Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Services sociaux — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi présenté aujourd’hui par Roland Ries et à propos de laquelle Mme le rapporteur a fait preuve d’un vrai souci de pédagogie, répond à une simple nécessité : inscrire dans le marbre de la loi la protection de nombre de nos services sociaux qui risquent, à terme, en tombant sous le coup de la directive Bolkestein, d’être démantelés.

Devant transposer en droit interne la très controversée directive Services, le Gouvernement, comme tous les gouvernements européens, avait le choix de la méthode.

Cependant, à l’opposé de presque tous les autres gouvernements qui ont opté pour une loi de transposition générale, procédé le plus clair, donnant à chaque État la meilleure marge d’interprétation par rapport à la directive, le gouvernement français a préféré une transposition sectorielle. Ce point a déjà été souligné, mais il ne me paraît pas inutile de le répéter : le Gouvernement a fait le choix d’une transposition compliquée, quasiment illisible, sans bruit et sans aucune concertation, bien cachée dans le labyrinthe des codes administratifs. Il a fait ainsi sciemment le choix d’exclure, une fois encore, le Parlement de la discussion.

Quand un gouvernement pourtant très enclin à l’inflation législative fait l’économie d’une loi, en particulier sur un sujet aussi délicat et essentiel que celui dont nous discutons, son attitude n’est plus suspecte, mais constitue déjà un aveu !

Sous couvert d’une complexité juridico-administrative, le Gouvernement a décidé de saisir l’opportunité rêvée que lui fournit la transposition de la directive Services pour mieux creuser le sillon de sa politique d’abandon des services sociaux. C’était la meilleure occasion de libéraliser à bon compte, c’est-à-dire sur le dos de l’Europe, en usant une nouvelle fois de l’éternel argument : « ce n’est pas nous, c’est l’Europe » !

Au contraire, les socialistes estiment que la construction européenne, même dans le contexte ultralibéral actuel, même en l’absence totale de programme social, est bien l’occasion d’asseoir notre attachement à des services sociaux de qualité et accessibles à tous.

Faire entrer dans le champ de la concurrence débridée des services sociaux allant de l’accueil de la petite enfance jusqu’à l’aide à domicile pour les personnes âgées, c’est non seulement mettre en péril la qualité des encadrements de ces secteurs intrinsèquement coûteux, mais aussi programmer la sélection des publics bénéficiaires et organiser l’exclusion des familles les plus fragilisées, car chacun sait que nous ne sommes pas tous égaux devant le marché !

Si nous nous dotons des outils adéquats, nous pouvons éviter d’en arriver là, car la directive ne nous impose en rien de sacrifier nos services sociaux ; c’est uniquement une question de volonté politique. Le Parlement européen l’a bien compris en ouvrant la porte à une interprétation la plus large possible des services exclus de la directive. Le Gouvernement persiste donc à suivre une position manifestement différente de celle de la Commission européenne.

Mes chers collègues, en tant qu’élus de terrain, vous savez comme nous que des pans entiers de nos services sociaux sont assurés par le tissu associatif. C’est le cas, par exemple, de 90 % des actions menées dans le secteur du handicap.

Vous savez que sans ce tissu et sans la sécurisation de ses relations avec les collectivités territoriales, des secteurs complets de l’action sociale disparaîtront.

Pourtant, ni les associations ni les collectivités territoriales n’ont été consultées. Selon les axes retenus par le Gouvernement, à l’inverse de plusieurs pays européens, les collectivités locales françaises ne sont même pas reconnues comme mandataires. Elles ne pourront donc pas remplir leur mission et seront assurément les premières victimes de cette transposition. D’ailleurs, l’Association des maires de France, l’AMF, a exprimé officiellement ses craintes à ce sujet.

En précisant l’objet des services sociaux qui seront exclus de la directive Bolkestein, en définissant explicitement la notion de service social d’intérêt général et le droit la concernant, en instaurant une exigence de mandatement pour la gestion des services sociaux sur la base d’une définition exacte de l’acte de mandatement ou en inscrivant dans la loi les principes fondamentaux applicables aux services sociaux d’intérêt général – l’accès universel, la continuité, la protection des utilisateurs –, la présente proposition de loi entend à la fois assurer efficacement la transposition de la directive Services, sécuriser le financement public de ces services et offrir aux Français un arsenal législatif mieux à même d’assurer la pérennité de nos services sociaux.

À l’instar de nos concitoyens, nous pensons que les services sociaux ne sont en aucune façon des services marchands, au service du profit. Ils sont au contraire au service de tous.

Mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, la plupart d’entre vous êtes ou avez été élu local. En tant que tel, vous avez eu la volonté de créer un grand nombre de services concernés par la directive, pour répondre aux attentes de nos concitoyens et pour améliorer leur qualité de vie. Ayant moi-même été maire, il me semble que c’est ce qui fait l’intérêt et la noblesse de ces mandats.

Ne vous laissez pas déposséder : soutenez et votez cette proposition de loi !

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