Permettez-moi de profiter de la discussion de l’article 1er pour me pencher avec attention sur la fameuse liste d’autorisations que le Gouvernement a bien voulu nous transmettre au dernier moment, c’est-à-dire hier, alors qu’il avait refusé de la communiquer aux députés.
Prenons un exemple qui illustre parfaitement ce que nous dénonçons par le biais de la présente proposition de loi, c’est-à-dire la passivité et le manque de volontarisme du Gouvernement pour promouvoir les services sociaux en France et en Europe.
L’article 15 de la directive Services prévoit que chaque État membre doit communiquer à la Commission européenne la liste des services pour lesquels il juge opportun de maintenir une autorisation préalable. Pour être légaux, les critères de l’autorisation doivent être conformes à un certain nombre d’exigences de la directive, comme la nécessité ou la proportionnalité.
Or le quatrième paragraphe de l’article 15 précise que les exigences de la directive ne s’appliquent que dans la mesure où elles ne font pas obstacle à la réalisation d’un service d’intérêt économique général. C’est bien pourquoi sur toutes les fiches que nous a communiquées le Gouvernement et qui concernent l’article 15 figure une case réservée à la question suivante : « l’exigence d’autorisation est-elle nécessaire à l’accomplissement d’une mission particulière confiée à un service d’intérêt économique général ? »
Et sur la fiche réservée à toutes les activités de service à la personne, que trouve-t-on comme réponse à cette question ? « Non », tout simplement « non » ! Selon le Gouvernement, le régime d’autorisation des services à la personne n’est pas lié à un service d’intérêt économique général. Tel est le cœur du problème.
Bien sûr, formellement parlant, le régime d’autorisation des services à la personne ne crée pas un service d’intérêt économique général. Mais en prenant une telle position à l’égard de la Commission européenne, le Gouvernement met la France en grande difficulté, pour ne pas dire qu’il renonce par avance à faire admettre à l’avenir à la Commission européenne que les services à la personne sont des services d’intérêt économique général. Vous hypothéquez l’avenir !
Maintenant que le Gouvernement a fait ce choix dans le dos du Parlement, comment pourrons-nous, demain, défendre sérieusement devant la Commission européenne l’idée que les services à la personne sont des services d’intérêt général ? Nous serons obligés de contredire une prise de position antérieure de la France ; nous ne serons plus crédibles ; nous donnerons le sentiment de faire volte-face ! Tel est, madame la secrétaire d’État, notre différend profond avec le Gouvernement.
En droit, votre position est irréprochable, elle évite le contentieux avec la Commission. Mais, politiquement, elle n’est pas acceptable : au moment même où nous essayons de mettre en place la couverture de la dépendance – le « cinquième risque » –, au moment même où nombre de personnes âgées sont de plus en plus fragiles et seules, vous envoyez à la Commission européenne un document, que je tiens à la disposition de tous nos collègues et qui indique explicitement que les services à la personne ne sont pas des services d’intérêt économique général.
Au lieu de saisir l’occasion de la transposition de cette directive pour affirmer des positions fortes de la France à l’égard du secteur social, le Gouvernement s’est contenté de procéder à une transposition sans ambition et sans vision, une transposition scolaire. C’est une faute politique que nous aurons beaucoup de mal à réparer au niveau européen !