Intervention de Nora Berra

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Services sociaux — Rejet d'une proposition de loi

Nora Berra, secrétaire d'État :

Je tiens à préciser que ces pays se sont simplement contentés de copier la directive. Madame le rapporteur, vous le reconnaissez vous-même, le vote d’une loi-cadre ne constitue pas, en soi, un gage de sécurité juridique accrue.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plutôt que de rechercher de fausses solutions, le Gouvernement a veillé à porter à votre connaissance toutes les informations nécessaires. Tel fut l’objet de la mission relative à la prise en compte des spécificités des services d’intérêt général, présidée par Michel Thierry.

De plus, au cours des travaux de la mission interministérielle, le Gouvernement s’est assuré que toutes les professions concernées soient associées à l’examen des textes.

Par ailleurs, trois semaines après l’expiration du délai de transposition, le rapport de synthèse a été publié. Le Gouvernement a tenu à cette transparence, essentielle pour éclairer nos concitoyens et pour éviter ce déficit démocratique que l’on reproche encore trop souvent à l’Union européenne.

J’ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement vous a transmis hier les fameuses fiches IPM, qu’il avait adressées à la Commission européenne au début du mois de janvier. Vous avez regretté, je le sais, que ces fiches ne vous aient pas été communiquées dès le départ. Sans doute le Gouvernement aurait-il pu vous les faire parvenir plus tôt, mais, quoi qu’il en soit, il n’a rien à cacher : ces fiches sont purement descriptives et ne recèlent aucun secret, comme vous-mêmes avez eu l’occasion de le constater.

Madame le rapporteur, le deuxième enjeu sur lequel vous avez souhaité centrer notre discussion concerne la stratégie mise en place par le Gouvernement pour promouvoir les services sociaux d'intérêt général aux niveaux national et communautaire.

Selon vous, le Gouvernement ne ferait pas suffisamment d’efforts en ce domaine. Loin de partager cet avis, je veux souligner au contraire que l’action gouvernementale ne faiblit pas et que, avec ses partenaires européens, la France ne cesse de promouvoir ces services sur le plan communautaire. J’illustrerai mon propos par trois exemples.

Premièrement, le Gouvernement a interrogé la Commission sur le droit des aides d’État. L’ensemble du régime juridique applicable en la matière a été adopté en 2005, et forme ce qu’il est convenu d’appeler le paquet « Monti-Kroes ». Il était prévu que les États membres en dressent un bilan au bout de trois ans. C’est ce que le Gouvernement a fait ; en se fondant notamment sur les auditions conduites dans le cadre du rapport de Michel Thierry, il a interrogé la Commission sur deux points particulièrement problématiques.

D’une part, la qualification « aide d’État » se trouve parfois appliquée aux financements d’activités, qui, selon le Gouvernement français, devraient y échapper dans la mesure où ils n’ont aucun impact sur le commerce entre États membres. Le Gouvernement l’a signalé à la Commission dans le rapport qu’il lui a remis au mois de mars 2009.

D’autre part, nombre des parties prenantes avec lesquelles le Gouvernement a largement travaillé, notamment des élus locaux, se demandent si elles sont obligées de recourir aux procédures de passation de marché public. Une clarification du cadre juridique est nécessaire. Là encore, le Gouvernement l’a indiqué à la Commission.

Cette dernière devait réagir avant la fin de l’année 2009. Force est de constater qu’elle a pris beaucoup de retard. Dès l’ouverture de la consultation publique annoncée, la France lui rappellera que, sur ces deux points, une évolution est nécessaire.

Deuxièmement, notre pays continue d’agir avec ses partenaires européens pour promouvoir les services sociaux en Europe. Il est très engagé dans toutes les discussions dans ce domaine, ainsi que dans la défense de ces services.

La France participe de façon active aux travaux du Comité de la protection sociale, en particulier au sous-groupe de travail sur l’application des règles communautaires aux services sociaux d’intérêt général, présidé par M. Spiegel. Y sont actuellement examinées non seulement les questions relatives aux partenariats public-privé, mais aussi le rôle et la place des prestataires à but non-lucratif ou encore les alternatives possibles aux procédures de marchés publics.

D’autres initiatives existent, conduites notamment sous l’impulsion du Parlement européen. Je pense au rapport en cours de préparation sur l’avenir des services sociaux d’intérêt général, sous le pilotage de M. De Rossa, sans oublier les travaux de l’intergroupe politique présidé par Mme Castex, travaux qui portent justement sur les services d’intérêt général et les services sociaux.

Si la France suit ces initiatives avec un très vif intérêt, c’est tout simplement parce que le Gouvernement considère les services sociaux d’intérêt général comme l’un des fondements du modèle social européen.

Troisièmement – j’en viens ainsi au dernier exemple que je voulais citer –, le Gouvernement a tenu à aborder la question des services sociaux d’intérêt général dans sa contribution à la consultation sur la future stratégie UE 2020 organisée par la Commission européenne, contribution qu’il a adressée à la Commission le 13 janvier dernier. Précisons que la consultation précitée a vocation à embrasser tous les sujets intéressant l’avenir de l’Union européenne.

Je ne reprendrai pas le contenu exhaustif de cette contribution, mais permettez-moi d’en citer deux passages. À la page 3, le Gouvernement affirme que « s’agissant […] des services sociaux d’intérêt général, la nouvelle stratégie doit chercher une plus grande cohérence des interventions communautaires et une meilleure complémentarité avec les interventions au niveau national ».

Par la suite, il indique que « l’approfondissement du marché intérieur ne réussira pas s’il est perçu comme comportant un risque de remise en cause des acquis sociaux fondamentaux ». Cette mise en garde, nous avons fait le choix de l’adresser clairement à la Commission, car nous sommes convaincus que les services sociaux d’intérêt général ne s’opposent pas au développement du marché intérieur, mais qu’ils doivent y trouver une juste et légitime place. La France continuera ses efforts pour que ce cadre soit clairement et justement défini.

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour que l’avenir des services sociaux en Europe soit assuré et clarifié, et pour qu’il soit synonyme de progrès pour la construction communautaire.

Certains de nos partenaires européens restent encore à convaincre ; d’autres s’interrogent sur les modalités de la coexistence de ces services avec un marché intérieur fondé sur la libre concurrence. Nous ne devons pas nier ces difficultés, ni prétendre imposer une forme de protectionnisme juridique au bénéfice de tel ou tel service en la créant de toutes pièces. Nous devons au contraire affirmer que l’Europe que nous voulons est aussi une Europe sociale, porteuse d’emploi et de croissance durable, qui réaffirme la place des services sociaux d’intérêt général en son sein et auprès de tous ses citoyens.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demeure mobilisé et soutient – et il continuera de le faire – les initiatives qui permettent une plus juste promotion des services sociaux en Europe. Je suis satisfaite que ce débat ait pu avoir lieu aujourd’hui au Sénat, même si, au nom du Gouvernement, j’invite les membres de la Haute Assemblée à rejeter la présente proposition de loi.

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