non.

Prenons l’exemple du secteur de la petite enfance. En ouvrant ce secteur au libre marché, le Gouvernement ne cherche-t-il pas un moyen de remplir l’objectif des 200 000 places supplémentaires promises par le Président de la République lors de la campagne électorale ? Un calcul politique d’autant plus regrettable qu’à long terme ce choix risque fort de fragiliser et de remettre en cause notre modèle social, a fortiori dans une période de crise économique et sociale comme celle que nous traversons actuellement. Une fois de plus, serais-je tenté de dire, la tyrannie du court terme fragilise la vision du moyen et du long terme.

Les acteurs sociaux l’avaient d’ailleurs pressenti. Déjà, dans le cadre du « paquet Monti-Kroes », ils avaient dû se battre pour obtenir du Gouvernement une protection juridique quant à leur financement public. Ce dernier, si je ne me trompe, a longuement hésité avant de concéder aux associations fournissant un service social un outil juridique – la convention pluriannuelle d’objectif, qui reste de faible portée – pour protéger, au regard du droit communautaire, la subvention publique qu’ils reçoivent au titre de leur mission d’intérêt général.

La longue hésitation du Gouvernement et sa soudaine concession, au début de cette année, en disaient déjà long sur l’absence d’une ligne claire et forte permettant la protection de l’ensemble de nos services sociaux. Sa présente interprétation de la directive « Services » est tout à fait emblématique de ce flottement.

Je n’ignore pas que certains services sociaux d’intérêt général sont déjà soumis à une concurrence. Mais c’est une chose d’accepter la possibilité d’une offre privée en matière de service social et c’en est une autre de la promouvoir en allégeant la réglementation. Or telle semble être la finalité de votre action : prôner implicitement la dérégulation et le démantèlement de ces services.

Hélas, les conséquences se feront sentir à long terme. En effet, c’est valider implicitement l’idée d’un système social à deux vitesses : un segment non rentable accueillant les populations vulnérables et un segment performant à destination des personnes plus aisées.

Telle n’est pas la philosophie de notre modèle social. Nos services sociaux n’ont pas un simple rôle de réparation pour les plus démunis. Notre modèle social est au contraire fondé sur l’objectif de mixité sociale, de promotion de la diversité et d’innovation sociale. Le rôle de nos services sociaux ne saurait être réduit à celui d’une simple aide caritative : ce serait mettre à mal toute la qualité de notre modèle social, fondé sur les principes républicains de cohésion et de solidarité.

S’il faut encore souligner l’importance de cet enjeu, je rappelle, madame la secrétaire d’État, que l’Association des maires de France s’est unanimement opposée à la politique menée par le Gouvernement sur ce dossier. Les maires, qui sont, eux, amenés concrètement à faire appel à l’action des services sociaux sur le terrain, sont extrêmement attachés à la qualité de nos services publics, dont les dispositifs sont conçus de manière que toutes les catégories de la population puissent en bénéficier. Incidemment, ils regrettent que le Gouvernement ne prenne pas en compte, dans son interprétation, le rôle et le pouvoir des collectivités locales.

Pour toutes ces raisons, et en résumé, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui vise essentiellement trois objectifs.

Premièrement, ce texte se veut un outil pédagogique. Nous souhaitons rendre public et compréhensible un débat techniquement complexe, mais aussi, pour nous, socialistes, politiquement fondamental : je veux parler de la défense de nos services publics.

Deuxièmement, nous souhaitons utiliser au maximum les possibilités qu’offre la directive « Services » pour protéger nos services publics. Nous proposons donc d’interpréter le plus largement possible le texte de la directive et de définir clairement et précisément sa signification en droit français.

L’objectif est bien ici de préserver du libre marché le plus grand nombre de services sociaux qui ont une mission d’intérêt général en maintenant des règles strictes quant à la qualité de ces services et en clarifiant la notion de mandatement., aspect sur lequel nous reviendrons, je pense, dans la discussion des articles. De surcroît, nous tenons notamment compte, dans notre interprétation, du rôle fondamental joué par les collectivités territoriales dans le secteur social.

Troisièmement, nous profitons de cette proposition de loi pour clarifier aussi les exigences du « paquet Monti-Kroes » et sécuriser ainsi le financement de nos services publics. Nous proposons pour cela de créer un réel outil juridique, la convention de partenariat d’intérêt général, pour sécuriser, par voie législative, les relations entre les autorités publiques, en particulier les collectivités territoriales, et l’ensemble des acteurs du tiers secteur et de l’économie sociale et solidaire, qui sont aujourd’hui très inquiets.

Madame la secrétaire d’État, monsieur le président, mes chers collègues, ne coupons pas un peu plus encore les citoyens du projet européen. Nous le savons bien, ce n’est qu’en faisant adhérer nos concitoyens à cette immense ambition que nous pourrons la faire avancer. La défense des services publics, parce qu’ils facilitent la vie quotidienne de chacun des Européens, est donc, de notre point de vue, un impératif catégorique auquel nous, socialistes européens, croyons très profondément.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Heureusement que des femmes sont élues, car je vois qu’elles sont aujourd’hui largement majoritaires dans l’hémicycle. Bravo !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Mme Raymonde Le Texier. Il ne s’y trouve même pratiquement que des femmes ! Heureusement que nous sommes là pour sauver l’honneur !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite rappeler brièvement un élément de contexte.

Une proposition de loi analogue à celle que nous examinons aujourd’hui a déjà été discutée et rejetée par l’Assemblée nationale voilà quelques semaines. Évitons donc l’écueil qui consisterait à reproduire un débat qui a déjà eu lieu et à nous opposer, de manière stérile, les mêmes arguments qu’à l’Assemblée nationale. Tout le monde perdrait son temps et cela n’aurait aucun intérêt, surtout pour nos concitoyens.

L’attitude que je veux adopter en tant que rapporteur consistera plutôt à tirer les leçons de la discussion au Palais-Bourbon, en reconnaissant par exemple que certains arguments avancés par le Gouvernement, mais aussi par les députés, ne sont pas sans fondement, et à faire porter le débat sur des points qui n’ont pas été abordés, ou qui l’ont été insuffisamment.

En effet, depuis l’examen du texte par nos collègues députés, des étapes importantes du processus de transposition de la directive ont été franchies ; nous disposons donc de davantage de recul et de visibilité.

Comme l’a dit notre collègue Roland Ries, le texte vise trois objectifs essentiels : exclure l’ensemble des services sociaux du champ d’application de la directive ; inscrire la notion de service social dans la loi ; tenter de sécuriser la relation entre les pouvoirs publics et les prestataires de services sociaux.

Je concentrerai mon intervention sur deux points principaux. Au risque de vous surprendre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis convaincue que nous pouvons trouver un large accord sur ces points, tant ils suscitent le consensus au sein de notre assemblée : je veux parler, d’une part, du respect des prérogatives du Parlement en matière de transposition des directives européennes et, d’autre part, de la défense et de la promotion des services sociaux en Europe.

S’agissant de la transposition de la directive, ce n’est pas tant l’absence de loi-cadre qui est démocratiquement problématique que la mise à l’écart du pouvoir législatif et la poursuite de négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne dans le dos du Parlement.

L’article 9 de la directive « Services » prévoit en effet que les États membres doivent faire parvenir à la Commission une liste des services pour lesquels ils estiment nécessaire de maintenir un régime d’autorisation, que le prestataire soit national ou non. Cette liste a été, conformément à la directive, remise à la Commission le mois dernier et comporte plus de quatre cents autorisations. La Commission va donc examiner le document et engager une discussion avec la France sur les régimes d’autorisation qui lui semblent injustifiés.

Or, ce qui n’est pas acceptable, c’est que le Gouvernement ait, jusqu’à hier, refusé de communiquer cette liste au Parlement. Nous n’avons donc pu exercer aucun contrôle sur les choix du Gouvernement, alors même que ces choix: auront des implications législatives !

Madame la secrétaire d’État, avouez qu’il n’est pas excessif de dire, face à une telle situation, que le Gouvernement a été fortement tenté d’ignorer le Parlement et a cherché, jusqu’au dernier moment, à le réduire à une chambre d’enregistrement. Cette méthode est certainement la plus efficace pour rendre l’Europe impopulaire !

Puisque le Gouvernement a fini par nous communiquer la fameuse liste, reconnaissez donc au moins que cette proposition de loi aura eu le mérite d’apporter un peu de transparence démocratique au processus de transposition de la directive. Tous les parlementaires, quel que soit leur bord politique, devraient s’en féliciter…

J’en viens maintenant au deuxième point : la défense et la promotion des services publics, et plus particulièrement des services sociaux, en Europe.

Permettez-moi d’abord, dans un souci pédagogique, de faire une précision juridique importante.

Si paradoxal que cela puisse paraître, la directive Services, dans sa version définitive, permet au Gouvernement de prévoir certains aménagements ; cependant, inclure ou exclure certains services du champ d’application de la directive ne modifie pas leur statut au regard du droit de la concurrence. Autrement dit, en vertu du droit communautaire, tous les services publics, y compris les services sociaux, sont soumis au droit de la concurrence.

La question est donc autant celle du périmètre de la directive que celle de l’aménagement du droit de la concurrence. Or, sur cette question, disons-le clairement, le Gouvernement ne fait pas preuve de volontarisme malgré toutes ses déclarations d’intention.

Après avoir entendu non seulement les responsables des principales fédérations associatives, mais également le secrétariat général des affaires européennes et la représentation permanente de la France à Bruxelles, j’estime pouvoir dire – et croyez bien que je me réjouirais d’avoir tort – que le Gouvernement n’a entrepris aucune démarche active pour aménager ce droit de la concurrence, ni au niveau européen ni niveau national.

Au niveau européen d’abord, nous sommes confrontés à une réglementation des aides d’État inadaptée. Toute subvention d’un montant supérieur à 200 000 euros sur trois ans doit répondre à un certain nombre de conditions telles que la définition d’obligations de service public, l’évaluation a priori du coût de ces obligations, selon des critères transparents et objectifs, ou la vérification a posteriori de l’absence de surcompensation.

L’ensemble des élus locaux le disent, ces obligations sont totalement disproportionnées au regard des moyens humains dont disposent les collectivités territoriales et entraînent des surcoûts de gestion élevés et absurdes. Soumettre une commune qui subventionne un foyer pour femmes battues ou une association de lutte contre l’illettrisme à ces exigences, n’est-ce pas céder à la frénésie bureaucratique au détriment des initiatives et de la vie locales ? Considérer que de telles subventions portent atteinte à la concurrence sur le marché communautaire, n’est-ce pas s’enfermer dans une approche dogmatique totalement coupée de la réalité ?

Alors même que de possibles alliances objectives avec d’autres pays puissants de l’Union européenne, comme l’Allemagne, permettraient de relever les seuils et d’infléchir la définition des aides d’État, le Gouvernement n’a rien entrepris en ce sens. Quel dommage, par exemple, de ne pas avoir profité de la présidence française pour mettre ce sujet sur la table !

Au niveau national également, c’est la passivité qui caractérise le Gouvernement face aux problèmes des aides d’État. Pourtant, là aussi, un examen approfondi des dispositions communautaires oblige à reconnaître que la quasi-totalité des aides versées par les caisses d’allocations familiales aux centres de loisirs, aux centres de vacances et aux centres sociaux ne sont pas conformes au droit communautaire – les acteurs concernés en sont conscients et sont inquiets – et pourront être remises en cause à l’occasion d’un contentieux déclenché, par exemple, par une entreprise privée désireuse de se positionner sur le marché.

Il s’agit non pas d’être dogmatique et de refuser a priori toute évolution du secteur social, mais de sécuriser juridiquement des centres, qui, dans une grande majorité des cas, fonctionnent bien et auxquels les maires, comme les familles, sont très attachés. Madame la secrétaire d'État, pourquoi alors un tel silence, une telle apathie de l’exécutif sur ce sujet ?

Permettez-moi une dernière remarque : la jurisprudence communautaire laisse déjà aux États membres une certaine marge de manœuvre pour définir les services d’intérêt économique général. Pourquoi le Gouvernement ne se saisit-il donc pas du sujet, notamment pour sécuriser le soutien scolaire gratuit, essentiel pour un certain nombre d’élèves en difficulté et pourtant contestable au regard du droit de la concurrence européenne ?

Tels sont, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les points que je tenais à souligner. Vous l’aurez compris, loin de moi l’intention de polémiquer inutilement sur des sujets si importants et auxquels nos compatriotes sont légitimement attachés : je demande simplement au Gouvernement d’être plus volontariste et de se comporter davantage comme un stratège pour ce qui concerne la préservation de nos services sociaux, indispensables à la cohésion sociale de notre pays.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi, à laquelle je suis personnellement favorable. Cela étant, conformément à l’accord passé entre les présidents des différents groupes politiques, la commission des affaires sociales n’a pas modifié ce texte lors de son examen, afin qu’il soit discuté cet après-midi sous sa forme initiale.

Je souhaite que nos débats constituent un électrochoc salvateur et enclenchent une rupture avec la passivité et la résignation dangereuses du Gouvernement dans la promotion des services sociaux en Europe !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui témoigne d’une crainte suscitée par la transposition de la directive Services dans notre droit national : celle d’un démantèlement des services publics, notamment des services sociaux, dans notre pays.

En tant que secrétaire d’État chargée des aînés, travaillant en étroite collaboration avec le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, Éric Woerth, je mesure combien ces services sont essentiels à la cohésion sociale, grâce au soutien qu’ils apportent à nos concitoyens, en particulier aux plus fragiles d’entre eux. Je puis vous assurer de notre volonté de préserver et de promouvoir la spécificité de ces services, qui sont l’un des fondements de notre modèle social.

Voilà deux mois, lors de l’examen par vos collègues de l’Assemblée nationale d’une proposition de loi similaire, j’ai rappelé l’attachement du Gouvernement aux services publics et aux services sociaux d’intérêt général, tout en précisant que la directive en question ne menaçait en rien nos services sociaux. Permettez-moi de reprendre aujourd'hui très brièvement les raisons que j’ai alors avancées.

Afin d’éviter que ne se renouvellent dans cette enceinte les échanges qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, je limiterai mon propos à quatre points, en me référant aux remarques de Mme Jarraud-Vergnolle, dont je salue le travail rigoureux et la qualité des analyses.

Tout d’abord, il me semble essentiel de rappeler que la majorité des services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive. En effet, ils satisfont aux deux critères cumulatifs d’exclusion prévus par cette dernière : l’exigence d’un mandatement, d’une part, et le fait que les services bénéficient à un public en « situation de besoin », d’autre part.

Ensuite, il est vrai que certains services entrent dans le champ de la directive, car ils ne répondent pas à l’un ou à l’autre de ces deux critères. Tel est le cas des services d’aide à domicile, ou encore des crèches et des haltes-garderies, comme l’a établi Michel Thierry dans son rapport. Si ses conclusions ont pu faire l’objet de discussions et de divergences de vues, elles n’ont pas été fondamentalement remises en cause. Comme vous le soulignez vous-même, madame le rapporteur, cette approche est « la mieux à même d’éviter à la France de futurs contentieux avec la Commission ».

Il me paraît essentiel de rappeler que l’enjeu de la transposition de la directive n’est pas d’inclure ou d’exclure tel ou tel service du champ d’application du droit de la concurrence. Sur ce point, trop de malentendus, que nous devons dissiper, demeurent.

Madame le rapporteur, je reprendrai vos propres termes : « Inclure ou exclure un secteur du champ d’application de la directive » revient « à décider si son régime d’autorisation doit ou non répondre aux critères posés par la directive. »

Enfin, parce que sur ce point subsistent des confusions, je souhaite répéter dans cet hémicycle de la manière la plus claire que cette directive ne traite pas des questions de financement. En la matière, la nouvelle convention d’objectifs diffusée par le Premier ministre, datée du 18 janvier dernier, fournit un modèle qui permet à tous les acteurs de répondre aux exigences communautaires, notamment à l’exigence d’ajustement de la compensation aux obligations de service public.

Cela étant, lorsque les sénateurs socialistes, apparentés et rattachés ont jugé bon de soumettre au Sénat la présente proposition de loi, ils espéraient également obtenir une réponse du Gouvernement à deux questions majeures : quid du respect des prérogatives du Parlement en matière de transposition des directives européennes, d’une part, et de l’action du Gouvernement pour promouvoir les services sociaux en Europe, d’autre part ? Je me réjouis que la discussion de ce jour nous permette de lever les malentendus qui subsisteraient sur chacun de ces enjeux.

Selon vos propos, madame le rapporteur, des négociations pour transposer la directive se sont poursuivies entre le Gouvernement et la Commission européenne, sans que le Parlement ait été associé. Ce jugement me semble quelque peu hâtif, pour ne pas dire discutable.

Rappelons, tout d’abord, que ce travail de transposition nécessitait de balayer, si je puis dire, l’ensemble de la législation, pour identifier les secteurs d’activité soumis à des régimes d’autorisation, puis d’étudier si ces derniers étaient justifiés.

Cela supposait la mobilisation de moyens importants dans des délais contraints. Il était donc souhaitable que la mission interministérielle constituée à cet effet s’emploie à un tel examen.

Une répartition des tâches était d’autant plus légitime que la nature même de la directive Services nous y invitait. Comme vous le savez, cette dernière nous conduisait à examiner les textes législatifs existants, non à en adopter de nouveaux. Étant donné l’encombrement du calendrier parlementaire, cette souplesse était la bienvenue.

Pour autant – vous le savez également –, le Parlement a été largement associé à la transposition de la directive, afin de réaliser les ajustements nécessaires, et ce à la suite du travail d’analyse de la mission interministérielle. Il a examiné cinq textes très importants, parmi lesquels la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi de modernisation de l’économie, ou encore la loi relative à l’évolution des professions judicaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, aucune mesure de transposition n’a été adoptée par ordonnance : à chaque fois, vous avez été en première ligne pour étudier les conséquences concrètes de cette directive dans notre législation.

En outre, d’autres pays membres de l’Union européenne ayant adopté une loi-cadre pour assurer la transposition de la directive Services, certains prétendent que la France a été privée d’un nécessaire débat.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Je tiens à préciser que ces pays se sont simplement contentés de copier la directive. Madame le rapporteur, vous le reconnaissez vous-même, le vote d’une loi-cadre ne constitue pas, en soi, un gage de sécurité juridique accrue.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plutôt que de rechercher de fausses solutions, le Gouvernement a veillé à porter à votre connaissance toutes les informations nécessaires. Tel fut l’objet de la mission relative à la prise en compte des spécificités des services d’intérêt général, présidée par Michel Thierry.

De plus, au cours des travaux de la mission interministérielle, le Gouvernement s’est assuré que toutes les professions concernées soient associées à l’examen des textes.

Par ailleurs, trois semaines après l’expiration du délai de transposition, le rapport de synthèse a été publié. Le Gouvernement a tenu à cette transparence, essentielle pour éclairer nos concitoyens et pour éviter ce déficit démocratique que l’on reproche encore trop souvent à l’Union européenne.

J’ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement vous a transmis hier les fameuses fiches IPM, qu’il avait adressées à la Commission européenne au début du mois de janvier. Vous avez regretté, je le sais, que ces fiches ne vous aient pas été communiquées dès le départ. Sans doute le Gouvernement aurait-il pu vous les faire parvenir plus tôt, mais, quoi qu’il en soit, il n’a rien à cacher : ces fiches sont purement descriptives et ne recèlent aucun secret, comme vous-mêmes avez eu l’occasion de le constater.

Madame le rapporteur, le deuxième enjeu sur lequel vous avez souhaité centrer notre discussion concerne la stratégie mise en place par le Gouvernement pour promouvoir les services sociaux d'intérêt général aux niveaux national et communautaire.

Selon vous, le Gouvernement ne ferait pas suffisamment d’efforts en ce domaine. Loin de partager cet avis, je veux souligner au contraire que l’action gouvernementale ne faiblit pas et que, avec ses partenaires européens, la France ne cesse de promouvoir ces services sur le plan communautaire. J’illustrerai mon propos par trois exemples.

Premièrement, le Gouvernement a interrogé la Commission sur le droit des aides d’État. L’ensemble du régime juridique applicable en la matière a été adopté en 2005, et forme ce qu’il est convenu d’appeler le paquet « Monti-Kroes ». Il était prévu que les États membres en dressent un bilan au bout de trois ans. C’est ce que le Gouvernement a fait ; en se fondant notamment sur les auditions conduites dans le cadre du rapport de Michel Thierry, il a interrogé la Commission sur deux points particulièrement problématiques.

D’une part, la qualification « aide d’État » se trouve parfois appliquée aux financements d’activités, qui, selon le Gouvernement français, devraient y échapper dans la mesure où ils n’ont aucun impact sur le commerce entre États membres. Le Gouvernement l’a signalé à la Commission dans le rapport qu’il lui a remis au mois de mars 2009.

D’autre part, nombre des parties prenantes avec lesquelles le Gouvernement a largement travaillé, notamment des élus locaux, se demandent si elles sont obligées de recourir aux procédures de passation de marché public. Une clarification du cadre juridique est nécessaire. Là encore, le Gouvernement l’a indiqué à la Commission.

Cette dernière devait réagir avant la fin de l’année 2009. Force est de constater qu’elle a pris beaucoup de retard. Dès l’ouverture de la consultation publique annoncée, la France lui rappellera que, sur ces deux points, une évolution est nécessaire.

Deuxièmement, notre pays continue d’agir avec ses partenaires européens pour promouvoir les services sociaux en Europe. Il est très engagé dans toutes les discussions dans ce domaine, ainsi que dans la défense de ces services.

La France participe de façon active aux travaux du Comité de la protection sociale, en particulier au sous-groupe de travail sur l’application des règles communautaires aux services sociaux d’intérêt général, présidé par M. Spiegel. Y sont actuellement examinées non seulement les questions relatives aux partenariats public-privé, mais aussi le rôle et la place des prestataires à but non-lucratif ou encore les alternatives possibles aux procédures de marchés publics.

D’autres initiatives existent, conduites notamment sous l’impulsion du Parlement européen. Je pense au rapport en cours de préparation sur l’avenir des services sociaux d’intérêt général, sous le pilotage de M. De Rossa, sans oublier les travaux de l’intergroupe politique présidé par Mme Castex, travaux qui portent justement sur les services d’intérêt général et les services sociaux.

Si la France suit ces initiatives avec un très vif intérêt, c’est tout simplement parce que le Gouvernement considère les services sociaux d’intérêt général comme l’un des fondements du modèle social européen.

Troisièmement – j’en viens ainsi au dernier exemple que je voulais citer –, le Gouvernement a tenu à aborder la question des services sociaux d’intérêt général dans sa contribution à la consultation sur la future stratégie UE 2020 organisée par la Commission européenne, contribution qu’il a adressée à la Commission le 13 janvier dernier. Précisons que la consultation précitée a vocation à embrasser tous les sujets intéressant l’avenir de l’Union européenne.

Je ne reprendrai pas le contenu exhaustif de cette contribution, mais permettez-moi d’en citer deux passages. À la page 3, le Gouvernement affirme que « s’agissant […] des services sociaux d’intérêt général, la nouvelle stratégie doit chercher une plus grande cohérence des interventions communautaires et une meilleure complémentarité avec les interventions au niveau national ».

Par la suite, il indique que « l’approfondissement du marché intérieur ne réussira pas s’il est perçu comme comportant un risque de remise en cause des acquis sociaux fondamentaux ». Cette mise en garde, nous avons fait le choix de l’adresser clairement à la Commission, car nous sommes convaincus que les services sociaux d’intérêt général ne s’opposent pas au développement du marché intérieur, mais qu’ils doivent y trouver une juste et légitime place. La France continuera ses efforts pour que ce cadre soit clairement et justement défini.

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour que l’avenir des services sociaux en Europe soit assuré et clarifié, et pour qu’il soit synonyme de progrès pour la construction communautaire.

Certains de nos partenaires européens restent encore à convaincre ; d’autres s’interrogent sur les modalités de la coexistence de ces services avec un marché intérieur fondé sur la libre concurrence. Nous ne devons pas nier ces difficultés, ni prétendre imposer une forme de protectionnisme juridique au bénéfice de tel ou tel service en la créant de toutes pièces. Nous devons au contraire affirmer que l’Europe que nous voulons est aussi une Europe sociale, porteuse d’emploi et de croissance durable, qui réaffirme la place des services sociaux d’intérêt général en son sein et auprès de tous ses citoyens.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demeure mobilisé et soutient – et il continuera de le faire – les initiatives qui permettent une plus juste promotion des services sociaux en Europe. Je suis satisfaite que ce débat ait pu avoir lieu aujourd’hui au Sénat, même si, au nom du Gouvernement, j’invite les membres de la Haute Assemblée à rejeter la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, avant d’en venir à la proposition de loi qui nous est soumise, il me semble important de commencer par bien comprendre les objectifs poursuivis par la directive Services.

Cette directive vise la réalisation d’un véritable marché intérieur des services, secteur qui représente 70 % de l’économie européenne et dans lequel une très grande partie des emplois sont créés, mais qui n’est à l’origine que de 20 % des échanges transfrontaliers.

À cette fin, la directive instaure un cadre juridique commun avec quatre objectifs : faciliter la liberté d’établissement et de prestation de services au sein de l’Union européenne grâce à des mesures de simplification des formalités administratives, renforcer les droits des destinataires des services en tant qu’utilisateurs, promouvoir la qualité des services et, enfin, établir une coopération administrative effective entre les États membres.

La directive Services garantit que les États membres permettent un libre accès des prestataires de services européens aux activités de services, ainsi que leur libre exercice sur leur territoire.

Il ne s’agit cependant pas d’une ouverture dépourvue d’exigences puisque la directive prévoit les conditions dans lesquelles les États membres peuvent encadrer ces activités.

Je tiens à rappeler que la disposition qui a suscité les débats les plus nombreux, à savoir le principe dit « du pays d’origine », a été supprimée. Le Sénat demandait déjà, par l’intermédiaire de sa délégation pour l’Union européenne, l’exclusion de ce principe, qui ouvrait la porte au dumping social. Tout le monde se souvient de l’exemple caricatural du plombier polonais !

Finalement, ce principe a donc été abandonné, et l’État membre dans lequel le service est fourni continue de pouvoir imposer des exigences nationales aux prestataires établis dans un autre État membre, à condition que ces dernières soient nécessaires, c’est-à-dire « justifiées par des raisons de sécurité publique, de protection de l’environnement ou de santé publique » Ces conditions doivent également être non discriminatoires entre États membres et proportionnées à l’objectif poursuivi.

J’en viens, à présent, à la transposition de la directive au sein des États membres.

Cette directive invite chaque État membre à passer en revue, sur son territoire, les activités réglementées et les régimes d’autorisation en vue de garantir la liberté d’établissement et de prestation de services au sein de l’Union européenne.

C’est donc bien à un examen de la conformité du droit existant, plus qu’à une transposition de normes nouvelles, que cette directive conduit.

Or pour ce qui concerne les services sociaux qui nous intéressent tout particulièrement en cet instant, le Gouvernement a constaté que l’organisation sociale et médico-sociale de notre pays était déjà très largement compatible avec les dispositions de la directive Services.

Quelques modifications ont été opérées, et le Parlement français a, bien entendu, été associé à l’élaboration de celles qui relevaient du domaine législatif. Ainsi, notamment, grâce à la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la procédure d’autorisation dans le secteur médico-social a été rectifiée. D’autres modifications sont d’ordre réglementaire et, selon la Constitution, sont du ressort du Gouvernement.

Le 5 janvier dernier, le Gouvernement a transmis à la Commission européenne quelque 500 fiches d’autorisation précisant, d’une part, les services qui seront exclus du champ de la directive, et, d’autre part, ceux qui ont nécessité une révision de la réglementation française afin de les adapter à la directive.

J’en arrive à la question des conséquences de la directive Services sur les services sociaux et médico-sociaux.

Il faut tout d’abord savoir que la très grande majorité des établissements et services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive. Ils satisfont, en effet, aux deux critères cumulatifs d’exclusion. D’une part, ils sont relatifs au logement social, à l’aide sociale à l’enfance, à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant dans une situation de besoin, qu’elle soit temporaire ou permanente. D’autre part, ils sont assurés par des prestataires mandatés par l’État ou par une collectivité publique.

Madame la secrétaire d'État, certains de mes collègues ont reçu récemment des associations qui leur ont fait part de leurs inquiétudes ; je pense, notamment, à l’Union nationale des associations de soins et services à domicile, l’UNASSAD. Il serait important que vous puissiez les rassurer lors d’une rencontre ou d’une conférence organisée avec l’ensemble de ces associations.

Dans le secteur médico-social, seuls certains établissements d’accueil des jeunes enfants et de services à la personne relèvent du champ d’application de la directive, comme les crèches et les halte-garderies. Ces structures ont, avant tout, pour mission d’offrir un service aux familles : il s’agit pour elles non de mettre l’enfant à l’abri du danger, mais de permettre aux parents de concilier vie professionnelle et vie familiale. En cela, elles relèvent non pas directement de la politique sociale mais de la politique familiale et entrent dans le champ d’application de la directive.

Faut-il cependant s’en inquiéter ? Je ne le pense pas, car cette inclusion dans le périmètre de la directive ne remet en cause ni leur régime juridique ni leurs caractéristiques essentielles.

Que les services soient inclus ou exclus du champ d’application de la directive ne fait donc pas courir de risque de dérégulation ni d’abaissement des exigences de qualité.

Nous sommes tous dans cette enceinte attentifs aux valeurs d’égalité, de proximité et de soutien aux personnes les plus vulnérables. Les services sociaux et médico-sociaux participent de la réalisation de ces valeurs sur le territoire de la République. C’est pourquoi nous ne permettrons aucune remise en question de leur organisation ou de leur rôle. Soyez-en convaincus !

Selon moi, et vous l’avez certainement déjà compris, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par M. Ries n’apporte pas de garantie supplémentaire pour ce qui concerne le fonctionnement ou le financement des services sociaux et médico-sociaux. Son adoption risquerait même de mettre la France dans une situation difficile en créant des dispositions contraires au droit communautaire !

Tout d’abord, ainsi que je viens de l’expliquer, les régimes d’autorisation dans le secteur social et médico-social ne sont pas remis en cause par la directive Services. Nous devons être conscients de cette réalité.

Ensuite, l’article 1er de la proposition de loi est contraire au droit communautaire. Il est donc source d’insécurité juridique pour tout le secteur. En effet, il exclut l’ensemble des services sociaux et médico-sociaux du champ d’application de la directive, instituant ainsi un champ d’exclusion plus large que la directive elle-même. Le Parlement français se substituerait au Parlement européen qui a déjà légiféré alors que, en la matière, il doit se limiter à transposer ce qui a été voté par l’assemblée européenne.

En adoptant un article non conforme au droit communautaire, la France pourrait faire l’objet d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui fragiliserait ensuite tous les régimes d’autorisation et, par conséquent, tous les services médico-sociaux.

Enfin, les articles 2 à 5 de la proposition de loi ont pour objet de sécuriser les concours financiers versés par les pouvoirs publics aux associations.

Cependant, la directive Services ne traite en aucun cas des questions de financement et de marché public. En outre, les règles du droit communautaire en matière d’aides d’État ne remettent pas en cause le régime actuel des subventions qui sont autorisées sous quatre conditions : premièrement, l’entreprise ou l’association doit gérer un service d’intérêt économique général ; deuxièmement, elle doit être expressément mandatée à cette fin par les pouvoirs publics ; troisièmement, les paramètres qui ont permis de calculer la compensation financière liée à cette mission doivent avoir été préalablement établis de façon objective et transparente ; enfin, quatrièmement, les financements ne doivent pas excéder le montant nécessaire à la couverture des coûts afférents aux obligations de service public.

Par ailleurs, la convention élaborée avec les associations et les représentants des élus locaux dans le cadre des travaux préparatoires à la deuxième conférence de la vie associative du 17 décembre dernier prend bien en compte les exigences communautaires.

Là encore, les inquiétudes exprimées ne sont donc pas fondées.

Je souhaite réaffirmer devant vous, mes chers collègues, l’attachement des membres du groupe UMP à nos services sociaux : ils sont essentiels à la cohésion de notre pays et font partie des principes fondamentaux de la République.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

La directive Services ne remet en cause ni la qualité de ces services sociaux et médico-sociaux, qu’ils soient inclus ou non dans le champ d’application de la directive, ni l’octroi de subventions à ces services. La présente proposition de loi n’apporte aucune avancée et comporte même des dispositions contraires au droit communautaire qui pourraient aboutir à une condamnation de la France. Par conséquent, les membres du groupe UMP ne la voteront pas.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui aborde un sujet fondamental et très important : l’organisation et la pérennité même des services sociaux de notre pays. Chacun sait que la défense des services publics guide tous les votes émis au sein de cette assemblée. C’est précisément la volonté de les préserver de la dérégulation qui nous a amenés à voter contre le traité de Lisbonne.

Force est de le constater, nous avons été les seuls à dénoncer les dangers que ce traité libéral faisait, et fait toujours, courir à nos services publics. Nos craintes étaient malheureusement fondées.

Aux termes de ce traité, la quasi-totalité des activités humaines peuvent être qualifiées d’économiques et ainsi soumises à la sacro-sainte libre concurrence.

Or la directive Services porte en elle la même veine libérale que le traité dont elle est issue. Face au principe de libre concurrence qu’elle réaffirme, elle n’a posé que de fragiles exceptions pouvant, pour la plupart d’entre elles, être remises en question au nom du marché.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tente donc d’élargir le domaine des exceptions, en soustrayant certaines activités du champ d’application de la directive Services.

Comme nous estimons également nécessaire de renforcer la protection offerte aux services sociaux contre le libre marché, une telle tentative de sauvetage des activités associatives dans le domaine social nous paraît louable. Or, selon nous, cette sécurisation aurait dû intervenir en amont et se traduire par un refus du traité de Lisbonne. Il est maintenant trop tard, et les tentatives de « colmatage » seront sans effet face à ce traité, qui impose ses dérégulations !

Nous sommes d’accord sur le constat, mais nous considérons que la présente proposition de loi n’apporte pas les bonnes réponses à de véritables questions. En effet, même si elle était adoptée, elle ne serait pas en mesure de sécuriser les services sociaux, et ce en raison de l’existence du traité constitutif de l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Cependant, avant d’évoquer la proposition de loi sur le fond, nous voulons dénoncer avec force le déni de démocratie manifeste résultant de la méthode de transposition choisie par le Gouvernement !

Comme vous le savez, mes chers collègues, la plupart des pays de l’Union européenne ont choisi de soumettre une loi-cadre à leur représentation nationale pour transposer la directive. Or, en France, le Gouvernement a opté pour une tout autre méthode : une transposition morcelée, rampante, à travers différents textes législatifs, doublée d’une voie réglementaire, et ce dans la plus grande opacité. À n’en pas douter, l’objectif est de ne pas réveiller certains débats, par exemple le « non » au traité de Lisbonne ou encore la directive Bolkestein !

On ne compte plus le nombre de lois récentes qui contiennent des dispositions de transposition ! Et cela continue ! Ainsi, le 6 avril prochain, l’Assemblée nationale examinera le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, qui comporte également des mesures de transposition.

Il y a donc beaucoup à dire sur la méthode.

Certes, l’inventaire que le Gouvernement a transmis à la Commission était prévu. En revanche, l’opacité qui règne dans ce processus ne l’était pas !

Une telle manière de transposer une directive est particulièrement choquante. C’est un déni de démocratie. Nous demandons donc, une fois encore, que le Gouvernement adopte plus de transparence dans la procédure de transposition et se décide enfin à engager un vrai débat sur le sujet devant les deux assemblées. Même si une loi-cadre n’aurait pas forcément plus de poids juridique – je vous ai bien entendue, madame la secrétaire d’État –, elle aurait au moins permis la tenue d’un tel débat tant dans cette enceinte qu’à l’Assemblée nationale !

J’en viens au fond de la proposition de loi. Nous ne pensons pas que les mesures proposées permettent à nos services publics d’être à l’abri des règles européennes de la libre concurrence.

En effet, aux côtés des services d’intérêt général non-économiques, qui sont les seuls à être expressément exclus de la directive Services, certains services dits « services d'intérêt économique général » pourraient également en être exclus, mais seulement s’ils répondent aux conditions cumulatives que vous avez rappelées tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, en l’occurrence concerner un domaine bien défini et être assurés par l’État ou par des prestataires mandatés par l’État.

Ainsi, en l’état actuel du droit européen, il est impossible de sécuriser véritablement l’ensemble des services sociaux d’intérêt général. Et vouloir les mettre à l’abri de la directive Services, comme le proposent les auteurs de la présente proposition de loi, en précisant la liste définie à l’article 2.2. j) de la directive et la procédure de mandatement est un leurre, selon nous.

En effet, au nom de sa jurisprudence très libérale, la Cour de justice de l’Union européenne pourra toujours condamner les États qui auront voulu exclure certains services du jeu de la libre concurrence. Par conséquent, la liste des domaines écartés du champ d’application de la directive Services nous paraît, au final, sans effet.

Après réflexion, nous pensons que les précisions apportées à la définition du mandat contenue dans l’article 2.2. j) de la directive constituent une fausse bonne réponse, si je puis dire, à de véritables préoccupations, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, étendre ainsi la notion de mandatement risque de mettre à mal les spécificités du tiers secteur associatif. S’il n’existe pour ces structures que le mandatement, toute initiative associative sera tarie. On voit poindre le risque qu’une collectivité puisse choisir de mandater seulement tel ou tel type de structures pour des raisons politiques.

Ensuite, certains régimes en France – je pense notamment aux procédures d’agrément – ne sont pas assimilables à un mandatement. Pour cette raison encore, le nouveau régime de mandat proposé ne nous semble pas en mesure de répondre aux problèmes auxquels sont aujourd'hui confrontés les acteurs concernés.

Enfin, comment peut-on modifier, via un texte national, la définition du mandat qui figure, elle, dans la directive Services ? En effet, la sécurisation juridique des services sociaux d’intérêt général ne peut venir au préalable que du niveau européen, afin qu’il n’existe pas, au niveau national, de contradiction avec le droit européen, donc de sanctions.

C'est la raison pour laquelle nous suivons une autre démarche. Nous pensons que les services sociaux d’intérêt général doivent véritablement être mis à l’abri du jeu de la concurrence débridée. Nous estimons qu’ils devraient être inclus dans la catégorie des services d’intérêt général non-économiques, la seule catégorie expressément exclue des règles de la concurrence.

Soit dit en passant, de telles activités seront néanmoins toujours soumises aux règles contenues dans le traité constitutif de l’Union européenne. En réalité, c’est ce dernier qu’il faudrait modifier...

Comme nous ne pouvons nous contenter de la directive Services et des exclusions qu’elle prévoit, nous souhaitons qu’une nouvelle directive destinée spécifiquement à protéger les services d’intérêt général non-économiques et incluant les services sociaux soit adoptée.

Dans quelques semaines, nous déposerons donc une proposition de résolution en ce sens. Elle aura pour objet d’inciter le Gouvernement à demander à la Commission de mettre tout en œuvre pour élaborer une directive spécifique aux services sociaux d’intérêt général non-économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi illustre la volonté des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés de préserver la spécificité du modèle social français.

Les services d’intérêt général et les services sociaux ne sont pas seulement au cœur de ce modèle social ; ils en sont la colonne vertébrale permettant de garantir la cohésion sociale et territoriale de notre pays ! Ils représentent plus de 10 % des emplois en France.

En cette période de difficultés économiques et sociales persistantes et alors que le schéma de sortie de crise reste particulièrement flou, les services d’intérêt général et les services publics constituent le rempart indispensable contre la précarité, le déclassement et l’exclusion. En définitive, ils sont le bouclier social auquel les Français ont témoigné leur attachement lors des élections du 21 mars dernier.

La présente proposition de loi part d’abord d’un constat de carence : la passivité du Gouvernement est patente en matière de services d’intérêt général. La présidence française du Conseil de l’Union européenne s’est achevée sans qu’aucune initiative ait été prise en faveur des services d’intérêt général. En ce domaine, elle s’est réduite à la tenue d’un forum auquel aucune suite n’a été donnée. Pourtant, nous avions déjà déposé à l’automne 2008 une proposition de résolution par laquelle nous demandions à la Commission européenne de prendre toutes les initiatives permettant de conforter le statut des services d’intérêt général, notamment d’inscrire l’élaboration d’une législation-cadre dans sa stratégie politique annuelle pour 2009. Parallèlement, nous demandions au chef de l’État français, alors président du Conseil de l’Union européenne, d’impulser un agenda européen pour l’élaboration d’un tel outil juridique.

Le Président de la République s’est souvent déclaré favorable à une application par anticipation du nouveau traité. L’élaboration d’une législation-cadre sur les services d’intérêt général pouvait permettre de concrétiser cet aspect du traité de Lisbonne et de donner un contenu au souhait de la France de faire de l’année 2008 l’année du « redémarrage social de l’Europe ». Notre proposition de résolution constituait un rappel de ces objectifs et une invitation à agir.

Faute d’initiative de la France en ce sens, nous avons renouvelé, au mois d’avril 2009, notre proposition de résolution, et rappelé la nécessité d’élaborer une directive-cadre pour les services d’intérêt général. Le Gouvernement et la majorité y sont restés sourds. La construction d’un cadre juridique de niveau européen constituerait pourtant la voie la plus efficace pour garantir la sécurisation et la consolidation des services d’intérêt général et des services sociaux.

À défaut de droit positif en la matière, nous voulons utiliser toutes les dérogations permises par le droit européen, notamment par la directive Services. Par cette proposition de loi, nous souhaitons reprendre l’initiative sur le plan national et parlementaire. Notre objectif est de remettre le Parlement au cœur du processus de transposition de la directive Services. Le Gouvernement a fait le choix d’opérer cette transposition de manière sectorielle. Ainsi, des dispositions de transposition ont-elles été insérées dans la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009, dans la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et dans le projet de loi dit « de simplification du droit ».

Pour ce qui concerne les services sociaux, le Gouvernement a procédé par dispositions réglementaires, tenant, de fait, le Parlement à distance : ce dernier n’a pas été associé à ces travaux et n’a pas pu en débattre publiquement. Autant d’exemples qui valident les craintes d’abandon de l’objectif d’une transposition de la directive par une loi-cadre, craintes qu’exprimait le dernier rapport d’information du Sénat, en date du 17 juin 2009.

Je regrette que le Gouvernement ait fait le choix d’un processus de transposition ne répondant pas aux objectifs de transparence et de cohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Surtout, je me demande si ce choix ne traduit pas la volonté du Gouvernement de masquer une absence manifeste de politique globale et cohérente en matière de services d’intérêt général et de services sociaux.

Avec cette proposition de loi, nous plaidons aujourd’hui pour que le Parlement exerce pleinement ses fonctions législatives et de contrôle dans le domaine des services sociaux, sujet sur lequel le Gouvernement n’a pas encore légiféré. Nous appelons le Gouvernement à se saisir, dans le cadre de la transposition, des dispositions positives introduites par le traité de Lisbonne et à utiliser la large latitude que l’article 14 de ce traité et le protocole additionnel n° 26 confèrent aux États membres pour apprécier ce qui relève ou non de la catégorie des services sociaux.

Si, comme cela semble être le cas, le Gouvernement choisit de ne pas se prévaloir des dispositions d’un traité pour lequel il a beaucoup milité, de fait, il se désarmerait. J’espère que ce débat apportera un démenti.

Nous estimons urgente la transposition de la directive Services par une loi-cadre, seule à même de garantir une sécurité juridique véritable, notamment pour les collectivités territoriales, et une protection sociale réelle pour nos concitoyens.

Les auteurs de la proposition de loi soumise à la Haute Assemblée ont fait le choix clair et transparent d’une exclusion large des services sociaux d’intérêt général du champ d’application de la directive Services. La méthode législative est bien préférable au régime d’autorisation négocié au cas par cas, qui s’apparente à un marchandage brouillon entre le Gouvernement et la Commission ; les critères de choix restent obscurs et ne font pas l’objet d’une discussion avec le Parlement.

Nous proposons donc un texte de clarification et de sécurisation pour les services sociaux. Il définit de manière large le périmètre des services sociaux exclus expressément de son champ d’application. Il permet également d’exempter de notification à la Commission européenne des aides d’État au titre du financement public des services sociaux, tout en précisant les modalités concrètes de mandatement. Enfin, il crée une convention de partenariat d’intérêt général pour sécuriser en droit les pratiques de contractualisation des collectivités locales, ce qui permettra d’éviter le recours systématique et non justifié aux procédures de marchés publics.

Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur l’urgence qu’il y a à apporter aux collectivités des réponses concrètes et rapidement opérationnelles.

La réglementation relative aux aides d’État, d’une grande technicité, est manifestement inadaptée à la vie des communes, notamment à celle des villes de petite et moyenne importance. Les associations d’élus alertent depuis plusieurs années l’État sur ces difficultés.

Le Gouvernement a bien signalé à la Commission européenne « le décalage extrêmement important qui existe entre les préoccupations des collectivités publiques lorsqu’elles organisent les ressorts de leur compétence et la façon dont le droit européen appréhende ces services ».

Les collectivités locales sont toujours en attente de pistes de clarification, d’autant que le traité de Lisbonne leur reconnaît un rôle accru en matière de protection et de définition des services d’intérêt général.

Je souhaite que vous puissiez saisir l’occasion de ce débat pour dessiner ces solutions que ces collectivités attendent tant. Nous ne pourrons nous satisfaire de réponses dilatoires en la matière.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi présenté aujourd’hui par Roland Ries et à propos de laquelle Mme le rapporteur a fait preuve d’un vrai souci de pédagogie, répond à une simple nécessité : inscrire dans le marbre de la loi la protection de nombre de nos services sociaux qui risquent, à terme, en tombant sous le coup de la directive Bolkestein, d’être démantelés.

Devant transposer en droit interne la très controversée directive Services, le Gouvernement, comme tous les gouvernements européens, avait le choix de la méthode.

Cependant, à l’opposé de presque tous les autres gouvernements qui ont opté pour une loi de transposition générale, procédé le plus clair, donnant à chaque État la meilleure marge d’interprétation par rapport à la directive, le gouvernement français a préféré une transposition sectorielle. Ce point a déjà été souligné, mais il ne me paraît pas inutile de le répéter : le Gouvernement a fait le choix d’une transposition compliquée, quasiment illisible, sans bruit et sans aucune concertation, bien cachée dans le labyrinthe des codes administratifs. Il a fait ainsi sciemment le choix d’exclure, une fois encore, le Parlement de la discussion.

Quand un gouvernement pourtant très enclin à l’inflation législative fait l’économie d’une loi, en particulier sur un sujet aussi délicat et essentiel que celui dont nous discutons, son attitude n’est plus suspecte, mais constitue déjà un aveu !

Sous couvert d’une complexité juridico-administrative, le Gouvernement a décidé de saisir l’opportunité rêvée que lui fournit la transposition de la directive Services pour mieux creuser le sillon de sa politique d’abandon des services sociaux. C’était la meilleure occasion de libéraliser à bon compte, c’est-à-dire sur le dos de l’Europe, en usant une nouvelle fois de l’éternel argument : « ce n’est pas nous, c’est l’Europe » !

Au contraire, les socialistes estiment que la construction européenne, même dans le contexte ultralibéral actuel, même en l’absence totale de programme social, est bien l’occasion d’asseoir notre attachement à des services sociaux de qualité et accessibles à tous.

Faire entrer dans le champ de la concurrence débridée des services sociaux allant de l’accueil de la petite enfance jusqu’à l’aide à domicile pour les personnes âgées, c’est non seulement mettre en péril la qualité des encadrements de ces secteurs intrinsèquement coûteux, mais aussi programmer la sélection des publics bénéficiaires et organiser l’exclusion des familles les plus fragilisées, car chacun sait que nous ne sommes pas tous égaux devant le marché !

Si nous nous dotons des outils adéquats, nous pouvons éviter d’en arriver là, car la directive ne nous impose en rien de sacrifier nos services sociaux ; c’est uniquement une question de volonté politique. Le Parlement européen l’a bien compris en ouvrant la porte à une interprétation la plus large possible des services exclus de la directive. Le Gouvernement persiste donc à suivre une position manifestement différente de celle de la Commission européenne.

Mes chers collègues, en tant qu’élus de terrain, vous savez comme nous que des pans entiers de nos services sociaux sont assurés par le tissu associatif. C’est le cas, par exemple, de 90 % des actions menées dans le secteur du handicap.

Vous savez que sans ce tissu et sans la sécurisation de ses relations avec les collectivités territoriales, des secteurs complets de l’action sociale disparaîtront.

Pourtant, ni les associations ni les collectivités territoriales n’ont été consultées. Selon les axes retenus par le Gouvernement, à l’inverse de plusieurs pays européens, les collectivités locales françaises ne sont même pas reconnues comme mandataires. Elles ne pourront donc pas remplir leur mission et seront assurément les premières victimes de cette transposition. D’ailleurs, l’Association des maires de France, l’AMF, a exprimé officiellement ses craintes à ce sujet.

En précisant l’objet des services sociaux qui seront exclus de la directive Bolkestein, en définissant explicitement la notion de service social d’intérêt général et le droit la concernant, en instaurant une exigence de mandatement pour la gestion des services sociaux sur la base d’une définition exacte de l’acte de mandatement ou en inscrivant dans la loi les principes fondamentaux applicables aux services sociaux d’intérêt général – l’accès universel, la continuité, la protection des utilisateurs –, la présente proposition de loi entend à la fois assurer efficacement la transposition de la directive Services, sécuriser le financement public de ces services et offrir aux Français un arsenal législatif mieux à même d’assurer la pérennité de nos services sociaux.

À l’instar de nos concitoyens, nous pensons que les services sociaux ne sont en aucune façon des services marchands, au service du profit. Ils sont au contraire au service de tous.

Mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, la plupart d’entre vous êtes ou avez été élu local. En tant que tel, vous avez eu la volonté de créer un grand nombre de services concernés par la directive, pour répondre aux attentes de nos concitoyens et pour améliorer leur qualité de vie. Ayant moi-même été maire, il me semble que c’est ce qui fait l’intérêt et la noblesse de ces mandats.

Ne vous laissez pas déposséder : soutenez et votez cette proposition de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, mon propos a pour objet d’illustrer les précédentes interventions.

Nous nous interrogeons sur les éléments qui ont amené le Gouvernement à arbitrer en faveur de l’exclusion de la directive ou de l’inclusion en son sein de certains services.

Le pouvoir exécutif a ainsi choisi de protéger le logement social en renforçant le mandatement de ce secteur.

Toutefois, il utilise la directive Services pour déréguler d’autres marchés tels que l’accueil de la petite enfance, l’aide à domicile ou le soutien scolaire. Il le fait en catimini, en l’absence de toute transparence et de lisibilité, et sans associer le Parlement à cette démarche.

Comment expliquer que les établissements médico-sociaux, notamment ceux qui accueillent des personnes âgées dépendantes ou handicapées, soient exclus de la directive et non les services d’aide à domicile, qui interviennent pourtant auprès de la même population ?

Force est de constater que les choix du Gouvernement d’inclure ou d’exclure certains secteurs relèvent uniquement de ses propres objectifs politiques et n’obéissent pas à une grande cohérence juridique.

Une fois encore, le Gouvernement n’assume ni ses responsabilités ni ses choix. Il profite de la directive, et plus largement de l’Europe qui fait office de bouc émissaire, pour justifier cette dérégulation.

Je me refuse à ce que l’Europe porte une responsabilité qui n’est pas la sienne. Le nivellement et l’harmonisation vers le bas de notre système social ne sont ni inévitables ni souhaités par l’Union européenne.

Contrairement à la France, dont l’interprétation de la directive est restrictive, de nombreux pays européens – je citerai l’Allemagne – ont fait d’autres choix, notamment celui d’exclure du champ de la directive tout le secteur de la petite enfance.

L’accueil de la petite enfance doit-il être considéré comme un service d’intérêt général et d’utilité sociale ou bien s’agit-il d’un service comme un autre, soumis aux lois de la concurrence et du marché intérieur ?

Pour répondre à cette question, sachez que l’article 2.2.j) de la directive prévoit deux critères cumulatifs d’exclusion. Il exige que ces services reçoivent un mandat des pouvoirs publics et que les publics concernés par ces derniers se trouvent de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin.

Vous conviendrez, mes chers collègues, que les enfants de moins de six ans, a fortiori ceux de moins de trois ans, sont incontestablement vulnérables et doivent faire l’objet d’une attention particulière. Il ne fait aucun doute que leur accueil participe à l’éducation et relève donc des missions d’intérêt général. D’ailleurs, nous parlons bien d’accueil des enfants et non de garde !

L’autorisation d’ouverture délivrée par le président du conseil général ne constitue pas à elle seule un mandatement au sens de la directive Services. Cependant, l’ouverture d’une crèche nécessite, certes, une autorisation mais doit aussi respecter – ne l’oublions pas – les critères définis à l’article R. 2324-17 du code de la santé publique. Ce dernier et les circulaires afférentes précisent les missions des établissements d’accueil des jeunes enfants : obligation d’accueillir des enfants de bénéficiaires de minima sociaux ou porteurs de handicap, respect du barème de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, et réglementation de l’encadrement par les professionnels.

Le Gouvernement a donc choisi une interprétation restrictive. Ce choix, qui n’engage que lui, dont il a la seule responsabilité, ne nous étonne pas. Il s’inscrit dans un ensemble de décisions qui tend vers une dégradation des dispositifs existants.

De multiples expériences telles que les jardins d’éveil et les maisons d’assistants maternels ont été mises en place et encouragées dernièrement afin de respecter l’objectif des 200 000 places d’accueil supplémentaires annoncées à grand renfort médiatique ; mais cet objectif peine à être atteint.

Si, sur le fond, l’effort de développement et d’innovation relatif à l’offre d’accueil du jeune enfant est louable, il ne doit pas aller à l’encontre de la qualité de l’accueil. Je pense, notamment, au décret actuellement en cours de rédaction sur ce point précis. L’offre ne doit pas se développer au détriment des besoins fondamentaux des enfants, des attentes légitimes des familles ou des conditions de travail des professionnels.

Ce choix risque d’avoir des conséquences importantes tant sur le fonctionnement que sur le financement des établissements d’accueil des jeunes enfants. On peut se demander, en effet, comment la Commission évaluera les régimes d’autorisation. Remettra-t-elle en cause la réglementation actuelle ?

Enfin, la transposition effectuée par le Gouvernement ne règle pas la question du mandatement par les collectivités territoriales, collectivités qui n’ont pas été consultées, je tiens à le souligner, alors qu’elles mettent en place des dispositifs permettant aux enfants de bénéficier d’un accueil collectif. Leurs associations représentatives ont d’ailleurs exprimé leurs inquiétudes.

La proposition de loi présentée par notre collègue Roland Ries et par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés va donc dans le sens d’une sécurisation des services publics.

Elle marque notre désaccord avec le choix opéré par le Gouvernement et témoigne de notre volonté de travailler avec les collectivités, les associations, les professionnels et les usagers contre le démantèlement de ces services.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Je souhaite en cet instant répondre aux arguments avancés par Mme la secrétaire d’État.

En premier lieu, s’agissant du problème de la transposition de la directive Services, madame la secrétaire d’État, vous faites semblant de ne pas comprendre nos propos. L’enjeu démocratique de la transposition ne portait pas sur l’accord du Parlement lors de telle ou telle modification adoptée à l’occasion de la loi de modernisation de l’économie ou de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; l’enjeu démocratique de la transposition visait l’association du Parlement à l’établissement de la liste des services sociaux exclus du champ d’application de la directive Services. Tout le monde comprend bien pourquoi : seul l’établissement de la liste permet de construire une stratégie globale et une politique de transposition.

Cette liste, le Gouvernement a refusé de la communiquer à l’Assemblée nationale, et le Sénat ne l’a reçue qu’hier alors que nous la demandions depuis plus d’un mois ! Qui sera assez naïf pour croire que cette attitude hésitante ne révèle pas la tentation du Gouvernement d’ignorer les droits du Parlement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Comme je l’ai déjà indiqué, ce n’est pas en ignorant le Parlement ou en suscitant une suspicion légitime sur des négociations obscures que vous redonnerez confiance aux citoyens en l’Europe. Cette observation vaut d’ailleurs pour tous les États membres de l’Union européenne.

En second lieu, madame la secrétaire d’État, vous essayez de nous montrer que le Gouvernement s’efforce d’obtenir une évolution de la réglementation des aides d’État en Europe. Mais vous n’êtes pas convaincante et je ne suis pas sûre, d’ailleurs, que vous soyez convaincue. J’en veux pour preuve un fait incontestable : la réglementation des aides d’État date de 2005, c’est-à-dire de l’adoption du paquet « Monti-Kroes ». Très vite, les associations et les élus locaux ont vu et démontré que la réglementation était inadaptée, ce que le Gouvernement lui-même ne conteste pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Or que s’est-il passé en 2008 ? Au deuxième semestre, la France a présidé l’Union européenne ; mais qu’a-t-elle fait pour modifier la réglementation des aides d’État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Elle n’a proposé aucun texte, engagé aucune négociation, ni même, à ma connaissance, émis la moindre déclaration sur le sujet.

Que le Gouvernement proteste contre la réglementation des aides d’État dans les rapports qu’il envoie à la Commission européenne, je veux bien le croire. Chacun comprend bien qu’il cherche ainsi à nous faire admettre qu’il juge la question prioritaire. Or s’il s’agissait vraiment pour lui d’une priorité, il ne se contenterait pas de rapports. C’est précisément cette attitude que nous dénonçons : le manque de volonté, d’énergie, de détermination du Gouvernement dans la promotion des services sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, vous avez utilisé un second argument. Vous nous avez dit que le Gouvernement avait signalé le problème à la Commission européenne, mais que cette dernière n’avait pas répondu et faisait la sourde oreille. Soit ! Je vous propose de vous prendre au mot. Vous n’arrivez pas à vous faire entendre de la Commission européenne ? Nous allons vous y aider !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Dans les prochaines semaines, je soumettrai au Sénat, en accord avec la commission des affaires sociales, une proposition de résolution européenne tendant à la révision de la réglementation des aides d’État. Je ne doute pas, après avoir entendu l’ensemble des orateurs précédents, qui ont souligné leur attachement aux services sociaux, que cette résolution sera adoptée à l’unanimité, avec l’avis favorable du Gouvernement !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

Je m’amuse de constater à quel point vous jetez la suspicion sur l’action gouvernementale et, surtout, sur l’engagement du Gouvernement à aller dans le bon sens.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

La contestation peut être amusante, mais, lorsqu’elle est systématique, elle devient risible ! Jeter la suspicion sur l’activité gouvernementale me paraît totalement déplacé.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

À ce stade, il ne s’agit même plus de suspicion : les faits sont là !

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

Vous dénoncez un manque de transparence du Gouvernement. Mais, je vous le rappelle, la mission interministérielle a auditionné sur ce sujet tous les acteurs, dont les parlementaires !

Quant au passage en revue de l’ensemble de la législation française, convenez qu’il s’agit d’un travail purement administratif et que, sur ce point, l’administration est la mieux placée pour le réaliser.

S’agissant toujours de la transparence, vous savez très bien que la France a rendu public son rapport trois semaines après la fin du délai de transposition, alors qu’aucun autre État membre n’a été aussi rapide. Je peux vous rassurer, madame le rapporteur, vos collègues de l’Assemblée nationale ont bien reçu les fiches IPM…

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

Vous les avez reçues, madame, et les députés aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Hier seulement ! C’était bien trop tard pour nos collègues députés !

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

Quoi qu’il en soit, ne voyez aucune obsession du secret dans cette démarche, puisqu’il s’agit d’un travail purement administratif !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Heureusement qu’il n’y avait pas de secret !

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

Bien sûr que non !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Les services sociaux, tels que définis au 2. de l’article 2 ainsi que les services sociaux, assurés par l’État ou les collectivités territoriales, par des prestataires mandatés par l’État ou par les collectivités territoriales au sens des articles 3 et 4, et par des associations caritatives, reconnues comme telles par l’État conformément à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, qui sont relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et tout autre service social destiné aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin, ne relèvent pas du champ d’application de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) conformément à ses articles 2.2. a) et 2.2. j). Ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de la solidarité nationale.

La directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) n’affecte pas les critères ou conditions fixés par la République française pour assurer que ces services sociaux exercent effectivement une fonction au bénéfice de l’intérêt public de la France et de sa cohésion sociale.

Les services sociaux exclus du champ d’application de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) conformément à ses articles 2.2. a) et 2.2. j) sont définis à l’annexe I.

Les régimes d’autorisation liés aux services sociaux considérés comme étant « d’intérêt économique général », qui ne sont pas exclus au titre de l’article 2.2. j) de la directive, dérogent néanmoins aux règles relatives aux régimes d’autorisation dès lors qu’une mission d’intérêt général leur est impartie. En effet, les services sociaux relevant du 1 de l’article 2 et ne relevant pas du présent article bénéficient des dispositions prévues à l’article 14.4 de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE), à savoir que les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 14 de la dite directive ne s’appliquent à la législation dans le domaine des services d’intérêt économique général que dans la mesure où l’application de ces paragraphes ne fait pas échec à « l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été confiée », conformément aux dispositions d’application générale de l’article 14 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ainsi que des dispositions du 2. de l’article 106 dudit traité.

Les services sociaux considérés comme étant « d’intérêt économique général », qui ne sont pas exclus au titre de l’article 2.2. j) de la directive, ne sont pas soumis aux règles relatives à la libre prestation de services. En effet, les services sociaux relevant du 1 de l’article 2 et ne relevant pas du présent article sont exclus du champ d’application des dispositions de la directive en matière de libre prestation de services établies à son article 16 conformément aux dispositions établies à son article 17.1 qui précisent que l’article 16 ne s’applique pas « aux services d’intérêt économique général qui sont fournis dans un autre État membre ».

(Liste indicative)

a) au titre de l’article 2.2. a) de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) : les services sociaux relevant du 2. de l’article 2 de la présente loi, notamment ceux listés à titre indicatif à l’annexe III

b ) au titre de l’article 2.2.j) de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) : tout service social assuré par l’État ou les collectivités territoriales, par des prestataires mandatés par l’État ou par les collectivités territoriales au sens des articles 3 et 4 de la présente loi ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État, relatif au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et tout autre service social destiné aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin. Ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité nationale. La directive n’affecte pas les critères ou conditions fixés par la République française pour assurer que les services sociaux exercent effectivement une fonction au bénéfice de l’intérêt public de la France et de sa cohésion sociale. Il s’agit des services sociaux relatifs :

▪ au logement social :

assurés par les organismes d’habitation à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte immobilières mandatés par l’État (L. 411 et suivants du code de la construction et de l’habitation) conformément à l’article 3 de la présente loi ;

assurés par des associations mandatées par l’État en charge d’activités de maîtrise d’ouvrage, en charge d’ingénierie sociale financière et technique, en charge d’activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociales (loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion : articles L. 365-2, L. 365-3 et L. 365-4) conformément à l’article 3 de la présente loi ;

▪ à l’aide à l’enfance, notamment :

- les services sociaux pour les enfants et adolescents assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services assurant l’habilitation des organismes intermédiaires en vue d’adoption d’enfants assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services assurés par les organismes auxquels l’autorité judiciaire confie des mineurs qui sont mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de crèches et garderies d’enfants assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de foyers de jour pour enfants et adolescents handicapés assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services d’éducation, de soutien scolaire et de formation pour la jeunesse assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services d’animation pour enfants, y compris éducative, sportive et culturelle, assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de bibliothèque et de médiathèque pour enfants et adolescents assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

▪ à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées, notamment :

- les services assurés par des organismes de formation mandatés par conseils régionaux relevant des services publics régionaux de la formation professionnelle à destination des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ; loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales ; loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ; loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi ; loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie), notamment les services qui concourent à mettre en place les processus de formation pour des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles ; les actions préventives (actions de préformation ou de préparation à la vie professionnelle : actions qui permettent à toute personne sans qualification professionnelle et sans contrat de travail d’atteindre le niveau nécessaire pour suivre un stage de formation professionnelle ou pour entrer directement dans la vie professionnelle. les actions de prévention destinées aux travailleurs dont l’emploi est menacé du fait d’une qualification inadaptée à l’évolution des techniques et des structures des entreprises) ; les actions permettant d’identifier le besoin individuel de formation, l’orientation et les bilans de compétences, les actions de validation des acquis de l’expérience ; les services de formation continue, de qualification et d’éducation permanente pour des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles (les actions de conversion, les actions d’acquisition, d’entretien ou de perfectionnement des connaissances, les actions de lutte contre l’illettrisme et l’apprentissage de la langue française, les actions d’accompagnement, d’information et de conseils dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises agricoles, artisanales, commerciales ou libérales n’exerçant pas une activité ; les actions de formation professionnelle et d’insertion relevant de la compétence des départements dans le cadre des programmes départementaux d’insertion prévus par l’article L. 263-1 du code de l’action sociale et des familles qui sont exécutés par des organismes de formation mandatés par l’État ou les collectivités territoriales.

- les services assurés par les maisons de l’emploi, notamment dans le cadre des programmes locaux d’insertion par l’emploi, assurés par des organismes mandatés par l’État et les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services relevant de l’insertion par l’activité économique assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales (article L. 322-4-16 du code du travail et loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions) conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services relevant du service public de l’hébergement et de l’accès au logement assurés par des associations et organismes mandatés par l’État (article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ; loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; article 124 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires) conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services assurés en matière d’actions expérimentales de caractère médical et social, type SAMU social de Paris, ou « lits halte soins santé » par des organisations mandatées par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de recueil des demandes d’instruction et de versement du RSA assurés par des organismes mandatés par l’État conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de domiciliation des personnes sans domicile stable pour prétendre au service des prestations sociales assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services assurés par des organismes d’accueil communautaires et d’activités solidaires, à l’image des communautés d’Emmaüs, mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services assurés par les assistants maternels et des assistants familiaux mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de protection des majeurs et des familles assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services d’accompagnement social personnalisé assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services assurés par les personnes physiques ou morales en matière de « vacances adaptées organisées » mandatées par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services d’action sociale avec hébergement assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services sociaux pour les personnes âgées assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services sociaux pour les personnes handicapées assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de foyers de jour assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de livraison de provisions à domicile pour les personnes âgées isolées et à mobilité réduite assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services d’orientation et de conseil professionnel assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de conseil professionnel assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de planning familial assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de réhabilitation sociale assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de réhabilitation professionnelle assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services sociaux assurés par les programmes d’action communale assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services médico-sociaux assurés par les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), et notamment les ESSMS privés d’intérêt collectif, mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de formation spécialisée en direction des personnes dans le besoin assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services de conseil en matière d’égalité des chances assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services bancaires de base relevant de l’accès universel (droit au compte) assurés par des établissements de crédit mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services d’aide et d’accompagnement à domicile qui sont assurés par des organismes ou des personnes physiques mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;

- les services d’accueil familial de personnes âgées et adultes handicapés assurés par des personnes physiques mandatées par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

« Il n’est point besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer », disait Guillaume d’Orange ! Nous allons enfin examiner les différents articles de cette proposition de loi – il n’y en a que cinq –, et peut-être parviendrons-nous à convaincre certains de nos collègues de la nécessité d’adopter le présent texte.

L’article 1er a pour objet de préciser dans la loi la liste des services sociaux qui sont exclus de la directive Services, conformément à son article 2.2.j), à savoir les services sociaux relatifs « au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et tout autre service social destiné aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin ». L’article utilise donc les dérogations contenues dans l’article 15.4 de la directive sur la préservation « de la mission particulière » des services d’intérêt économique général.

Dans le cadre de cette transposition, il appartient aux États membres de faire usage de ces dérogations, comme cela a été rappelé. Or tel n’est pas le cas en France, le Gouvernement ayant choisi une interprétation extrêmement restrictive de ces dérogations ; il a ainsi explicitement fait le choix de faire entrer dans le domaine marchand – par conséquent de livrer à la concurrence – des services aussi fondamentaux pour notre cohésion sociale que les services d’aide à domicile, le soutien scolaire ou encore l’accueil collectif de la petite enfance !

La logique inhérente à cette approche est claire : favoriser le développement d’une offre privée destinée aux plus aisés de nos concitoyens, le service public ne s’adressant alors qu’aux plus démunis. On passera, à terme, à un marché à deux vitesses, du service public au service à un public, celui des plus pauvres. C’est tout simplement un changement de paradigme qui s’amorce ici, un véritable changement de modèle : le passage des services publics à la française, au service public à l’anglo-saxonne. Nous ne pouvons accepter une telle vision du service public, en totale contradiction avec l’histoire de notre pays.

À cette politique idéologiquement orientée du Gouvernement, nous opposons une politique de protection et de préservation des missions d’intérêt général des services sociaux. Aussi, l’article 1er de la proposition de loi adopte-t-il l’interprétation la plus large possible des dérogations permises par la directive Services, tout en demeurant conforme au droit communautaire, je le répète. De plus, nous le faisons en toute transparence, dans le respect des prérogatives du Parlement, prérogatives que le Gouvernement semble avoir ignorées en la circonstance.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Permettez-moi de profiter de la discussion de l’article 1er pour me pencher avec attention sur la fameuse liste d’autorisations que le Gouvernement a bien voulu nous transmettre au dernier moment, c’est-à-dire hier, alors qu’il avait refusé de la communiquer aux députés.

Prenons un exemple qui illustre parfaitement ce que nous dénonçons par le biais de la présente proposition de loi, c’est-à-dire la passivité et le manque de volontarisme du Gouvernement pour promouvoir les services sociaux en France et en Europe.

L’article 15 de la directive Services prévoit que chaque État membre doit communiquer à la Commission européenne la liste des services pour lesquels il juge opportun de maintenir une autorisation préalable. Pour être légaux, les critères de l’autorisation doivent être conformes à un certain nombre d’exigences de la directive, comme la nécessité ou la proportionnalité.

Or le quatrième paragraphe de l’article 15 précise que les exigences de la directive ne s’appliquent que dans la mesure où elles ne font pas obstacle à la réalisation d’un service d’intérêt économique général. C’est bien pourquoi sur toutes les fiches que nous a communiquées le Gouvernement et qui concernent l’article 15 figure une case réservée à la question suivante : « l’exigence d’autorisation est-elle nécessaire à l’accomplissement d’une mission particulière confiée à un service d’intérêt économique général ? »

Et sur la fiche réservée à toutes les activités de service à la personne, que trouve-t-on comme réponse à cette question ? « Non », tout simplement « non » ! Selon le Gouvernement, le régime d’autorisation des services à la personne n’est pas lié à un service d’intérêt économique général. Tel est le cœur du problème.

Bien sûr, formellement parlant, le régime d’autorisation des services à la personne ne crée pas un service d’intérêt économique général. Mais en prenant une telle position à l’égard de la Commission européenne, le Gouvernement met la France en grande difficulté, pour ne pas dire qu’il renonce par avance à faire admettre à l’avenir à la Commission européenne que les services à la personne sont des services d’intérêt économique général. Vous hypothéquez l’avenir !

Maintenant que le Gouvernement a fait ce choix dans le dos du Parlement, comment pourrons-nous, demain, défendre sérieusement devant la Commission européenne l’idée que les services à la personne sont des services d’intérêt général ? Nous serons obligés de contredire une prise de position antérieure de la France ; nous ne serons plus crédibles ; nous donnerons le sentiment de faire volte-face ! Tel est, madame la secrétaire d’État, notre différend profond avec le Gouvernement.

En droit, votre position est irréprochable, elle évite le contentieux avec la Commission. Mais, politiquement, elle n’est pas acceptable : au moment même où nous essayons de mettre en place la couverture de la dépendance – le « cinquième risque » –, au moment même où nombre de personnes âgées sont de plus en plus fragiles et seules, vous envoyez à la Commission européenne un document, que je tiens à la disposition de tous nos collègues et qui indique explicitement que les services à la personne ne sont pas des services d’intérêt économique général.

Au lieu de saisir l’occasion de la transposition de cette directive pour affirmer des positions fortes de la France à l’égard du secteur social, le Gouvernement s’est contenté de procéder à une transposition sans ambition et sans vision, une transposition scolaire. C’est une faute politique que nous aurons beaucoup de mal à réparer au niveau européen !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

Madame le rapporteur, je souhaite juste vous rappeler que la plupart des régimes d’autorisation sont conformes aux règles européennes. Il n’y a donc pas de raison de les justifier spécifiquement.

Par ailleurs, je me range à votre avis pour considérer que la valeur normative de l’article 1er n’est pas assurée, comme j’avais déjà eu l’occasion de le faire valoir devant l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix l’article 1er et l’annexe I.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 164 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Est définie comme service social, toute activité à laquelle des missions d’intérêt général sont imparties à des fins de protection sociale, de cohésion sociale, de solidarité nationale et de mise en œuvre des droits fondamentaux. Les services sociaux peuvent être considérés compte tenu de leur mode d’organisation et de financement :

1) soit comme des services ou des activités de nature économique au sens du traité et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne car fournis contre rémunération, y compris quand le payeur du service n’est pas l’utilisateur direct (tiers payant). Ils relèvent des dispositions protectrices du bon accomplissement de leurs missions particulières telles que définies à l’article 14 et au 2. de l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’article premier du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général des traités de l’Union européenne et sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Ces services sociaux, relevant des dispositions de l’article 14 et du 2. de l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’article premier du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général et de l’article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sont définis à l’annexe II de la présente loi.

2) soit comme assurant une « fonction à caractère exclusivement social» au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Ils ne relèvent pas des règles applicables aux activités de nature économique et aux services du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Ces services sociaux ne sont pas fournis contre rémunération mais à titre gratuit, sans aucune contrepartie économique conformément aux principes d’accès universel, de solidarité nationale et de péréquation tarifaire ou sur la base d’une contribution ne relevant pas d’une rémunération car définie par l’autorité publique indépendamment des coûts réels de sa fourniture. Ils sont assurés par des entités sans but lucratif à gestion désintéressée ne maîtrisant pas le niveau des recettes défini par l’autorité publique, entités créées spécifiquement pour accomplir ces missions particulières à finalité exclusivement sociale ou en l’absence d’offre concurrente à but lucratif structurée et pérenne qui soit à même d’en assurer durablement la fourniture aux conditions fixées par l’autorité publique conformément aux principes définis à l’article 5.

Ces services sociaux non-économiques relevant d’une fonction à caractère exclusivement social et des dispositions de l’article 2 du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général, sont définis à l’annexe III.

Tout service social fourni en contrepartie d’une rémunération, y compris en tiers payant, par des entités mandatées par l’État ou par les collectivités territoriales conformément aux articles 3 et 4 de la présente loi, notamment :

- les services relatifs au logement social assurés par les organismes d’habitation à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte immobilières mandatés par l’État (articles L. 411 et suivants du code de la construction et de l’habitation) ;

- les services sociaux assurés par les maisons de l’emploi, notamment dans le cadre des programmes locaux d’insertion par l’emploi, assurés par leur structure porteuse mandatée par l’État et les collectivités territoriales ;

- les services bancaires de base relevant de l’accès universel (droit au compte) assurés en direction des utilisateurs exclus bancaires par des établissements de crédit mandatés par l’État ;

- les services assurés par des organismes de formation mandatés par les conseils régionaux dans le cadre de la mise en œuvre du service public régional de la formation professionnelle des salariés, des demandeurs d’emploi et autres personnes éloignées du marché du travail (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ; loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ; loi n° 2008-128 du 13 février 2008 relative à l’organisation du service public de l’emploi ; loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie) qui concernent aussi bien les salariés que les demandeurs d’emploi au nom de « l’obligation nationale » que constitue la formation professionnelle tout au long de la vie (article 2 de la loi n° 2004-391 précitée) ;

- les services d’action sociale et médico-sociale assurés par des établissements sociaux et médico-sociaux mandatés par l’État ou les collectivités territoriales à destination de publics fragiles (loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 codifiée dans le code de l’action sociale et des familles aux articles L. 313-1 à L. 313-9 et R. 313-1 à R. 313-10 fixant la procédure d’autorisation de création du service ou de l’établissement) ;

- les services assurés par des établissements et services de protection judiciaire de la jeunesse mandatés par l’État (autorisation loi n° 2002, décret n° 2003-180 du 5 mars 2003 modifiant le décret n° 88-949 du 6 octobre 1988 relatif à l’habilitation des personnes physiques, établissements, services ou organismes publics ou privés auxquels l’autorité judiciaire confie habituellement des mineurs) ;

- les services assurés par les foyers de jeunes travailleurs mandatés par l’État et les collectivités territoriales dans le cadre des activités de logement, de restauration et actions socio-éducative des foyers de jeunes travailleurs (circulaire DGAS 96-753 du 17 décembre 1996) ;

- les services de garderie scolaire et périscolaire assurés par les entités mandatées par l’État ou les collectivités territoriales ;

- les services assurés par les centres de loisirs et centres de vacances mandatés par l’État ou les collectivités territoriales ;

- les services de foyers de jour assurés par des entités mandatées par l’État ou les collectivités territoriales ;

- les services de crèches et garderies d’enfants assurés par des établissements des services d’accueil des enfants de moins de 6 ans mandatés par l’État ou les collectivités territoriales (décret n° 2007-203 du 20 février 2007; article L. 2324-1 du code de la santé publique ; articles R. 2324-18 et suivants) ;

- les services assurés par les centres sociaux mandatés par l’État ou les collectivités territoriales (circulaire n° 56 de la CNAF définissant une mission de relais de la politique de l’action sociale familiale et une fonction d’animation globale et de coordination) ;

- les services assurés dans le cadre de séjours de vacances pour adultes handicapés assurés par des entités mandatées par l’État ou les collectivités territoriales (article 48 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; décret n° 2005-1759, du 29 décembre 2005 relatif à l’agrément « vacances adaptées organisées ») ;

- les services aux personnes à destination de publics fragiles assurés par des entités mandatées par l’État ou les collectivités territoriales (secteurs PA, PH, enfance, famille : loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 codifiée dans le code de l’action sociale et des familles aux articles L. 313-1 à L. 313-9 et R. 313-1 à R. 313-10 et agrément qualité (loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) ;

- les services assurés par les entreprises adaptées et centres de distribution de travail à domicile mandatés par l’État ou les collectivités territoriales ;

- les services assurés par les associations intermédiaires, les entreprises d’insertion et les entreprises de travail temporaire d’insertion (articles L. 322-4-16 et suivants du code du travail ; loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions et ses décrets n° 99-109, n° 99-107 et n° 99-108 du 18 février 1999) ;

- les services de type maîtrise d’ouvrage, ingénierie sociale financière et technique et activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociales assurés par des associations (loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion : articles L. 365-2 ; L. 365-3 et L. 365-4).

Tout service social relevant d’activités développées par des associations ou organismes sans but lucratif :

- fourni à titre gratuit sans contrepartie économique ou en contrepartie d’une contribution fixée indépendamment des coûts réels de leur fourniture, et/ou ;

- fourni en l’absence d’offre concurrente à but lucratif structurée et pérenne dans les territoires de vie où s’exprime la demande des utilisateurs, respectueuse des principes établis à l’article 5 de la présente loi,

notamment :

· les services sociaux relevant des régimes obligatoires de protection sociale ;

· les services sociaux relevant des régimes obligatoires d’éducation (loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de progamme pour l’avenir de l’école et circulaire 91-248 du 11 septembre 1991 relative aux missions et au fonctionnement du service social de l’Éducation nationale) ;

· les services sociaux relatifs aux activités sportives non lucratives pratiquées à titre amateur ;

· les services assurés par les ateliers et chantiers d’insertion (articles L. 322-4-16 et suivants du code du travail ; loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 ; circulaire DGEFP n° 2005/41 du 28 novembre 2005 relative aux ateliers et chantiers d’insertion (I, 1, b)) ;

· les services relevant du service public de l’hébergement (articles L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ; loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; article 124 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires) ;

· les services sociaux de distribution de nourriture gratuite et de banque alimentaire (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie) ;

· les activités tribuniciennes des associations ;

· les services socio-judiciaires (mesures alternatives aux poursuites (MAP), enquêtes sociales rapides, composition pénale, enquête de personnalité (EP), contrôle judiciaire socio-éducatif (CJSE), réparation pénale des mineurs (RPM), placement extérieur et aménagement de peine, aide aux victimes, accès aux droits ;

· les services relatifs aux activités de secourisme (agrément national du ministère de l’intérieur et local des préfets départementaux (arrêtés du 8 juillet 1992 et du 24 mai 2000, circulaire du 15 novembre 2002, relatifs aux formations aux premiers secours).

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Cet article définit précisément et conformément au droit communautaire les objectifs pouvant être confiés aux services sociaux, à savoir la protection sociale, la cohésion sociale, la solidarité nationale et les droits fondamentaux : rien de moins que le cœur de notre modèle social à la française.

En outre, non seulement il précise le droit applicable en matière de services sociaux dits « économiques » et de services sociaux non-économiques, mais il le fait en conformité avec les traités et la jurisprudence européenne, en utilisant toutes les protections offertes par le traité de Lisbonne, le protocole n° 26 sur les services d’intérêt général et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

En définissant clairement quels services sociaux peuvent être considérés d’intérêt général, cet article organise, en quelque sorte, leur sécurisation juridique au regard du droit communautaire.

Une fois encore, nous tenons à affirmer que la transposition des directives relève indiscutablement de la responsabilité du législateur national. L’Europe se construit non pas seulement dans les couloirs et les salles de réunion de Bruxelles, mais aussi dans les parlements nationaux, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une directive touchant à l’essence même de notre modèle social. Oublier le Parlement serait un déni de démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix l'article 2 et les annexes II et III.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 165 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Les dispositions de l’article 2 s’appliquent à toute entité chargée par une autorité publique ou par une entité mandatée à cet effet par une autorité publique nationale, régionale ou locale, de la gestion de services sociaux ainsi définis, au moyen d’un acte officiel de mandatement chargé de fournir le service social concerné conformément aux obligations spécifiques découlant de la mission particulière qui lui est impartie.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Cet article traite de la question essentielle du mandatement.

Je reconnais que cette notion juridique européenne, étrangère à notre droit national, n’est pas aisée à appréhender au premier abord. Elle constitue pourtant l’une des conditions d’exclusion de la directive Services. Dans ce cadre, le mandatement définit l’obligation de prester imposée à un délégataire d’un service d’intérêt général.

Cette notion est également présente dans le contrôle des compensations de service d’intérêt général, déterminé par le paquet « Monti-Kroes » et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle conditionne la possibilité de déroger aux règles de la concurrence, notamment à l’interdiction des aides d’État. Dans ce cadre, le mandatement correspond à un acte officiel, précisant le contenu, la nature, la durée, la rémunération du service, notamment.

Je laisse aux juristes le soin de tergiverser sur la portée, sur les différences de définition selon la langue employée, ou encore sur les objectifs de cette notion. Ce qui est en jeu, c’est l’existence même de certains de nos services sociaux. Grâce au mandatement, ces derniers pourront être exclus de la directive Services. Ainsi, l’aide publique, indispensable à leur fonctionnement et à leur pérennité, sera sécurisée, et tel est bien l’objectif recherché.

Il nous paraît donc impératif de définir en droit national l’exigence de mandatement en matière de gestion des services sociaux. C’est ce que nous proposons à l’article 3 de la présente proposition de loi.

L'article 3 n’est pas adopté.

L’acte officiel de mandatement précise la nature de la mission particulière impartie au service social, la nature et la durée des obligations spécifiques qui en découlent, le territoire concerné, les droits spéciaux ou exclusifs éventuellement octroyés nécessaires à l’accomplissement de la mission impartie et à l’imposition effective des obligations spécifiques et au respect des principes définis à l’article 5, la nature et les paramètres de calcul de la juste compensation [Au sens de la décision d’application directe en droit interne relative à l’application de l’article 106 § 2 TFUE (ex. article 86 § 2 du Traité CE) aux aides d’État sous la forme de compensations de service public accordées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général, COM 2005 267 du 28 novembre 2005, JOUE L312 du 29 novembre 2005 et de la circulaire de la direction générale des collectivités locales du ministère de l’intérieur du 4 juillet 2008 sur la mise en œuvre en France de cette décision communautaire.] octroyée à l’entité chargée de la gestion du service social concerné ainsi que les moyens d’éviter d’éventuelles surcompensations.

Est considéré comme acte officiel de mandatement tout acte opposable de nature législative, règlementaire, contractuelle ou internationale, obligeant l’entité à fournir les services sociaux conformément aux obligations spécifiques découlant de la mission particulière impartie, qui est établi par l’État, par les collectivités territoriales (régions, départements, communes, établissements publics de coopération intercommunales) ou par toute entité mandatée à cet effet par une autorité publique y compris une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne.

Les actes relatifs aux contrats de marché public établis pour les services sociaux conformément à la procédure allégée de l’article 30 du code des marchés publics découlant des dispositions de l’article 21 et de l’annexe II B catégorie 25 de la directive 2004/18/CE, aux contrats de délégations de service public, à l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs, aux conventions y compris aux conventions de subvention, sont constitutifs d’actes officiels de mandatement dès lors qu’ils sont conformes à l’alinéa 1 du présent article.

Conformément aux principes généraux du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination en fonction de la nationalité, ces actes, quelle que soit leur nature, font l’objet d’un avis de publicité préalable adéquate.

Il est créé une convention de subvention spécifique à la gestion des services sociaux relevant du 1 de l’article 2, dite « convention de partenariat d’intérêt général » afin de sécuriser le mode de contractualisation entre les autorités publiques et les associations relevant de la loi 1901 auxquelles il est reconnu un droit d’initiative fondé sur un projet associatif s’inscrivant dans le cadre de la mission particulière impartie à ces services. Un décret en établit le contenu conformément aux dispositions du présent article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

La définition de la notion de mandatement a un impact direct et concret sur la sécurité juridique des services publics concernés, comme sur le rôle des autorités publiques chargées de les organiser.

Voilà pourquoi, loin d’être un simple ajustement technique, le contenu d’une telle définition est éminemment politique. Pour bien mesurer sa portée et mieux expliciter cette notion, nous avons souhaité le préciser dans cet article.

L'article 4 n’est pas adopté.

Les services sociaux auxquels des missions d’intérêt général sont imparties à des fins de protection sociale, de cohésion sociale, de solidarité nationale et de mise en œuvre des droits fondamentaux sont fournis conformément aux principes communs d’accès universel, d’accessibilité tarifaire, de continuité, de qualité et de protection des utilisateurs tels que définis à l’article premier du Protocole n° 26 sur les services d’intérêt général des traités de l’Union européenne et sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Cet article vise à inscrire dans la loi les principes définis dans le nouveau protocole sur les services d’intérêt général du traité de Lisbonne, à savoir l’accès universel, l’accessibilité tarifaire, la continuité, la qualité, et la protection des utilisateurs.

Contrairement à ce que le Gouvernement pourrait nous faire croire, rien n’empêche de reprendre ces principes en droit français afin de leur donner toute leur effectivité. Dans un espace européen de plus en plus intégré, la sécurisation de notre modèle social en général et de nos services sociaux en particulier passe nécessairement par leur mise en conformité avec le droit communautaire.

Le traité de Lisbonne nous procure de nouveaux outils en la matière et constitue une avancée. Alors, pourquoi ne pas l’utiliser ? Là encore, ne pas saisir les opportunités ainsi offertes pour protéger nos services sociaux relève d’un choix politique. C’est assurément le choix du Gouvernement, ce n’est pas celui du groupe socialiste !

L'article 5 n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Chacun des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

Mes chers collègues, il me semble important pour le bon fonctionnement du Sénat et pour la qualité de nos débats que les présidents de groupe s’assurent d’une présence suffisante en séance publique des membres de leur groupe afin que les votes aient lieu dans des conditions décentes, sans nous obliger à recourir à certains expédients, et que les discussions puissent s’achever dans des délais raisonnables et dans le respect de la prévisibilité chère au président Gérard Larcher.

C’est un point que nous aurons d'ailleurs l’occasion d’évoquer avec lui, et je profite de la présence du président de la commission des lois pour le souligner.

Je tenais à formuler cette remarque

Mme Janine Rozier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

J’informe le Sénat que le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (344, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, présentée par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 168, rapport n° 334).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur, avec le groupe socialiste, de soumettre aujourd’hui à la discussion et à votre vote, que j’espère positif, répond à une seule question, comme l’a très bien dit le président de commission des lois : les couples pacsés peuvent-t-ils adopter comme le font les couples mariés ?

Je ne vais pas revenir sur les conditions de l’adoption par les couples mariés, tout le monde les connaît. La proposition de loi assimile tout simplement l’adoption par les couples pacsés à l’adoption par les couples mariés.

Pourquoi poser cette question aujourd’hui ?

Tout d’abord, à cause de l’évolution considérable du pacte civil de solidarité, le PACS, depuis dix ans.

En effet, cette forme d’union ouverte à tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, qui ne se substitue pas au mariage et qui n’a d’ailleurs pas empêché les mariages de continuer à exister, s’est installé tranquillement dans le paysage matrimonial français. Entre 2001 et 2008, années où les chiffres peuvent être connus, le nombre de PACS s’est envolé puisque, de 20 000, il est passé à 150 000, et qu’au surplus, en 2008, 94 % des PACS ont été conclus par des couples hétérosexuels. Cela est d’ailleurs tout à fait logique, compte tenu de la proportion des couples homosexuels dans l’ensemble de la société.

En même temps, le mariage reste la forme d’union majoritaire chez les Français puisque, en 2008, pour 273 000 mariages, il y a eu 146 000 PACS. Mais on sait aujourd’hui que la majorité des couples vivent non pas mariés mais pacsés ou en union libre sans que l’on puisse évidemment quantifier leur nombre. D’ailleurs, la majorité des enfants qui naissent chaque année sont issus de couples non mariés, qui ne sont que rarement pacsés, qui sont des couples sans statut, ce qui peut poser des problèmes par la suite.

Dès lors, le fait de permettre aux couples pacsés d’adopter comme les couples mariés tient, certes, à cette évolution du PACS, mais aussi à la nécessité de mettre fin à une inégalité, qui peut être vécue comme une discrimination faisant peser sur les couples pacsés une espèce de faute, comme s’ils n’avaient pas toutes les capacités pour accueillir en leur sein un enfant adopté. Or il faut remarquer qu’on ne dénie pas aux couples pacsés, notamment hétérosexuels, le droit d’avoir des enfants biologiques, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… et c’est fort heureux. Cette adoption, bien entendu, comme c’est le cas pour toutes les adoptions, ne peut se faire que dans l’intérêt de l’enfant.

Monsieur le secrétaire d’État, à cet égard, vous me permettrez une digression dont vous ferez part à votre collègue chargé des affaires étrangères : un certain nombre d’entre nous ont reçu de très nombreux courriers électroniques concernant des enfants haïtiens et il semblerait que, en l’occurrence, l’intérêt de l’enfant, malgré l’action de notre ambassadeur en poste, n’ait pas été toujours été respecté.

La procédure applicable à l’adoption par les couples pacsés sera celle qui vaut pour l’adoption par les couples mariés. Il faut insister sur ce point, méconnu de l’opinion publique : l’adoption est un acte judiciaire prononcé par le tribunal, en général la première chambre du tribunal de grande instance ; le juge peut décider, en se référant au seul intérêt de l’enfant, de permettre à un couple d’adopter, selon les documents dont il dispose, notamment les enquêtes sociales qui sont diligentées par le conseil général mais qui n’autorisent pas l’adoption, même s’il faut auparavant une autorisation délivrée par le président du conseil général ou par la Mission d’adoption internationale pour les adoptions à l’étranger.

Je note d’ailleurs que l’intérêt de l’enfant est une notion qui est prise en compte pour les couples concubins puisque ceux-ci peuvent avoir des enfants par le biais de la PMA, la procréation médicalement assistée.

J’entends bien les critiques et les observations, selon lesquelles le PACS offrirait moins de garanties en termes de stabilité du couple que le mariage et, tout le monde est d’accord sur ce point, l’intérêt de l’enfant, indépendamment de la nature du couple ou de sa propre provenance – naturelle, par adoption, par procréation médicalement assistée –, est qu’il soit accueilli au sein d’un couple uni et stable, au sein d’une famille dans laquelle celui-ci pourra autant que possible vivre jusqu’à l’âge adulte.

Bien entendu, on ne peut jurer de rien… Mais les chiffres obtenus dans la durée, au cours des dix années d’existence du PACS, démontrent que ce dernier n’est pas incompatible avec la stabilité exigée par la venue d’un enfant et que sa souplesse ne l’a pas rendu plus fragile que le mariage. Ainsi, le taux de rupture des PACS conclus entre des hétérosexuels au bout de dix ans est très proche du taux de divorce après sept ans de mariage. Il atteint 18, 9 % pour les pacsés et 18, 2 % pour les personnes mariées.

En outre, s’agissant de l’adoption par des célibataires, qui sont d’ailleurs souvent de faux célibataires – je ne ferai pas de digression sur ce point, mais j’y reviendrai dans un instant, à l’occasion d’un rapide examen de la jurisprudence –, l’intérêt de l’enfant est apprécié par les tribunaux. Il peut être de l’intérêt de l’enfant d’être confié à une seule personne, et non à un couple, quel que soit, d’ailleurs, le statut de ce couple.

Donc, à la première question que j’ai posée tout à l’heure – faut-il permettre aujourd’hui aux couples pacsés d’adopter, comme peuvent le faire les couples mariés ? –, je réponds positivement. Oui, parce que le nombre de PACS est élevé ; oui, parce que les couples pacsés ont un engagement formalisé ; oui, parce que le taux de rupture du PACS n’est pas supérieur au taux de rupture du mariage, et que les couples pacsés offriraient aux enfants la même sécurité que les couples mariés. Ne pas le permettre constituerait une vraie discrimination, alors même que, comme je le disais à l’instant, les célibataires peuvent adopter.

La deuxième question qui se pose et que vous vous posez certainement, mes chers collègues, notamment vous, mesdames et messieurs les membres de la majorité, et singulièrement vous, mesdames, puisque ce sont surtout des femmes qui siègent actuellement sur les travées de l’UMP, est celle de savoir si les couples pacsés homosexuels peuvent adopter.

Voilà la grande interrogation ! On sait effectivement que le PACS ne fait aucune différence selon que les partenaires sont homosexuels ou hétérosexuels, et que, d’après la loi qui l’a créé, le même statut, les mêmes conditions, les mêmes droits, les mêmes devoirs s’appliquent aux uns et aux autres. Donc, il est vrai que, si l’on autorise l’adoption pour les couples pacsés hétérosexuels, on l’autorisera par là même pour les couples pacsés homosexuels.

Est-ce contraire à l’intérêt de l’enfant ? Bien entendu, cela se discute et les avis peuvent diverger sur ce point.

Toutefois, je vous renverrai, mes chers collègues, à la procédure elle-même. Comme je l’ai déjà dit, il reviendra au tribunal d’apprécier l’intérêt de l’enfant. C’est donc lui qui jugera si un couple homosexuel souhaitant adopter présente des garanties suffisantes afin de pouvoir le faire. Je rappelle à cet égard que le tribunal se prononce au cas par cas, in concreto et toujours dans l’intérêt de l’enfant. Il n’y a pas de droit à l’enfant ! En revanche, il y a un droit des enfants, qui est reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée.

D’ailleurs, je constate qu’en matière de parentalité par les couples pacsés la jurisprudence a évolué ces derniers temps. Je pense en particulier à deux décisions.

En 2008, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a fait un pas important en faveur de l’homoparentalité et a condamné la France pour discrimination, à la suite d’un refus d’agrément en vue d’adoption opposé par un conseil général à une femme célibataire qui se déclarait homosexuelle et vivant en couple. Dans la suite logique de cet arrêt, le 10 novembre 2009, le tribunal administratif de Besançon a ordonné, sous astreinte, au conseil général du Jura de délivrer dans un délai de quinze jours l’agrément d’adoption – ce qui a été fait – à cette femme qui déclarait vivre avec une autre femme, estimant que les conditions d’accueil offertes par la requérante sur le plan familial, éducatif et psychologique correspondaient aux besoins et à l’intérêt de l’enfant.

Par ailleurs, dans un domaine légèrement différent, au cours du dernier trimestre de 2009, la cour d’appel de Rennes – une juridiction de l’ordre judiciaire – a accordé à un couple homosexuel l’autorité parentale conjointe avec exercice partagé sur une petite fille en bas âge qui avait été conçue par l’une des deux femmes du couple alors que, à l’époque, elles vivaient séparément, chacune de son côté. La cour d’appel a considéré que le partenaire du couple qui n’avait aucun lien avec cet enfant pouvait avoir l’autorité parentale avec exercice partagé.

Tout cela doit nous inciter à dire, comme le font de plus en plus fréquemment les tribunaux judiciaires, administratifs et européens lorsqu’ils sont saisis de telles affaires, que l’intérêt de l’enfant ne s’oppose pas à ce qu’un couple pacsé, quel qu’il soit, puisse adopter.

Certes, le texte que je vous propose ne résout pas tous les problèmes de la parentalité pour les couples homosexuels. Il s’agit là d’une autre question, qui, d’ailleurs, a été envisagée par le Gouvernement lui-même. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, votre collègue Nadine Morano avait déposé un projet de loi intéressant sur ce sujet, mais je crois savoir que, malheureusement, la majorité de l’Assemblée nationale n’a pas jugé bon, pour l’instant, de l’examiner en séance publique.

Pour autant, cette proposition de loi n’empêche rien : les couples pacsés comme les couples mariés peuvent recourir à l’adoption simple ou plénière par l’un des deux partenaires, ou par l’un des deux conjoints lorsque l’autre est d’accord – je réponds ici à une observation formulée en commission par M. Gélard –, et cela permet de faire droit aux demandes d’associations réclamant la possibilité d’affirmer le lien de parentalité d’un enfant à l’égard des deux personnes qui l’accueillent dans leur foyer.

Mes chers collègues, voilà exposés, brièvement, mais tranquillement, tout l’intérêt de cette proposition de loi, les motivations qui m’ont poussé, avec mes collègues du groupe socialiste, à la déposer et les raisons pour lesquelles nous avons voulu qu’elle soit discutée en séance publique, et ce malgré les travaux en commission, mais, là encore, il ne faut jurer de rien, surtout pas du pire !

J’espère simplement et je veux encore espérer, parce que, selon moi, cette proposition de loi va de soi et ne pose aucun problème, que vous lui réserverez un accueil positif. J’espère aussi que nous n’assisterons pas aux mêmes scènes que celles qui ont eu lieu, en 1998 et 1999, aux cours des débats ayant précédé le vote du texte instituant le PACS. Un certain nombre d’entre nous y ont assisté, notamment vous-même, madame la présidente. Nous avons vu, à cette occasion, une opposition qui s’exprimait avec fureur, une fureur souvent teintée d’homophobie.

Je crois – tout au moins je l’espère – que cette époque est révolue, notamment au Sénat où, paraît-il, on fait preuve de moins d’élan, de plus de sagesse qu’à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter la proposition de loi que le groupe socialiste et moi-même avons l’honneur de vous soumettre aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le code civil réserve actuellement la possibilité d’adopter conjointement un enfant aux couples mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans.

La proposition de loi dont notre assemblée est saisie vise à étendre cette possibilité aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité conclu depuis plus de deux ans. Les auteurs de la proposition de loi défendent l’idée qu’une telle extension est justifiée à la fois par le fait que le pacte civil de solidarité est une forme de conjugalité maintenant bien établie dans la société et par le fait qu’elle permettrait à deux partenaires du même sexe d’adopter ensemble un enfant.

La commission des lois a considéré que la question ne devait pas être abordée sous cet angle. En effet, il ne s’agit pas de partir du succès rencontré par le PACS en nombre pour conclure à l’extension des droits auxquels il donne accès. De ce point de vue, l’institution de l’adoption n’est pas comparable aux avantages patrimoniaux dont bénéficient les conjoints ou les partenaires pacsés : l’adoption engage la vie d’un enfant auquel elle donne une nouvelle famille. C’est donc l’intérêt supérieur de l’enfant, et lui seul, qui doit être placé au centre des préoccupations.

Du reste, il s’agit là d’une exigence consacrée tant par le code civil que par la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies. Cette prévalence de l’intérêt de l’enfant interdit formellement de considérer qu’il puisse exister un droit à adopter.

Comme Jean-Marie Colombani l’a rappelé dans son rapport au Président de la République sur l’adoption, « celles et ceux qui désirent adopter doivent savoir qu’il n’y a pas, il ne peut y avoir, un droit à l’adoption d’un enfant : l’adoption ne doit exister que dans l’intérêt de l’enfant ; elle s’inscrit dans une politique de protection de l’enfance ; ce sont les droits et les intérêts de l’enfant qu’il faut promouvoir et respecter ».

Par conséquent, mes chers collègues, il n’y a pas un droit à adopter ; il y a des droits de l’enfant !

Je voudrais à cet égard insister sur la situation de particulière vulnérabilité dans laquelle se trouvent les enfants à adopter : ils sont marqués par la détresse d’une première rupture. Qu’ils soient orphelins ou non reconnus, qu’ils aient été abandonnés à leur naissance ou délaissés par leurs parents, leur histoire filiative est interrompue. L’adoption constitue alors pour eux, comme pour leurs futurs parents adoptifs, une chance autant qu’un défi, puisqu’il leur appartiendra de surmonter cette première souffrance et de retrouver une stabilité affective et personnelle au sein de leur nouvelle famille.

Les auditions que j’ai conduites ont toutes confirmé cette vulnérabilité particulière des filiations adoptives qui implique, pour reprendre les propos de Mme Michèle Tabarot, présidente du Conseil supérieur de l’adoption, dans la contribution écrite qu’elle m’a adressée, que « l’enfant adopté a peut-être encore plus besoin de stabilité pour s’épanouir ».

Aussi, la demande des couples, pour légitime qu’elle soit, ne saurait primer l’intérêt de l’enfant et, lorsqu’on s’interroge sur l’opportunité d’étendre ou non la possibilité d’adopter en couple, une question doit prévaloir : les différences qui existent dans les régimes juridiques respectifs du mariage et du PACS, au regard de la stabilité et de la sécurité qu’ils garantissent aux enfants du couple, justifient-elles ou non de réserver aux seuls époux la possibilité d’adopter en couple ?

À ce sujet et avant d’en venir à un examen plus concret des différences importantes existant, de ce point de vue, entre le mariage et le PACS, je tiens à souligner que, selon moi, le statut conjugal du couple, comme la nature – homosexuelle ou hétérosexuelle – de la relation entre les deux partenaires, ne préjuge en rien de leur capacité affective et éducative ni de la qualité du lien que les deux parents pourront nouer avec l’enfant. C’est ce que traduit d’ailleurs, sur le plan juridique, l’assimilation complète du couple marié au couple non marié s’agissant des règles relatives à l’attribution et à l’exercice de l’autorité parentale.

Néanmoins, si le statut conjugal des candidats à l’adoption ne préjuge en rien de leur qualité affective et de leur compétence éducative, il n’est pas pour autant sans incidence sur le degré de protection juridique dont bénéficiera chacun des membres de la famille ainsi constituée.

Or, il faut le souligner, le PACS est un contrat à vocation essentiellement patrimoniale

MM. Richard Yung et Roger Madec font un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En particulier, le PACS se dissout par simple déclaration, celle-ci pouvant même être unilatérale. Au contraire, le divorce doit être prononcé par un juge, ce qui offre aux conjoints comme à leurs enfants la garantie d’une protection juridique supérieure.

Je souhaite insister sur ce point. Le PACS est une forme de conjugalité qui, en cas de séparation des parents, apporte moins de sécurité à l’enfant que le mariage. En effet, que le juge soit saisi obligatoirement, comme dans le cas du mariage, ou que sa saisine dépende de la volonté des parties fait une grande différence dans la protection apportée aux enfants comme aux partenaires.

Ainsi, dans son rapport intitulé Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles, Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, note que « de nombreux parents non mariés règlent eux-mêmes les modalités de leur séparation y compris leur mode d’exercice de l’autorité parentale, sans que la question de l’intérêt de l’enfant ne soit soumise à un juge aux affaires familiales ». Elle ajoute : « D’une manière générale, les parents non mariés – séparés ou non – sont insuffisamment renseignés sur leurs droits et leurs obligations. »

On peut estimer que si une difficulté se présente aux yeux de l’un des parents, il saisira le juge aux affaires familiales pour faire respecter son droit ou l’intérêt de l’enfant. Mais il serait abusif de considérer l’absence d’une telle saisine comme la marque d’un accord pacifié entre les parents, conforme en tout point à l’intérêt de leur enfant. Elle peut être la conséquence d’une erreur de bonne foi sur ce qui est préférable pour l’enfant, ou d’une ignorance des droits et des devoirs de chacun, ou encore d’une réticence à saisir la justice, symétrique du souhait des parents de choisir une forme d’union peu contraignante et peu formaliste.

Certes, en cas de difficulté, les parents peuvent toujours saisir ultérieurement le juge aux affaires familiales, mais cette intervention tardive s’effectue sur une situation de conflit cristallisée qu’il eût mieux valu régler en amont.

L’intervention obligatoire du juge aux affaires familiales en cas de divorce des parents ne prémunit bien entendu pas contre les désaccords futurs. Elle garantit au moins qu’un tiers extérieur au conflit s’assurera du respect de l’intérêt de l’enfant, pour donner la base la plus solide possible à son éducation par ses deux parents. En outre, elle peut donner lieu, si le juge en décide ainsi, à une tentative de médiation entre les époux.

Par l’amendement n° 1 rectifié, M. Michel entend certes répondre à cette difficulté, et j’ai d’ailleurs apprécié qu’il le dépose après la présentation du rapport en commission. Mais, j’y reviendrai au moment de la discussion sur cet amendement, la réponse qu’il apporte n’est que partielle et lacunaire. Lacunaire, car rien ne garantit le caractère obligatoire de la saisine du juge aux affaires familiales en cas de séparation des partenaires liés par un PACS. Partielle, car elle ne répond pas aux autres difficultés que pose le PACS à l’égard de l’adoption.

Toutefois, ce n’est pas le seul problème soulevé dans le rapport de la commission des lois. Le mariage protège l’enfant. Il le protège aussi à travers la protection qu’il offre au parent le plus démuni : en effet, la difficulté sociale ou financière dans laquelle l’un des parents pourrait être placé en raison de la séparation du couple n’est pas sans conséquence sur l’enfant lui-même. La prestation compensatoire, versée uniquement dans le cadre du divorce, apporte une réponse à cette difficulté.

Les études statistiques confirment par ailleurs le risque de plus grande instabilité à laquelle sont exposés les enfants des couples non mariés : une étude de 2007 du ministère de la justice sur l’exercice de l’autorité parentale après le divorce ou la séparation des parents non mariés, mentionnée dans le rapport de la commission, marque la stabilité plus grande, et indiscutable, du couple marital par rapport aux autres types d’union.

En moyenne, la séparation intervient moins fréquemment ou plus tard, quand l’enfant est plus grand. Un chiffre est particulièrement significatif : le pourcentage des couples restant en désaccord sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants à l’issue de la procédure est de 10 % pour les couples mariés et de 41 % pour les couples non mariés. Si ne sont pris en compte, pour les couples séparés, que ceux qui ont choisi d’aller devant le juge en raison notamment de leur désaccord, ce qui doit conduire à relativiser la portée de l’écart constaté, celui-ci témoigne malgré tout de la différence d’appréciation susceptible d’apparaître entre le juge et les parents au regard de l’intérêt de l’enfant.

Au total, l’ensemble de ces constatations pratiques et juridiques et la volonté de privilégier la sécurité juridique et affective de l’enfant adopté conduisent à privilégier le mariage au PACS.

Par ailleurs, les enseignements que je tire des auditions auxquelles j’ai procédé m’amènent à souligner un point essentiel : le souhait d’étendre la faculté d’adopter aux partenaires de PACS répond souvent au souci d’apporter une plus grande sécurité juridique à l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un seul des partenaires. L’association des parents et futurs parents gays et lesbiens, l’APGL, et l’association GayLib se sont prononcées en ce sens. Cependant la demande concerne non seulement les couples de même sexe, mais également les couples hétérosexuels qui souhaitent consacrer juridiquement le rôle du beau-parent dans l’éducation de l’enfant de son partenaire, sans pour autant devoir se marier.

Or, la proposition de loi n’apporte pas une réponse satisfaisante à la demande formulée, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, elle ne concerne que l’adoption conjointe, alors que, dans les faits, en de pareils cas, c’est la procédure d’adoption de l’enfant du conjoint ou du partenaire qui devrait être utilisée.

Ensuite et surtout, la proposition de loi crée une situation potentielle d’empilement ou de substitution des filiations là où le problème concret est avant tout celui de l’exercice de l’autorité parentale et de la juste place accordée au tiers qui élève l’enfant au côté de son père ou de sa mère.

D’ores et déjà, le droit positif prévoit un éventail de possibilités qui permettent de faire face à un certain nombre des difficultés parfois évoquées : la délégation volontaire d’autorité parentale ou le partage de l’exercice de l’autorité parentale pour les besoins d’éducation de l’enfant. De la même manière, le mécanisme de la tutelle testamentaire ou celui de la désignation judiciaire de la personne qui pourra exercer l’autorité parentale permettent d’organiser les conditions dans lesquelles l’enfant sera élevé après le décès de son parent légal.

Une réflexion a été engagée par Mme Dominique Versini sur l’opportunité d’étendre les droits qui peuvent ainsi être reconnus aux tiers beaux-parents dans l’exercice de l’autorité parentale. Un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers a été élaboré au printemps 2009, qui a suscité un vif débat. Le rapport rendu par notre collègue député Jean Leonetti, chargé par le Premier ministre d’évaluer de manière approfondie la législation sur l’autorité parentale et le droit des tiers, a contribué à dessiner les contours d’un consensus possible sur cette question. Un nouveau projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers doit être prochainement déposé devant le Parlement.

La commission des lois a ainsi considéré que l’ensemble des dispositifs existants, qui sont appelés à être améliorés, peuvent, à la condition que l’intérêt de l’enfant soit placé au centre des préoccupations, constituer une réponse satisfaisante au souhait largement exprimé par les parents de voir reconnu juridiquement le rôle essentiel du partenaire ou du beau-parent qui s’investit pleinement dans l’éducation de leurs enfants, sans qu’il soit besoin pour cela d’envisager d’ouvrir aux partenaires de PACS la procédure d’adoption conjointe.

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait qu’il est nécessaire de tenir compte des engagements internationaux de la France en matière d’adoption. La convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale ne prévoit, dans son article 2, que l’adoption par deux époux ou l’adoption par une personne seule. De plus, sur le plan pratique, il s’avère que très peu de pays d’origine des enfants adoptés dans le cadre d’une adoption internationale acceptent de confier un enfant à un couple non marié. Le risque serait donc grand que l’ouverture proposée ne trouve pas de traduction concrète, faute d’être compatible avec les pratiques et les règles en vigueur en matière d’adoption internationale.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a décidé de ne pas établir de texte sur cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me dois également de replacer cette question dans le débat plus général des rapports que l’on souhaite instaurer entre le PACS et le mariage, et je dirai ensuite quelques mots sur le contexte général qu’entraîne l’adoption.

Je souhaite bien sûr rappeler que le Gouvernement s’est attaché, par son action législative, à améliorer substantiellement au fil des années les droits découlant du PACS. Je le dis avec d’autant plus de tranquillité que j’ai voté sans état d’âme le texte instaurant le PACS, et je n’ai d’ailleurs jamais regretté de l’avoir fait. Aujourd'hui, le PACS est vraiment inscrit dans la réalité de notre pays.

Les améliorations successives ont notamment concerné les droits du partenaire survivant, qui ont été renforcés sur le plan fiscal et successoral ; les mesures de publicité à l’état civil, la conclusion d’un PACS étant dorénavant apposée en marge de l’acte de naissance des partenaires ; le droit commercial, les mesures existantes au profit du conjoint entrepreneur ayant été étendues au partenaire lié au chef d’entreprise ; et enfin, depuis mai 2009, la reconnaissance en France des partenariats enregistrés à l’étranger.

Sur de nombreux aspects, les réformes successives ont permis aux personnes ayant conclu un PACS de bénéficier de certains des droits découlant du mariage.

Par ailleurs, le Gouvernement a toujours été sensible à la volonté de faciliter le sort de celles et ceux qui choisissent le PACS comme fondement à leur union. Ainsi, le Gouvernement a déposé la semaine dernière, sur le bureau de l’Assemblée nationale, un projet de loi permettant aux partenaires, afin de simplifier leurs démarches, de faire enregistrer leur PACS par le notaire qui a rédigé la convention.

Cela traduit, pas après pas, la reconnaissance avérée du PACS en tant que forme d’union maintenant bien établie dans notre société, conviction que le Gouvernement partage aves les auteurs de la présente proposition de loi.

Mme le rapporteur y a fait allusion, la différence essentielle entre les deux formes d’unions que sont le PACS et le mariage réside principalement dans leurs conséquences en matière familiale.

Le mariage répond souvent au projet de créer une famille, les époux contractant d’ailleurs, par le seul fait du mariage, l’obligation d’assurer ensemble la direction morale et matérielle de la famille et de pourvoir à l’éducation des enfants. Mesdames, messieurs les sénateurs, ceux qui parmi vous sont, comme moi, officiers d’état civil connaissent par cœur cette formule pour l’avoir tant de fois répétée ! Dans la solennité de la salle des mariages de nos mairies, ces paroles marquent, elles sont loin d’être anodines.

Le PACS a, quant à lui, une vocation différente, comme vous l’avez très bien dit, madame le rapporteur : celle d’organiser la vie commune du couple.

Nos concitoyens tiennent à la diversité des formes de vie en couple, et le Gouvernement n’est pas favorable à l’idée selon laquelle les effets du PACS et du mariage doivent être en tous points identiques. Madame le rapporteur, vous avez également placé vos propos sous l’angle de l’intérêt de l’enfant, une exigence que nous ne devons jamais perdre de vue.

Un autre aspect, qui est extrêmement concret, doit être souligné – je ne fais pas de hiérarchie entre les arguments, je les reprends les uns après les autres – : indépendamment des débats qu’elle suscite – lesquels sont bien réels, même s’ils sont apaisés et respectueux –, cette proposition de loi paraît largement inadaptée aux réalités actuelles de l’adoption.

Comme vous le savez, – vous y avez d’ailleurs fait allusion, les uns et les autres – en l’état actuel de la législation, l’adoption est autorisée en France au profit des couples mariés ou des personnes seules.

Je rappelle que l’adoption par des personnes seules, qui existe depuis le code Napoléon, permet de résoudre un certain nombre de situations très diverses. C’était vrai hier. C’est encore vrai dans le monde actuel. Elle a toute sa place dans le dispositif en vigueur et répond à l’intérêt de l’enfant, même si je comprends qu’il puisse y avoir des demandes qui aillent au-delà des possibilités offertes par ce type d’adoption.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en ce qui concerne l’adoption par les couples, je souhaite attirer votre attention, comme l’a fait Mme le rapporteur, sur quelques éléments, tous ceux qui siègent dans cet hémicycle connaissant les règles.

Avant d’engager les démarches concrètes, les candidats à l’adoption doivent être agréés par le président du conseil général. Aujourd’hui, près de 30 000 candidats à l’adoption sont titulaires de cet agrément – malgré les difficultés qui peuvent parfois exister, il est donc largement délivré –, alors que le nombre de pupilles de l’État adoptés en France chaque année est de 800 enfants environ.

Reste donc à ces personnes la voie de l’adoption internationale.

À cet égard, je rappelle que l’adoption internationale répond à un principe de double subsidiarité : elle ne peut être envisagée que si aucune solution ne permet le maintien de l’enfant dans son pays d’origine, soit dans sa famille, soit dans une famille adoptive. Il s’agit, là aussi, de l’intérêt de l’enfant.

Concrètement, les adoptions se font dans deux cadres juridiques, selon que l’État d’origine de l’enfant est adhérent ou non à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Ainsi, les demandeurs peuvent s’adresser à un pays ayant ratifié la convention. Dans ce cas, l’adoption se déroule conformément aux règles et mécanismes prévus par ce texte. Or celui-ci ne vise que les adoptions par des époux ou une personne seule. Si la présente proposition de loi était adoptée, force est de constater que les couples pacsés ne pourraient pas adopter un enfant originaire de l’un de ces pays.

Les candidats à l’adoption peuvent aussi se tourner vers les pays qui n’ont pas adhéré à cette convention. Dès lors, les règles applicables sont celles qui ont été fixées par le pays d’origine de l’enfant. Or ces pays, dans leur quasi-totalité, ne permettent pas aux couples non mariés de recourir à l’adoption. C’est le cas pour Haïti, la Chine, la Russie, l’Éthiopie ou le Cambodge, pour ne citer que les principaux pays d’origine des enfants adoptés en France.

Cette proposition de loi pourrait constituer une grande source de désillusion pour ces couples, qui se verraient reconnaître une possibilité souvent théorique d’adopter ensemble un enfant, avec des chances limitées de voir leur projet aboutir à l’accueil d’un enfant adopté.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas que ce texte soit adopté.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi avant toute chose de saluer l’initiative de notre excellent collègue Jean-Pierre Michel, qui cherche à faire progresser en priorité les droits des enfants adoptés et ceux des personnes liées par un PACS. Il s’agit pour lui d’un engagement fort depuis longtemps. Vous connaissez d’ailleurs le rôle important qu’il a pu jouer lors de l’examen du texte qui est devenu la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité.

Cette loi de 1999 s’inscrit dans la lignée des grandes réformes ayant fait progresser les libertés individuelles comme celle portant abolition de la peine de mort ou celle qui est relative à l’interruption volontaire de la grossesse. Dix ans après son adoption, les mentalités des Français ont beaucoup évolué. À droite comme à gauche, les craintes se sont estompées et le PACS est devenu naturel dans notre paysage juridique. Espérons que l’on observera une évolution comparable au sein de notre Haute Assemblée, qui est réputée – c’est certainement légitime – pour sa sagesse.

En tout cas, je suis optimiste. En effet, au cours des dix dernières années, nous avons beaucoup progressé en matière de droits des partenaires liés par un PACS. Citons, par exemple, l’exonération des droits de mutation par décès, l’abattement en matière de droits de mutation à titre gratuit entre vifs, l’imposition commune ou l’extension du bénéfice du capital décès au partenaire lié à un fonctionnaire par un PACS. Je rappelle également que les partenariats civils étrangers sont désormais reconnus en France.

En même temps que le PACS se généralisait – 150 000 sont signés chaque année –, il changeait de nature. En effet, contrairement à l’une des idées d’origine, 85 % des PACS concernent des couples hétérosexuels. Il n’est donc plus seulement patrimonial, madame le rapporteur. Après dix années de pratique, on s’aperçoit qu’il est devenu une nouvelle forme de structure familiale.

Vous rejetez le texte, car vous considérez qu’il ferait du PACS un concurrent du mariage.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je le répète, 85 % des PACS concernent des couples hétérosexuels.

Disons les choses clairement : vous craignez surtout qu’il n’officialise de manière indirecte l’homoparentalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Non, monsieur le président Hyest !

Or ce texte vise essentiellement à reconnaître un état de fait que vous refusez d’admettre. Jean-Pierre Michel, pour sa part, prend acte de cette réalité en proposant une simple adaptation de notre droit à l’évolution de la société. L’homoparentalité est un fait indéniable : beaucoup d’enfants dans le monde ont été, sont et seront élevés par deux parents de même sexe. Ils ne sont, semble-t-il, ni plus malheureux ni moins heureux que les enfants de couples hétérosexuels. De nombreuses études, que je ne vais pas citer maintenant, le démontrent.

On parle beaucoup des droits légitimes des enfants. Naturellement, nous avons tous cela présent à l’esprit, mais qui les définit ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’un paravent facile pour refuser tout progrès de la législation ?

L’objectif de la présente proposition de loi est de répondre au retard de notre code civil sur la question de l’adoption. Ce dernier dispose en effet que l’adoption est ouverte aux « époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans » ainsi qu’à « toute personne âgée de plus de vingt-huit ans ».

Ainsi, une personne célibataire peut adopter. Comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme, puis le tribunal administratif de Besançon le 10 octobre 2009, aucune discrimination ne peut être faite sur le fondement de l’orientation sexuelle, puisque cet élément est une composante de la vie privée. L’agrément, véritable sésame afin de pouvoir par la suite adopter, peut donc être accordé à une personne célibataire qu’elle soit ou non homosexuelle.

À l’inverse, deux personnes ayant contracté un PACS, hétérosexuelles ou homosexuelles, ne peuvent adopter conjointement. Leur seule possibilité est que l’un des partenaires adopte en France ou à l’étranger. L’autre partenaire ne peut alors établir de lien avec l’enfant que par un ensemble de dispositifs juridiques, qui sont d’ailleurs énumérés dans le rapport : la délégation volontaire, le partage de l’exercice de l’autorité parentale et la tutelle testamentaire.

Ces outils juridiques, aussi nécessaires soient-ils, n’en restent pas moins insuffisants. Ils ne sauraient satisfaire les couples pacsés qui désirent fonder une famille dans le cadre de laquelle les deux parents ont les mêmes liens avec l’enfant. De plus, ils n’interviennent qu’après décision du juge, c’est-à-dire a posteriori, après l’arrivée de l’enfant et à l’issue de délais, qui peuvent être très longs.

Sachez que l’on nous oppose souvent ce type d’argumentation. Lorsque nous plaidons pour l’action de groupe, par exemple, on nous rétorque que les outils juridiques existants permettent déjà de lutter contre les délits en matière de droit de la consommation. En réalité, cela ne marche pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Je parle du principe, monsieur le président Hyest. C’est agiter le drapeau rouge pour mieux cacher le drapeau rouge, comme on disait quand j’étais jeune.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La sécurité juridique est donc faible, notamment pour l’enfant. Or c’est justement sur ce point – la sécurité affective et juridique de l’enfant – que vous centrez votre raisonnement, madame le rapporteur, pour rejeter cette proposition de loi. Pourtant, je le rappelle, l’homoparentalité est un fait. De nombreux enfants sont précisément dans cette situation d’insécurité du fait d’une lacune de notre droit. Votre raisonnement pourrait donc s’inverser.

La situation d’un enfant vivant dans une famille homoparentale n’est pas prévue par le code civil. Il convient donc de combler ce vide.

À lire votre rapport, seul le mariage permettrait un environnement sécurisé. Cette institution serait le gage d’une incommensurable stabilité pour le couple et, par conséquent, d’une sécurité affective pour l’enfant. Cette image du mariage est un peu désuète et en décalage avec la réalité. Entre l’époque où nous avions vingt ans et aujourd’hui, les temps ont changé. Désormais, beaucoup de couples ont des enfants et fondent une famille hors mariage.

En outre, la stabilité offerte par le mariage n’est pas immuable. Ainsi, en région parisienne, près de la moitié des couples finissent par divorcer. Dans le même temps, plus d’un quart des dissolutions de PACS débouchent sur un mariage.

Le PACS est plus souple que le mariage et plus protecteur que le concubinage. On parle ainsi d’un troisième mode de conjugalité. Il ne s’agit donc pas seulement d’un simple contrat patrimonial.

Dans ces conditions, il me semble que le PACS peut, à juste titre, ouvrir droit à l’adoption. Mais, de toute façon, dans la mesure où l’adoption est permise aux célibataires, l’argument selon lequel une famille doit être issue d’un mariage ne peut plus être invoqué.

Le mariage offre, je vous l’accorde, une garantie par rapport au PACS : le divorce. En effet, celui-ci implique l’intervention du juge aux affaires familiales, qui statue sur la situation de l’enfant au nom de son intérêt supérieur. Cette garantie devrait donc être accordée dans le cadre d’une adoption par des partenaires liés par un PACS. C’est le sens de l’amendement que Jean-Pierre Michel présentera tout à l’heure.

La Haute Assemblée a déjà permis aux personnes pacsées d’obtenir de nouveaux droits. Il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Suivons l’évolution de la société. C’est pour cette raison que je vous propose, mes chers collègues, d’adopter la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention en évoquant deux principes fondamentaux. S’ils sont évidents pour notre groupe, ils méritent d’être rappelés afin d’éviter certains doutes et des critiques illégitimes.

En matière d’adoption, il n’y a pas et il ne devrait pas y avoir « de droit à l’enfant ». Pour autant, nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à chaque enfant de trouver un foyer capable de l’accueillir, de lui offrir l’amour nécessaire, de l’aider à grandir et à se construire comme une personne à part entière.

Comme vous toutes et vous tous, c’est bien le bonheur auquel ont droit ces enfants qui nous guide dans notre réflexion, d’autant qu’ils ont déjà connu dans leur vie un très grand traumatisme au départ, à savoir l’absence, pour une raison ou pour une autre, des parents biologiques.

La proposition de loi présentée par les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste tendant à autoriser les couples liés par un pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans à adopter répond tout à la fois aux attentes légitimes de celles et ceux qui optent pour cette forme de vie commune et à la stabilisation juridique nécessaire de certains foyers. En effet, personne ne peut feindre de l’ignorer, de très nombreux couples liés par un pacte civil de solidarité, quelle que soit leur orientation sexuelle, ont déjà accès, par le biais de l’adoption, à la parentalité ou plutôt, devrais-je dire, pour être plus exacte, l’un des deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité a déjà accès à l’adoption.

En effet, la situation est actuellement aberrante : les couples pacsés ne peuvent pas adopter, contrairement aux couples mariés, mais l’un des deux partenaires peut se présenter comme célibataire pour formuler une demande d’adoption. Une telle situation n’est pas satisfaisante, l’existence de l’autre partenaire étant alors totalement niée. Cette négation est d’autant plus difficile à vivre pour les couples concernés qu’elle n’est pas sans conséquence juridique sur l’avenir.

En effet, le partenaire qui n’a pas entamé la démarche d’adoption, et qui est réputé ne pas exister pour les services des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, n’est pas officiellement reconnu. Il en résulte que l’enfant, qui, dans les faits, a été élevé par deux personnes, n’a officiellement qu’un seul parent. Si par malheur le parent légal disparaît, le partenaire survivant n’a aujourd’hui aucun droit.

En cas de séparation des deux partenaires, celui qui n’a pas d’existence légale perd tous ses droits. Il n’a plus non plus aucune obligation envers l’enfant, notamment celle d’assurer son éducation et de subvenir à ses besoins. Aucun mécanisme légal de solidarité n’est prévu, tel le droit à pension alimentaire.

C’est pourquoi nous considérons qu’il est aujourd'hui nécessaire de faire évoluer la législation afin d’apporter – et je sais que le rapporteur Mme Des Esgaulx y est sensible – plus de stabilité et de sécurité juridique aux enfants concernés. Ceux-ci ne peuvent pas être les victimes d’un système juridique insatisfaisant ou incomplet. Notre responsabilité est donc de les protéger. Je pense sincèrement que, sur ce point du moins, cette proposition de loi le permet.

Je regrette d’ailleurs que, pour écarter cette proposition de loi, Mme la rapporteur ait eu recours, comme nombre de membres de la commission, aux mêmes arguments que ceux qui avaient été utilisés lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité déposée par le groupe CRC-SPG, je pense en particulier à la fragilité supposée des PACS.

À cet égard, je rappelle, comme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente de notre groupe, l’avait fait en octobre dernier, que, selon les statistiques du ministère de la justice lui-même, le taux de dissolution des PACS est de 15 % environ, alors que celui des mariages est de 30 %. Selon la même étude, près d’un quart des 15 % de ruptures de PACS sont justifiées par la volonté des partenaires de se marier. Il ne s’agit alors pas de véritables ruptures.

Par ailleurs, depuis l’adoption de la réforme du divorce en 2004, le nombre de divorces a connu un pic très important, précisément en raison de la simplification des démarches et des procédures, je pense en particulier à l’augmentation du nombre de divorces par consentement mutuel.

Aucune forme d’union, que ce soit le PACS ou le mariage, ne protège donc contre les ruptures et les souffrances qui les accompagnent. Dans tous les cas, les adultes devraient toujours avoir pour première préoccupation l’épanouissement et le bien-être de l’enfant.

De la même manière, il ne nous semble pas opportun, comme l’a fait Mme le rapporteur, d’invoquer l’état actuel du droit pour refuser toute évolution.

Depuis sa création, le PACS a beaucoup évolué. En 2005, la loi de finances a instauré le principe de l’imposition commune pour les couples pacsés dès la première année. La loi de 2006 portant réforme des successions et des libéralités a profondément modifié la nature du PACS en reconnaissant un véritable statut du couple : sur le plan patrimonial, le PACS, et c’est tant mieux, se rapproche de plus en plus du mariage.

Or la majorité du Sénat et le Gouvernement, c’est-à-dire ceux-là mêmes qui rejettent cette proposition de loi au motif que le PACS est une union quasi exclusivement patrimoniale, sont précisément ceux qui refusent de dépasser cette situation pour permettre aux couples pacsés de bénéficier des mêmes droits sociaux et familiaux que les couples mariés. Ainsi, mes chers collègues, vous avez rejeté la proposition de loi du groupe CRC-SPG qui prévoyait notamment le droit pour les partenaires liés par un PACS de bénéficier de la pension de réversion ou encore celui de bénéficier, comme les couples mariés, des « congés pour événements familiaux ».

Avouez, mes chers collègues, qu’il est tout de même paradoxal – et je pèse mes mots – de priver les couples pacsés de tels droits sociaux et familiaux et de rejeter le texte que nous examinons aujourd’hui au motif que la seule nature patrimoniale du PACS ne serait pas protectrice pour l’enfant ! En réalité, vous donnez l’impression de refuser toute nouvelle évolution du PACS afin d’éviter, pour des raisons que l’on devine, que cette forme d’union ne s’apparente de plus en plus au mariage.

Nous, les membres du groupe CRC-SPG sommes convaincus que la législation doit évoluer vers plus d’égalité entre les formes d’union afin d’éviter que les couples qui optent pour le PACS ou qui, en raison de leur orientation sexuelle, n’ont pas accès au mariage ne soient traités différemment des couples mariés. À nos yeux, ce qui doit primer, ce n’est pas le statut, mais le couple lui-même.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre droit positif doit évoluer, car la société elle-même change. La jurisprudence est elle aussi en mouvement. Ainsi le tribunal administratif de Besançon a-t-il ordonné, en novembre dernier, au conseil général du Jura de délivrer un agrément d’adoption à un couple homosexuel.

Telles sont les raisons pour lesquelles, dans son immense majorité, le groupe CRC-SPG votera en faveur de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité a retenu toute mon attention.

Comme vous le savez, le président de notre assemblée, M. Gérard Larcher, m’a nommée représentante du Sénat au Conseil supérieur de l’adoption, le CSA, placé sous l’autorité du ministre chargé de la famille. Le CSA a compétence pour rendre des avis et des conseils sur les textes législatifs et réglementaires relatifs à l’adoption, mais aussi sur tout sujet s’y rapportant. En attendant l’avis de ce Conseil, permettez-moi de vous donner le mien.

Pour moi, le mot « adoption » appelle aussitôt le mot « famille ». Or ce mot ne figure pas une seule fois dans le texte qui nous est proposé.

Mme Odette Terrade s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Avant de faire quoi que ce soit, il me semble qu’il faudrait se pencher avec sérieux sur cette question et mettre en œuvre une politique volontariste de la famille. Depuis des millénaires, la famille constitue la base de notre société. C’est son délitement qui est responsable de la perte de nos valeurs et du désarroi de quantité de jeunes, à qui il manque le soutien, l’exemple et la solidité d’un appui de leurs aînés. Déboussolés par le manque, voire l’absence de cohésion et d’exemplarité d’une famille solide, de conversations et d’échanges avec elle, les jeunes sont conduits à suivre les belles âmes qui proclament que la canaille est une victime.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

La proposition de loi qui nous est soumise ne dit pas un mot de la famille. Pourtant, adopter, c’est construire une famille. C’est donc, comme le prévoit le code civil, construire une communauté de vie en éduquant des enfants et en participant financièrement à cette éducation dans une alliance matrimoniale qui s’appelle le mariage, même si la dignité de cette institution ne transparaît pas partout avec la même clarté !

Le législateur, lui, a été sensible à la famille. L’article 343 du code civil prévoit en effet l’adoption par « deux époux mariés depuis plus de deux ans ».

Le mariage, qui est officialisé par un consentement public devant un officier d’état civil et au moins deux témoins, établit les conjoints dans un état public de vie commune : c’est une institution. Et c’est là toute la différence avec le PACS, qui est un contrat. Surtout, le PACS n’a pas de portée en matière de filiation. En outre, du fait de sa souplesse, il peut être rompu facilement. Considérer ce contrat comme une institution créerait de nombreuses difficultés pratiques, juridiques et même successorales en présence d’enfant, comme l’a expliqué ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx dans son rapport excellent et documenté.

Si l’on s’appuie sur le rapport effectué après le sondage réalisé en 2006 par le Collectif des maires pour l’enfance, dont le maire de Sotteville-sous-le-Val est le porte-parole, « l’intérêt de l’enfant exige le maintien d’un modèle parental avec un père et une mère ».

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Mme Janine Rozier. C’est indispensable à son équilibre, même si, il est vrai, notre droit reconnaît à un parent seul la faculté d’adopter.

M. Richard Yung s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Cette question mérite réflexion et prudence, dans l’intérêt de l’enfant et de son développement.

Adopter un enfant, c’est une mesure de protection. Il s’agit d’organiser les conditions les plus favorables à son accueil en fonction de ses besoins, qui sont amour et protection, en tenant compte de son vécu, de ses capacités et de ses difficultés. La commission d’attribution chargée de choisir une famille pour accueillir un enfant fait des choix éclairés et lucides, après enquête, car il s’agit de rendre heureux un enfant qui ne l’était pas.

Le profil des enfants adoptables est complexe, notamment en cas d’adoption internationale. Même les bébés ont une histoire et déjà un passé. Il faut un réel attachement entre les adoptants et l’adopté, un attachement durable qui ne se rompe pas sur un coup de tête, qui permette de sécuriser l’enfant et d’améliorer les effets négatifs du délaissement parental qu’il a déjà vécu.

De plus, l’adoption entraîne des conséquences sur le nom de l’adopté et sur l’autorité parentale. Si les adoptants sont un couple marié, l’adopté portera le nom de la famille, qui est en général, sauf avis contraire du juge, celui du mari. L’autorité parentale sera alors exercée par le couple. Si les adoptants sont un couple uni par un PACS, quel nom portera l’enfant ? Les pacsés portent deux noms différents. Le législateur devra donc envisager quel nom sera conservé, le tribunal devra statuer. Lequel des deux partenaires exercera l’autorité parentale ?

Toutes ces complexités d’ordre légal et administratif viendront un jour ou l’autre troubler la quiétude de l’adopté. Or notre devoir est de lui offrir une sécurité juridique et affective pour compenser ses détresses.

Dans un couple marié, dont les attaches solides seront mesurées par la commission d’attribution composée de professionnels formés et avisés et d’associations expertes, il trouvera mieux sécurité, confiance et quiétude.

Nous devons tous aux enfants adoptés la vérité et la transparence sur leur adoption. Nous savons les enfants adoptés fragilisés. Nous savons que nombre d’entre eux souffrent à un moment ou à un autre de troubles psychologiques, de troubles de l’attachement, parfois de troubles autistiques. Aussi, ne prenons pas le risque d’ajouter un traumatisme à leur traumatisme. Ne laissons pas cette proposition de loi aggraver les méfaits de notre société malade.

Au-delà de ma position personnelle, je souhaite, au nom du groupe UMP, soutenir la position de Mme le rapporteur sur la vacuité juridique de cette proposition de loi.

Ce texte a pour objet de modifier l’article 343 du code civil afin de permettre l’adoption par deux partenaires liés par un PACS depuis plus de deux ans. Or, malgré cette condition de durée, qui permet à un couple de justifier de sa stabilité, et en dépit de l’amendement qui nous est présenté tendant à rendre obligatoire la saisine du juge aux affaires familiales en cas de dissolution du PACS, les conditions juridiques permettant de garantir la protection de l’enfant ne sont pas remplies.

En effet, le PACS ne doit pas être appréhendé comme un mariage bis. Si cette convention présente certains points communs avec le mariage, elle reste profondément différente, Marie-Hélène Des Esgaulx nous l’a démontré, ses effets étant essentiellement limités à la sphère patrimoniale. Adopter la proposition de loi qui nous est présentée n’y changerait rien.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP ne votera pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mme le rapporteur a dit qu’il fallait protéger les droits des enfants. Je suis d’accord avec elle : il est temps en effet de consolider le statut des enfants adoptés par des couples non mariés, nombreux en France, en légalisant l’adoption par les couples pacsés. Nous ne tirons pas les mêmes conclusions des mêmes prémisses !

En effet, le pacte civil de solidarité est désormais une forme d’union bien ancrée dans la société. Contrairement à ce qui a été dit, il ne s’agit pas seulement d’une évolution numérique. Je n’y reviens pas, mes collègues ont déjà évoqué cette question.

On compte actuellement un peu plus d’un pacte civil de solidarité conclu pour deux mariages célébrés.

Le succès du PACS ne se limite pas à la possibilité de contractualisation pour les seuls couples homosexuels : ce type d’union est devenu la forme de famille dans laquelle naît et est éduquée une forte proportion des enfants aujourd’hui en France.

En effet, c’est maintenant l’enfant qui fait famille, comme l’écrit Irène Théry : on se pacse ou on se marie après avoir eu des enfants. Mariage et PACS ne sont plus l’acte de création de la famille mais sont devenus une formalisation de celle-ci.

Les partenaires qui choisissent de conclure un PACS plutôt que de se marier manifestent ainsi leur préférence pour une forme d’union qui concilie un certain degré de protection avec un moindre formalisme juridique.

De mon point de vue – mais je ne suis pas de leur génération –, ils se font des illusions. Leurs enfants et eux n’échapperont pas plus au déchirement de la rupture que les couples mariés et leur progéniture, couples dont les règlements de compte sordides submergent les tribunaux tous les jours. Ils se le figurent néanmoins ; laissons-leur cette illusion.

Il apparaît également que le choix du mariage ou du pacte civil de solidarité n’a pas d’incidence sur la stabilité de l’engagement, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport de la commission des lois, et qui contredit le rapport de notre collègue Mme Catherine Troendle. Celle-ci précise dans ce dernier document que le taux de séparation est plus élevé pour le PACS les deux premières années d’union, puis devient très proche du taux de divorce dès la troisième année, avant d’y être inférieur de la quatrième à la sixième année de vie commune. Il faut également prendre en compte le fait qu’un quart des ruptures de PACS débouche sur un mariage.

L’argument qui fait du couple marié un couple plus stable, garantissant à l’enfant adopté un meilleur accueil que le couple pacsé, ne correspond donc pas à la réalité d’aujourd’hui. En effet, les couples qui souhaitent adopter sont unis de longue date, à une période de la vie où les pacsés se séparent moins que les mariés, c’est-à-dire après six ans d’union. En général, on ne demande pas une adoption après deux ans de mariage mais bien plus tard dans la vie du couple.

Si les couples pacsés ne sont pas assez stables pour assurer le bonheur des enfants, il faudrait alors également leur interdire d’avoir des enfants biologiques ! Toutes ces objections – le problème du nom de l’enfant, l’autorité parentale – concernent les enfants biologiques des couples non mariés ou pacsés tout autant que les enfants adoptés.

Madame le rapporteur, l’argument de la stabilité cache un aspect qui n’est pas développé dans le rapport, à savoir la crainte de voir des enfants adoptés par des familles homoparentales et la persistance de la discrimination à leur encontre, laquelle est condamnée par la Cour de justice européenne.

L’adoption de la proposition de loi en discussion mettrait fin à une telle discrimination. Il est grand temps que nous regardions la réalité en face et que nous cessions de rester prisonniers de conceptions dépassées. Si nous pouvions défendre celles-ci quand nous avions vingt ou trente ans, ce n’est plus cas aujourd’hui lorsque nous considérons le mode de vie de nos enfants et de nos petits-enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

On assiste depuis quelques années à une évolution de la reconnaissance juridique de l’homoparentalité parce que les réalités finissent par prendre le pas sur les préjugés. Selon l’Institut national des études démographiques, l’INED, 30 000 enfants font partie aujourd’hui d’une famille homoparentale en France.

Leurs parents et eux ne doivent plus subir les discriminations juridiques et administratives qui pèsent sur leur vie quotidienne. Inacceptables en soi, celles-ci contribuent aussi à renforcer les attitudes archaïques de rejet dont les enfants ont parfois à souffrir, à l’image des enfants de divorcés il y a moins d’un siècle, notamment lorsque j’étais moi-même un enfant.

En adoptant cette proposition de loi, le Sénat n’apparaîtrait pas comme un précurseur mais serait tout simplement à l’unisson de nos partenaires européens, puisque neuf pays européens admettent aujourd’hui, sous une forme ou sous une autre, l’adoption pour les couples homosexuels. Il s’agit de l’Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de l’Espagne, de l’Islande, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède. Ces pays sont pourtant signataires de la convention de La Haye !

En effet, la famille homoparentale ne correspond pas à la vision traditionnelle de la famille. Est-ce une raison pour la rejeter dans le non-droit et lui interdire d’adopter ?

Comme l’écrit l’anthropologue Anne Cadoret : « aujourd’hui, ces familles homoparentales nous disent que la sexualité d’un homme ou d’une femme n’est pas la raison première de la paternité ou de la maternité, que sexualité et parenté n’appartiennent pas au même domaine. Alors, respectons la sexualité de chacun, qui est une affaire privée ; et aidons nos concitoyens qui le souhaitent à devenir parents, ce qui est, là, une affaire publique. » Et cela ne concerne pas seulement l’adoption.

La conception unique et idéale de la famille tend à disparaître. L’important est que les enfants s’épanouissent, avec des parents affectueux et soucieux de leur éducation. Les Français d’aujourd’hui en ont conscience : un sondage effectué en novembre 2009 indiquait que 57 % des Français étaient favorables à l’adoption par des familles homoparentales, et 41 % se prononçaient contre cette possibilité.

Voilà pour vous rassurer, mes chers collègues !

En adoptant cette proposition de loi, non seulement vous mettriez notre législation en conformité avec la jurisprudence européenne, mais vous auriez de plus l’assentiment de ceux qui parmi nos concitoyens admettent de moins en moins le retard de la législation sur les mœurs.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je serai brève parce que tout a été dit – très bien dit, même, par certains – et que je veux vous éviter trop de répétitions. Je voudrais néanmoins vous livrer une réflexion.

Cette proposition de loi, pour simple et logique qu’elle paraisse dans la continuité du vote de 1999 instituant le pacte civil de solidarité, tend à offrir aux couples non mariés liés par ce contrat la possibilité d’accéder au droit à l’adoption. Elle comporte un sous-entendu à peine dissimulé : le droit des couples de même sexe ayant contracté ce type d’union.

Je n’entrerai pas dans une discussion sur la véracité des chiffres qui pourraient justifier cette proposition de loi. Je ne reprendrai pas non plus la législation actuelle sur l’adoption, tout a été dit sur ce point.

Je veux toutefois différencier l’institution du mariage, fondatrice de la famille et qui constitue un engagement, et le PACS, simple contrat à but essentiellement patrimonial – comme l’a rappelé Mme le rapporteur – dont les liens sont plus faciles à défaire et qui ne comporte aucun droit spécifique en matière familiale.

Si des partenaires de sexe différent liés par un PACS veulent entreprendre une démarche d’adoption, ils ont alors facilement la possibilité de recourir à l’institution du mariage, ce qui prouverait leur désir de fonder une véritable famille dans l’intérêt de l’enfant. Mais cette possibilité ne peut être offerte aux partenaires de même sexe, non autorisés au mariage institutionnel.

Pourquoi ce droit à l’adoption ne peut leur être accordé sur le fond ?

Si le désir d’enfant est naturel, le droit à l’enfant n’existe pour personne. L’enfant n’est pas un droit, ou le sujet d’un désir d’adulte : il est lui-même un sujet de droit. Vouloir aimer un enfant ne signifie pas simplement éprouver et vouloir donner de l’affection et de la tendresse, c’est d’abord vouloir pour lui les conditions objectives de sa croissance.

Or, garçon ou fille, l’enfant naît de la rencontre d’un homme et d’une femme, quelles que soient les méthodes utilisées, même artificielles, et cette rencontre d’un gamète mâle et d’un gamète femelle est constitutive de son humanité. Nier cette réalité, c’est nier la différence sexuelle, et nous entrons là dans un débat ontologique sur l’essence de l’être.

Dès son origine, l’enfant a besoin pour grandir, s’épanouir et découvrir sa propre personnalité des deux repères structurants, homme et femme, dans leur altérité, qui constituent un socle identitaire, un centre de gravité.

La tendresse et l’aptitude à l’éducation, même réelles, ne suffiront pas. Et la sacro-sainte liberté, l’individualisme, l’affirmation de l’égalité par tous revendiqués n’impliquent pour autant ni la négation des limites à ne pas franchir ni le nivellement des différences. « Ce qui est en jeu, ce sont les repères identificatoires de l’enfant », affirme le philosophe Xavier Lacroix.

Dès lors que les choix individuels qui relèvent du domaine privé ne respectent pas l’intérêt général, et, plus particulièrement dans le cas de la proposition de loi qui nous est soumise, l’intérêt supérieur de l’enfant, le législateur ne peut et ne doit ériger ces choix en norme.

Le mot « parenté » a une signification précise qui englobe l’engendrement, la filiation, les racines.

Le mot « parentalité » qui est proposé aujourd’hui obscurcit la notion précédente. Il signifie seulement aptitude à aimer et à éduquer, et il ouvre ainsi la porte à tous les excès que la technique est à même de satisfaire, faisant oublier que l’être humain est avant tout un don.

Le PACS n’institue pas la famille. L’enfant adopté doit être confié à une famille, fondée sur le mariage, union d’un homme et d’une femme.

Je terminerai cette brève réflexion en citant Freud : « Il est assez étrange […] que les interdictions les plus puissantes […] soient les plus difficiles à justifier. Cela est dû au fait que les justifications sont préhistoriques et ont leurs racines dans le passé de l’homme ». Que cette réflexion alimente la vôtre ! Pour ma part, je ne pourrai pas voter ce texte.

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’apporterai simplement quelques éléments après ces interventions, toutes de haute tenue et de très grande qualité, et extrêmement respectueuses des points de débat qui traversent à la fois votre assemblée et notre société.

Permettez-moi de saluer le travail effectué par le rapporteur et la commission des lois dans son ensemble, qui ont examiné la question posée de manière très ouverte et approfondie, une question qui doit en effet être d’abord envisagée sous le prisme de l’intérêt de l’enfant ; beaucoup d’entre vous l’ont dit.

Il a été rappelé à juste titre, et j’y faisais allusion moi-même dans mon propos liminaire, le rôle qu’a joué Jean-Pierre Michel lors du débat sur le PACS. Je ne reprendrai pas son propos. Je souhaite simplement réagir au sujet d’un point d’actualité sur lequel il s’est arrêté, car je ne l’ai pas fait tout à l’heure. Il s’agit de l’adoption d’enfants venus d’Haïti. Ce sujet est peut-être un peu éloigné du débat, mais c’est l’occasion d’en dire un mot.

Le souhait du Gouvernement était de trouver un équilibre entre, d’un côté, le désir des adoptants français d’obtenir rapidement l’arrivée en France de leurs enfants – cette situation avait même presque déclenché une polémique dans le débat public tant le sentiment d’urgence était prégnant – et, de l’autre, la volonté de ne pas augmenter le risque de fraude qui aurait pu conduire à l’arrivée dans notre pays d’enfants non abandonnés ou non adoptés.

Un autre aspect était d’éviter l’arrachement brutal des enfants à leur environnement, pour ceux d’entre eux qui à un moment ou un autre pouvait avoir vocation à partir, à plus forte raison dans un contexte de désastre. Ce dernier élément devait être pris en compte pour que l’éventuelle adoption soit réussie et ne représente pas un traumatisme supplémentaire pour les enfants concernés.

L’opération a abouti concrètement à 400 arrivées en France d’enfants concernés par un jugement haïtien d’adoption. Ce type de jugement a d’ailleurs repris en Haïti depuis quelques jours.

Madame le rapporteur, j’ai dit tout à l’heure tout l’intérêt que nous portons à votre travail. Je suis d’accord avec vous : le PACS est avant tout un contrat patrimonial – même s’il n’est pas que cela – qui organise la vie matérielle des partenaires et qui n’offre pas toutes les protections qu’accorde le mariage en cas de rupture. Je ne porte ici aucun jugement moral, ce n’est pas l’objet de la discussion.

Le droit positif permet déjà d’aménager l’autorité parentale et le droit des tiers, et nous continuerons à travailler sur cette question en nous appuyant sur le rapport de Jean Leonetti sur le sujet en vue d’élaborer un nouveau projet de loi.

Monsieur Yung, je ne vais pas reprendre toute votre intervention, fort intéressante. Nous pensons néanmoins, et c’est un point qui revient souvent dans ce débat, que l’enfant adopté par un couple marié sera protégé par un cadre institutionnel plus sécurisant, notamment en cas de séparation de ses parents adoptifs.

Vous avez d’ailleurs reconnu, comme d’autres orateurs, qu’un quart des PACS aboutissaient à un mariage, ce qui ouvre droit à l’adoption. Cela démontre que de nombreuses personnes pacsées souhaitent aller plus loin dans leur vie de couple et dépasser sa seule dimension d’organisation.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État

Mme Terrade a parlé de l’évolution des droits des pacsés. Mme le garde des sceaux présentera bientôt un projet de loi qui évitera aux partenaires de se déplacer au tribunal d’instance pour faire enregistrer leur convention de PACS, si celle-ci est rédigée par un notaire.

Mme Terrade nous a également fait part de sa crainte que ne s’installe un certain immobilisme sur ces questions. J’ai pourtant évoqué toutes les avancées, y compris récentes, qui tendent à consolider le PACS. Nous allons continuer dans cette voie.

Je remercie Mme Rozier pour les précisions qu’elle a apportées. Elle a eu raison de rappeler que l’adoption, événement majeur de la vie de l’enfant adopté, doit intervenir dans le cadre le plus stable possible et être assortie du contrôle de la commission chargée de l’agrément des adoptants.

Il est vrai, madame Cerisier-ben Guiga, que le mariage ne garantit pas contre les aléas de la vie, et notamment contre les séparations. Le droit français encadre toutefois ces ruptures de façon à protéger les époux et les enfants.

Il n’est pas forcément souhaitable d’ajouter les difficultés liées à une rupture non encadrée à celles résultant de l’adoption. Que les enfants soient biologiques ou adoptés, ils souffrent de la séparation de leurs parents, mais le droit du divorce permet de protéger les ex-époux et de préserver l’intérêt de l’enfant.

Vous avez évoqué d’autres points, mais je n’ai pas vocation à me prononcer sur chacun d’entre eux. Au cours d’un tel débat, chacun exprime avant tout ce qui lui tient à cœur.

Mme Dupont a parlé de la dimension d’altérité, qui n’avait pas été évoquée aussi explicitement par les orateurs précédents. Il s’agit d’un élément de fond, qui fait vraiment débat. Disant cela, je ne me pose pas en juge : chacun se prononce sur ces questions à titre personnel. Ainsi, sur ce point précis, je ne m’exprimerai pas au nom du Gouvernement. Pour ma part, je suis très sensible à cette dimension d’altérité. Je me sens d’ailleurs en phase avec les analyses développées de manière convaincante par Sylviane Agacinski, dont j’ai lu les articles et les livres sur la question : je partage sa vision du devenir de notre société. Je tenais à le dire, dans un esprit ouvert et respectueux des différents points de vue.

Quel que soit le sort de cette proposition de loi, sur laquelle je vous ai donné le point de vue du Gouvernement, je pense que le débat était utile. Il nous a permis d’échanger librement, dans un esprit d’ouverture, sur des questions de société qui intéressent nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale et de l’amendement tendant à insérer un article additionnel après cet article.

L’article 343 du code civil est complété par les mots : « ou par deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais répéter des arguments qui ont déjà été développés, mais la meilleure pédagogie consiste à répéter. Je ne désespère pas de convaincre quelques collègues de la majorité de voter cette proposition de loi.

Cela a été dit, le PACS représente une belle avancée de notre société et fait partie des grandes réformes qui font honneur à la France.

Nous nous retrouvons aujourd’hui, comme à l’automne dernier, pour essayer d’étendre les droits des partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Force est de constater, sans esprit de polémique, que l’immobilisme et le conservatisme sont hélas encore très présents sur les travées de la majorité, déconnectée de la réalité.

La réalité, c’est que la société est prête depuis déjà de nombreuses années à l’aménagement de l’article 343 du code civil relatif à l’adoption.

En octobre 1999, grâce à quelques élus faisant figure de pionniers, notamment Jean-Pierre Michel, le gouvernement de Lionel Jospin a instauré le PACS afin de se conformer à l’évolution des mœurs. Cette même évolution justifie aujourd’hui la présentation de cette proposition de loi.

En plus de dix ans, plus de 700 000 PACS ont été enregistrés. Ce n’est donc pas un phénomène marginal ! Pendant que le mariage accuse une baisse régulière des enregistrements, le PACS continue de croître. L’Institut national d’études démographiques indique ainsi une hausse annuelle de près de 43 % du nombre de PACS signés.

Sans vouloir faire de provocation, il me semble bien, après avoir entendu les propos de Mme Dupont, que l’idée sous-jacente de votre refus est d’empêcher les couples homosexuels d’adopter. Or je vous rappelle que de nombreux couples homosexuels élèvent des enfants, parfois conçus de manière critiquable ; je connais ainsi des cas d’enfants achetés à des mères porteuses.

La décision de la cour d’appel de Rennes du 30 octobre 2009 a donné à un couple séparé de femmes homosexuelles la délégation d’autorité parentale, avec exercice partagé au profit de celle qui n’avait pas porté l’enfant.

Une deuxième décision est venue implicitement reconnaître le couple homosexuel. Le 10 novembre 2009, le tribunal administratif de Besançon a ordonné au conseil général du Jura de délivrer un agrément d’adoption à une femme homosexuelle vivant en couple avec une autre femme, à la suite du refus obstiné du président du conseil général d’accorder cet agrément.

Au demeurant, je rappelle que 95 % des PACS sont souscrits par des hétérosexuels. J’espère que ce chiffre vous fera réfléchir...

De plus, Mme le rapporteur indique dans ses conclusions que la nature du couple, homosexuelle ou hétérosexuelle, comme son statut conjugal, qu’il s’agisse d’époux, de partenaires ou de concubins, ne préjuge en rien de leur capacité affective ni de la qualité du lien que les deux parents pourront nouer avec l’enfant.

Le rapport de la commission des lois précise que l’adoption doit être conçue dans l’intérêt de l’enfant. Nous sommes d’accord ! Mais nous pensons que le PACS protège cet intérêt par le projet naissant d’une union civile de solidarité.

Croyez-vous que l’intérêt de l’enfant soit respecté lors de divorces violents ou sordides ? Pour ma part, je ne le pense pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il n’y a pas les gentils pacsés d’un côté, et les méchants mariés de l’autre...

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Le PACS est aujourd’hui synonyme de stabilité dans le couple, puisque l’on relève moins de dissolutions de PACS que de divorces.

Vous considérez que les couples pacsés ne devraient pas adopter car vous ne reconnaissez pas la stabilité du PACS. Selon vous, il n’offrirait pas à l’enfant la stabilité affective et familiale qui lui est nécessaire. Or une majorité d’enfants naissent désormais en dehors du mariage et, comme l’a rappelé Mme Dupont, hors d’un schéma bien établi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Permettez-moi d’être légèrement provocateur : si l’on suivait le raisonnement de Mme le rapporteur, il faudrait interdire aux partenaires pacsés de procréer puisque seul le mariage confère stabilité et filiation à l’enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Le PACS assure aujourd’hui une sécurité affective et sociale suffisante pour l’adoption.

Il n’en demeure pas moins un point de désaccord : la sécurité juridique de l’enfant. Le droit reconnaît l’autorité parentale. Depuis la loi du 4 mars 2002, les droits et devoirs des parents sont les mêmes, quel que soit leur statut conjugal. La décision de la cour d’appel de Rennes du 30 octobre 2009 confirme la délégation d’autorité parentale avec exercice partagé.

J’ajoute que la sécurité juridique de l’enfant en cas de séparation est prévue dans l’amendement proposé par Jean-Pierre Michel, qui tend à insérer article additionnel visant à rendre obligatoire la saisine du juge des affaires familiales pour faire respecter le droit des parents et l’intérêt de l’enfant.

Mes chers collègues de la majorité, je vous renvoie à vos contradictions. Le gouvernement que vous soutenez n’a-t-il pas proposé que le divorce soit prononcé devant notaire, et non plus devant le juge ? Quelles garanties y aurait-il alors pour les enfants de divorcés devant notaire ?

Notre droit permet à un couple marié depuis au moins deux ans d’adopter un enfant. Cette possibilité n’est pas offerte aux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité, qui ne peuvent entreprendre ensemble une démarche d’adoption. Il s’agit d’une ségrégation contestable, qui ne correspond pas à la tradition française.

Notre droit permet, en revanche, de demander à adopter individuellement, quel que soit son statut conjugal. N’y a-t-il pas là un paradoxe absurde ?

Le texte proposé aujourd’hui apporte, conformément aux recommandations du rapporteur, la sécurité affective, sociale et juridique de l’enfant. Je le redis haut et fort : le PACS ne doit plus être un frein à l’adoption !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je vais mettre aux voix l’article unique de la proposition de loi.

Je suis saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que, si cet article était rejeté de même que l'amendement visant à insérer un article additionnel après cet article, la proposition de loi serait rejetée et personne ne pourrait plus prendre la parole.

Je rappelle également que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre cet article unique.

Personne ne demande la parole ?...

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici le résultat du scrutin n° 166 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 515-7 du code civil, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... - Sauf dans les cas de dissolution par le mariage des partenaires entre eux, lorsqu'un ou plusieurs enfants sont nés du couple pacsé, lors de la dissolution du pacte civil de solidarité, le juge aux affaires familiales est obligatoirement saisi afin de statuer selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant sur sa résidence, le montant de la contribution à son entretien et à son éducation et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. »

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Comme je suis un bon élève en commission des lois, j’écoute notamment ce que disent Mme le rapporteur – même si je ne suis pas toujours d’accord avec elle – et les membres de la commission des lois, M. Gélard en particulier. C’est la raison pour laquelle je présente cet amendement rectifié.

Pour tous les enfants nés hors mariage – je vise le PACS, mais aussi le concubinage et l’union libre, cas dans lesquels il est très difficile de connaître le moment de la rupture –, il n’y a presque jamais de saisine du juge aux affaires familiales.

Les parents trouvent un accord – dans leur intérêt plus que dans celui de l’enfant, d’ailleurs – notamment sur la garde de l’enfant et le choix de l’école où il sera scolarisé.

Lorsqu’un conflit surgit, souvent à l’occasion d’un déménagement ou d’un changement d’établissement scolaire, les parents sont désemparés, notamment la mère, qui, le plus souvent, exerce la garde effective de l’enfant.

J’ai rencontré beaucoup de personnes dans cette situation à ma permanence, avant, en tant que député, et aujourd’hui, en tant que sénateur. Je leur conseille toujours de saisir le juge aux affaires familiales qui réglera, dans l’intérêt de l’enfant, toutes les questions relatives à l’exercice du droit de garde et du droit de visite, ainsi qu’à la pension compensatoire.

Cet amendement a donc pour objet de répondre à ce qui constitue une lacune de notre droit et ne concerne que les couples pacsés, pour lesquels on peut connaître exactement le moment de la rupture. Il tend à préciser que, sauf lorsque le PACS prend fin pour cause de mariage des pacsés – il y a alors dissolution automatique du PACS attestée par l’inscription en marge de l’acte par l’officier de l’état civil –, le juge aux affaires familiales sera obligatoirement saisi aux fins de statuer sur toutes ces questions relatives aux enfants, adoptés ou non, du couple pacsé.

Tel est l’objet de cet amendement, qui devrait être adopté par la totalité des membres du Sénat, dans l’intérêt de l’enfant, à moins que nous ne soyons dans une assemblée d’hypocrites !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

constitue en fait à lui seul un autre texte. Il ne se situe plus sur le terrain de l’adoption proprement dite et semble sans lien avec l’article unique, puisqu’il concerne des enfants nés de couples pacsés. À ce titre, il aurait pu être considéré comme irrecevable, mon cher collègue.

Mais ce débat est utile et le présent amendement contribue à faire avancer notre réflexion.

Il s’agit donc d’obliger les partenaires pacsés qui se séparent alors qu’ils ont des enfants à saisir le juge aux affaires familiales afin qu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et la contribution à l’entretien des enfants.

Ce faisant, on tente de remédier à l’insécurité juridique plus grande dans laquelle peuvent être placés les enfants de concubins ou de pacsés par rapport aux enfants d’un couple marié, dans la mesure où rien ne garantit les premiers qu’un tiers impartial se prononcera au mieux de leur intérêt comme cela se passe pour les seconds.

Ce point constituait l’une des réserves importantes formulées dans le rapport de la commission sur cette proposition de loi.

Je salue cette avancée.

Cependant, je le répète, la réponse apportée est trop lacunaire. La modification proposée ne garantira pas aux enfants adoptés par un couple pacsé une protection équivalente à celle qui est accordée aux enfants adoptés par un couple marié.

En effet, comme je le montre dans mon rapport écrit, les enfants issus de couples non mariés restent exposés à un risque de plus grande instabilité, les ruptures intervenant plus souvent et plus tôt entre partenaires ou concubins. Or il convient de garantir aux enfants adoptés la situation la plus stable possible.

Chers collègues, dans vos interventions, vous parlez d’enfants nés de couples pacsés ou mariés, pas d’enfants adoptés ! J’en suis désolée, mais je crains que vous ne sachiez pas bien ce qu’est l’adoption.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Au risque d’insister, je me dois de préciser que les enfants adoptés ont vécu un drame. Pour reprendre l’exemple des enfants d’Haïti dont vous parliez, monsieur le secrétaire d’État, ces enfants-là ont, quant à eux, connu deux drames. Voilà pourquoi nous devons les « surprotéger », en quelque sorte, et leur éviter de vivre un drame supplémentaire.

Le dispositif ici proposé est très incomplet. Il ne définit pas la façon dont le caractère obligatoire de la saisine du juge sera assuré.

Actuellement, dans le cas du mariage, le juge aux affaires familiales est saisi pour prononcer le divorce et statuer en même temps sur l’autorité parentale.

Dans le cas du PACS, aucun juge n’ayant à prononcer la séparation, qui intervient sur simple déclaration – parfois même, comme je l’ai rappelé, de manière unilatérale –, rien ne garantit la saisine automatique du juge aux affaires familiales.

Par ailleurs, avec le dispositif envisagé, nous devons tout de même nous interroger sur le risque de dénaturation du PACS.

Le pacte civil de solidarité répond, dans son esprit, à une logique propre, empruntant à l’union libre la liberté d’engagement et de rupture et, au mariage, la protection patrimoniale, mais sans avoir aucune vocation familiale spécifique.

L’introduction d’un passage obligé devant le juge aux affaires familiales modifierait sensiblement l’équilibre sur lequel repose actuellement le PACS. Or je ne suis pas sûre que toutes les personnes pacsées aujourd’hui souhaitent une telle évolution.

Parlant de l’adoption, vous partez certes du constat, que nous partageons, d’une protection moindre des enfants issus de couples non mariés, mais pour proposer une disposition unique et globale qui, s’appliquant à l’ensemble des pacsés, risque de dénaturer totalement le contrat sans correspondre à ce que recherchent vraiment les intéressés.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État

Le Gouvernement fait sienne l’argumentation développée par Mme le rapporteur, qui a été très complète, et émet également un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je serai bref, car je vois bien que nos logiques sont parallèles.

Je remercie d’ailleurs Mme Des Esgaulx de la propagande qu’elle vient de faire en faveur du PACS, elle qui est si soucieuse d’éviter qu’il ne soit dénaturé… Mais, après tout, ceux qui ont enfanté le PACS sont peut-être libres de le dénaturer, bien sûr dans le bon sens, ma chère collègue !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Pour le reste, cet amendement n’est motivé que par l’intérêt des enfants. Certes, les couples pacsés ne souhaitent peut-être pas être obligés, en cas de séparation, de recourir à un juge pour statuer sur le sort des enfants qu’ils ont eus ou qu’ils ont adoptés, mais ce n’est pas notre problème ici !

Notre seul souci est l’intérêt des enfants de ces couples, des enfants qui doivent – au moment de la rupture, et pas après, pour éviter d’autres drames pires encore – savoir quel sera leur statut, qui les gardera, comment s’exercera le droit de visite et quel sera le montant de la pension. La volonté des couples pacsés, en l’occurrence, ne m’intéresse pas !

Nous n’avons jamais eu d’autre préoccupation, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, à l’occasion du dépôt de cette proposition de loi, que l’intérêt des enfants, mais il est vrai que nous n’en avons pas la même conception que les membres du groupe UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mon cher collègue, il est vrai que cette question, en tant que telle, mériterait un débat ; certaines réflexions ont d'ailleurs déjà été menées sur ce thème, et je vous renvoie sur ce point au rapport Leonetti, notamment.

Toutefois, en cas de rupture, quelle est la différence entre un couple de pacsés et un couple de concubins ?

En effet, même si, comme on l’a souligné, les personnes qui vivent en union libre se marient parfois après la naissance du premier enfant, il existe aussi – nous en connaissons tous ! – des concubins qui n’ont pas conclu de PACS mais qui ont un ou plusieurs enfants. S’ils se séparent, la question se pose de la même manière pour eux. Ils peuvent avoir recours au juge, bien entendu, mais il s'agit dans ce cas d’une décision qu’ils prennent de leur propre initiative.

Or, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, le PACS est un contrat que l’on peut rompre unilatéralement ; obliger ses signataires à régler devant le juge le problème des enfants semble donc difficile, car cela introduirait une distorsion. Telle est la seule réflexion complémentaire que je souhaitais apporter à ce débat.

Cet amendement traite non de l’adoption mais d’un autre sujet. Toutefois, monsieur Michel, puisque vous l’avez déposé en réaction à un élément du rapport, ce que je comprends fort bien, d'ailleurs, car le dialogue est nécessaire, il nous fallait l’examiner en même temps que la proposition de loi.

Je demeure convaincu que nous devons continuer à réfléchir sur cette question, mais pour la traiter de façon globale, et non pas parcellaire. Il s'agirait de prendre en compte la situation de tous les enfants nés du couple, car d’autres problèmes se posent par ailleurs que, en tout état de cause, nous n’aborderons pas ce soir, car il n'y a pas d’autre amendement en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié de M. Michel, tendant à insérer un article additionnel après l’article unique de la proposition de loi.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici le résultat du scrutin n° 167 :

Le Sénat n'a pas adopté.

L’article unique de la proposition de loi ayant été rejeté, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article unique, je constate qu’il n'y a pas lieu de voter sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 mars 2010 :

À quatorze heures trente :

1. Scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République en remplacement de M. Hubert Haenel et de M. Bernard Saugey.

2. Débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias.

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

3. Questions cribles thématiques sur l’éducation et l’ascension sociale.

À dix-huit heures :

4. Désignation des vingt-cinq membres de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

5. Débat sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures vingt.