Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Services sociaux — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, mon propos a pour objet d’illustrer les précédentes interventions.

Nous nous interrogeons sur les éléments qui ont amené le Gouvernement à arbitrer en faveur de l’exclusion de la directive ou de l’inclusion en son sein de certains services.

Le pouvoir exécutif a ainsi choisi de protéger le logement social en renforçant le mandatement de ce secteur.

Toutefois, il utilise la directive Services pour déréguler d’autres marchés tels que l’accueil de la petite enfance, l’aide à domicile ou le soutien scolaire. Il le fait en catimini, en l’absence de toute transparence et de lisibilité, et sans associer le Parlement à cette démarche.

Comment expliquer que les établissements médico-sociaux, notamment ceux qui accueillent des personnes âgées dépendantes ou handicapées, soient exclus de la directive et non les services d’aide à domicile, qui interviennent pourtant auprès de la même population ?

Force est de constater que les choix du Gouvernement d’inclure ou d’exclure certains secteurs relèvent uniquement de ses propres objectifs politiques et n’obéissent pas à une grande cohérence juridique.

Une fois encore, le Gouvernement n’assume ni ses responsabilités ni ses choix. Il profite de la directive, et plus largement de l’Europe qui fait office de bouc émissaire, pour justifier cette dérégulation.

Je me refuse à ce que l’Europe porte une responsabilité qui n’est pas la sienne. Le nivellement et l’harmonisation vers le bas de notre système social ne sont ni inévitables ni souhaités par l’Union européenne.

Contrairement à la France, dont l’interprétation de la directive est restrictive, de nombreux pays européens – je citerai l’Allemagne – ont fait d’autres choix, notamment celui d’exclure du champ de la directive tout le secteur de la petite enfance.

L’accueil de la petite enfance doit-il être considéré comme un service d’intérêt général et d’utilité sociale ou bien s’agit-il d’un service comme un autre, soumis aux lois de la concurrence et du marché intérieur ?

Pour répondre à cette question, sachez que l’article 2.2.j) de la directive prévoit deux critères cumulatifs d’exclusion. Il exige que ces services reçoivent un mandat des pouvoirs publics et que les publics concernés par ces derniers se trouvent de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin.

Vous conviendrez, mes chers collègues, que les enfants de moins de six ans, a fortiori ceux de moins de trois ans, sont incontestablement vulnérables et doivent faire l’objet d’une attention particulière. Il ne fait aucun doute que leur accueil participe à l’éducation et relève donc des missions d’intérêt général. D’ailleurs, nous parlons bien d’accueil des enfants et non de garde !

L’autorisation d’ouverture délivrée par le président du conseil général ne constitue pas à elle seule un mandatement au sens de la directive Services. Cependant, l’ouverture d’une crèche nécessite, certes, une autorisation mais doit aussi respecter – ne l’oublions pas – les critères définis à l’article R. 2324-17 du code de la santé publique. Ce dernier et les circulaires afférentes précisent les missions des établissements d’accueil des jeunes enfants : obligation d’accueillir des enfants de bénéficiaires de minima sociaux ou porteurs de handicap, respect du barème de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, et réglementation de l’encadrement par les professionnels.

Le Gouvernement a donc choisi une interprétation restrictive. Ce choix, qui n’engage que lui, dont il a la seule responsabilité, ne nous étonne pas. Il s’inscrit dans un ensemble de décisions qui tend vers une dégradation des dispositifs existants.

De multiples expériences telles que les jardins d’éveil et les maisons d’assistants maternels ont été mises en place et encouragées dernièrement afin de respecter l’objectif des 200 000 places d’accueil supplémentaires annoncées à grand renfort médiatique ; mais cet objectif peine à être atteint.

Si, sur le fond, l’effort de développement et d’innovation relatif à l’offre d’accueil du jeune enfant est louable, il ne doit pas aller à l’encontre de la qualité de l’accueil. Je pense, notamment, au décret actuellement en cours de rédaction sur ce point précis. L’offre ne doit pas se développer au détriment des besoins fondamentaux des enfants, des attentes légitimes des familles ou des conditions de travail des professionnels.

Ce choix risque d’avoir des conséquences importantes tant sur le fonctionnement que sur le financement des établissements d’accueil des jeunes enfants. On peut se demander, en effet, comment la Commission évaluera les régimes d’autorisation. Remettra-t-elle en cause la réglementation actuelle ?

Enfin, la transposition effectuée par le Gouvernement ne règle pas la question du mandatement par les collectivités territoriales, collectivités qui n’ont pas été consultées, je tiens à le souligner, alors qu’elles mettent en place des dispositifs permettant aux enfants de bénéficier d’un accueil collectif. Leurs associations représentatives ont d’ailleurs exprimé leurs inquiétudes.

La proposition de loi présentée par notre collègue Roland Ries et par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés va donc dans le sens d’une sécurisation des services publics.

Elle marque notre désaccord avec le choix opéré par le Gouvernement et témoigne de notre volonté de travailler avec les collectivités, les associations, les professionnels et les usagers contre le démantèlement de ces services.

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