Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le code civil réserve actuellement la possibilité d’adopter conjointement un enfant aux couples mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans.
La proposition de loi dont notre assemblée est saisie vise à étendre cette possibilité aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité conclu depuis plus de deux ans. Les auteurs de la proposition de loi défendent l’idée qu’une telle extension est justifiée à la fois par le fait que le pacte civil de solidarité est une forme de conjugalité maintenant bien établie dans la société et par le fait qu’elle permettrait à deux partenaires du même sexe d’adopter ensemble un enfant.
La commission des lois a considéré que la question ne devait pas être abordée sous cet angle. En effet, il ne s’agit pas de partir du succès rencontré par le PACS en nombre pour conclure à l’extension des droits auxquels il donne accès. De ce point de vue, l’institution de l’adoption n’est pas comparable aux avantages patrimoniaux dont bénéficient les conjoints ou les partenaires pacsés : l’adoption engage la vie d’un enfant auquel elle donne une nouvelle famille. C’est donc l’intérêt supérieur de l’enfant, et lui seul, qui doit être placé au centre des préoccupations.
Du reste, il s’agit là d’une exigence consacrée tant par le code civil que par la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies. Cette prévalence de l’intérêt de l’enfant interdit formellement de considérer qu’il puisse exister un droit à adopter.
Comme Jean-Marie Colombani l’a rappelé dans son rapport au Président de la République sur l’adoption, « celles et ceux qui désirent adopter doivent savoir qu’il n’y a pas, il ne peut y avoir, un droit à l’adoption d’un enfant : l’adoption ne doit exister que dans l’intérêt de l’enfant ; elle s’inscrit dans une politique de protection de l’enfance ; ce sont les droits et les intérêts de l’enfant qu’il faut promouvoir et respecter ».
Par conséquent, mes chers collègues, il n’y a pas un droit à adopter ; il y a des droits de l’enfant !
Je voudrais à cet égard insister sur la situation de particulière vulnérabilité dans laquelle se trouvent les enfants à adopter : ils sont marqués par la détresse d’une première rupture. Qu’ils soient orphelins ou non reconnus, qu’ils aient été abandonnés à leur naissance ou délaissés par leurs parents, leur histoire filiative est interrompue. L’adoption constitue alors pour eux, comme pour leurs futurs parents adoptifs, une chance autant qu’un défi, puisqu’il leur appartiendra de surmonter cette première souffrance et de retrouver une stabilité affective et personnelle au sein de leur nouvelle famille.
Les auditions que j’ai conduites ont toutes confirmé cette vulnérabilité particulière des filiations adoptives qui implique, pour reprendre les propos de Mme Michèle Tabarot, présidente du Conseil supérieur de l’adoption, dans la contribution écrite qu’elle m’a adressée, que « l’enfant adopté a peut-être encore plus besoin de stabilité pour s’épanouir ».
Aussi, la demande des couples, pour légitime qu’elle soit, ne saurait primer l’intérêt de l’enfant et, lorsqu’on s’interroge sur l’opportunité d’étendre ou non la possibilité d’adopter en couple, une question doit prévaloir : les différences qui existent dans les régimes juridiques respectifs du mariage et du PACS, au regard de la stabilité et de la sécurité qu’ils garantissent aux enfants du couple, justifient-elles ou non de réserver aux seuls époux la possibilité d’adopter en couple ?
À ce sujet et avant d’en venir à un examen plus concret des différences importantes existant, de ce point de vue, entre le mariage et le PACS, je tiens à souligner que, selon moi, le statut conjugal du couple, comme la nature – homosexuelle ou hétérosexuelle – de la relation entre les deux partenaires, ne préjuge en rien de leur capacité affective et éducative ni de la qualité du lien que les deux parents pourront nouer avec l’enfant. C’est ce que traduit d’ailleurs, sur le plan juridique, l’assimilation complète du couple marié au couple non marié s’agissant des règles relatives à l’attribution et à l’exercice de l’autorité parentale.
Néanmoins, si le statut conjugal des candidats à l’adoption ne préjuge en rien de leur qualité affective et de leur compétence éducative, il n’est pas pour autant sans incidence sur le degré de protection juridique dont bénéficiera chacun des membres de la famille ainsi constituée.
Or, il faut le souligner, le PACS est un contrat à vocation essentiellement patrimoniale