Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, avant d’en venir à la proposition de loi qui nous est soumise, il me semble important de commencer par bien comprendre les objectifs poursuivis par la directive Services.
Cette directive vise la réalisation d’un véritable marché intérieur des services, secteur qui représente 70 % de l’économie européenne et dans lequel une très grande partie des emplois sont créés, mais qui n’est à l’origine que de 20 % des échanges transfrontaliers.
À cette fin, la directive instaure un cadre juridique commun avec quatre objectifs : faciliter la liberté d’établissement et de prestation de services au sein de l’Union européenne grâce à des mesures de simplification des formalités administratives, renforcer les droits des destinataires des services en tant qu’utilisateurs, promouvoir la qualité des services et, enfin, établir une coopération administrative effective entre les États membres.
La directive Services garantit que les États membres permettent un libre accès des prestataires de services européens aux activités de services, ainsi que leur libre exercice sur leur territoire.
Il ne s’agit cependant pas d’une ouverture dépourvue d’exigences puisque la directive prévoit les conditions dans lesquelles les États membres peuvent encadrer ces activités.
Je tiens à rappeler que la disposition qui a suscité les débats les plus nombreux, à savoir le principe dit « du pays d’origine », a été supprimée. Le Sénat demandait déjà, par l’intermédiaire de sa délégation pour l’Union européenne, l’exclusion de ce principe, qui ouvrait la porte au dumping social. Tout le monde se souvient de l’exemple caricatural du plombier polonais !
Finalement, ce principe a donc été abandonné, et l’État membre dans lequel le service est fourni continue de pouvoir imposer des exigences nationales aux prestataires établis dans un autre État membre, à condition que ces dernières soient nécessaires, c’est-à-dire « justifiées par des raisons de sécurité publique, de protection de l’environnement ou de santé publique » Ces conditions doivent également être non discriminatoires entre États membres et proportionnées à l’objectif poursuivi.
J’en viens, à présent, à la transposition de la directive au sein des États membres.
Cette directive invite chaque État membre à passer en revue, sur son territoire, les activités réglementées et les régimes d’autorisation en vue de garantir la liberté d’établissement et de prestation de services au sein de l’Union européenne.
C’est donc bien à un examen de la conformité du droit existant, plus qu’à une transposition de normes nouvelles, que cette directive conduit.
Or pour ce qui concerne les services sociaux qui nous intéressent tout particulièrement en cet instant, le Gouvernement a constaté que l’organisation sociale et médico-sociale de notre pays était déjà très largement compatible avec les dispositions de la directive Services.
Quelques modifications ont été opérées, et le Parlement français a, bien entendu, été associé à l’élaboration de celles qui relevaient du domaine législatif. Ainsi, notamment, grâce à la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la procédure d’autorisation dans le secteur médico-social a été rectifiée. D’autres modifications sont d’ordre réglementaire et, selon la Constitution, sont du ressort du Gouvernement.
Le 5 janvier dernier, le Gouvernement a transmis à la Commission européenne quelque 500 fiches d’autorisation précisant, d’une part, les services qui seront exclus du champ de la directive, et, d’autre part, ceux qui ont nécessité une révision de la réglementation française afin de les adapter à la directive.
J’en arrive à la question des conséquences de la directive Services sur les services sociaux et médico-sociaux.
Il faut tout d’abord savoir que la très grande majorité des établissements et services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive. Ils satisfont, en effet, aux deux critères cumulatifs d’exclusion. D’une part, ils sont relatifs au logement social, à l’aide sociale à l’enfance, à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant dans une situation de besoin, qu’elle soit temporaire ou permanente. D’autre part, ils sont assurés par des prestataires mandatés par l’État ou par une collectivité publique.
Madame la secrétaire d'État, certains de mes collègues ont reçu récemment des associations qui leur ont fait part de leurs inquiétudes ; je pense, notamment, à l’Union nationale des associations de soins et services à domicile, l’UNASSAD. Il serait important que vous puissiez les rassurer lors d’une rencontre ou d’une conférence organisée avec l’ensemble de ces associations.
Dans le secteur médico-social, seuls certains établissements d’accueil des jeunes enfants et de services à la personne relèvent du champ d’application de la directive, comme les crèches et les halte-garderies. Ces structures ont, avant tout, pour mission d’offrir un service aux familles : il s’agit pour elles non de mettre l’enfant à l’abri du danger, mais de permettre aux parents de concilier vie professionnelle et vie familiale. En cela, elles relèvent non pas directement de la politique sociale mais de la politique familiale et entrent dans le champ d’application de la directive.
Faut-il cependant s’en inquiéter ? Je ne le pense pas, car cette inclusion dans le périmètre de la directive ne remet en cause ni leur régime juridique ni leurs caractéristiques essentielles.
Que les services soient inclus ou exclus du champ d’application de la directive ne fait donc pas courir de risque de dérégulation ni d’abaissement des exigences de qualité.
Nous sommes tous dans cette enceinte attentifs aux valeurs d’égalité, de proximité et de soutien aux personnes les plus vulnérables. Les services sociaux et médico-sociaux participent de la réalisation de ces valeurs sur le territoire de la République. C’est pourquoi nous ne permettrons aucune remise en question de leur organisation ou de leur rôle. Soyez-en convaincus !
Selon moi, et vous l’avez certainement déjà compris, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par M. Ries n’apporte pas de garantie supplémentaire pour ce qui concerne le fonctionnement ou le financement des services sociaux et médico-sociaux. Son adoption risquerait même de mettre la France dans une situation difficile en créant des dispositions contraires au droit communautaire !
Tout d’abord, ainsi que je viens de l’expliquer, les régimes d’autorisation dans le secteur social et médico-social ne sont pas remis en cause par la directive Services. Nous devons être conscients de cette réalité.
Ensuite, l’article 1er de la proposition de loi est contraire au droit communautaire. Il est donc source d’insécurité juridique pour tout le secteur. En effet, il exclut l’ensemble des services sociaux et médico-sociaux du champ d’application de la directive, instituant ainsi un champ d’exclusion plus large que la directive elle-même. Le Parlement français se substituerait au Parlement européen qui a déjà légiféré alors que, en la matière, il doit se limiter à transposer ce qui a été voté par l’assemblée européenne.
En adoptant un article non conforme au droit communautaire, la France pourrait faire l’objet d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui fragiliserait ensuite tous les régimes d’autorisation et, par conséquent, tous les services médico-sociaux.
Enfin, les articles 2 à 5 de la proposition de loi ont pour objet de sécuriser les concours financiers versés par les pouvoirs publics aux associations.
Cependant, la directive Services ne traite en aucun cas des questions de financement et de marché public. En outre, les règles du droit communautaire en matière d’aides d’État ne remettent pas en cause le régime actuel des subventions qui sont autorisées sous quatre conditions : premièrement, l’entreprise ou l’association doit gérer un service d’intérêt économique général ; deuxièmement, elle doit être expressément mandatée à cette fin par les pouvoirs publics ; troisièmement, les paramètres qui ont permis de calculer la compensation financière liée à cette mission doivent avoir été préalablement établis de façon objective et transparente ; enfin, quatrièmement, les financements ne doivent pas excéder le montant nécessaire à la couverture des coûts afférents aux obligations de service public.
Par ailleurs, la convention élaborée avec les associations et les représentants des élus locaux dans le cadre des travaux préparatoires à la deuxième conférence de la vie associative du 17 décembre dernier prend bien en compte les exigences communautaires.
Là encore, les inquiétudes exprimées ne sont donc pas fondées.
Je souhaite réaffirmer devant vous, mes chers collègues, l’attachement des membres du groupe UMP à nos services sociaux : ils sont essentiels à la cohésion de notre pays et font partie des principes fondamentaux de la République.