Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité — Rejet d'une proposition de loi, amendement 1

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale :

En particulier, le PACS se dissout par simple déclaration, celle-ci pouvant même être unilatérale. Au contraire, le divorce doit être prononcé par un juge, ce qui offre aux conjoints comme à leurs enfants la garantie d’une protection juridique supérieure.

Je souhaite insister sur ce point. Le PACS est une forme de conjugalité qui, en cas de séparation des parents, apporte moins de sécurité à l’enfant que le mariage. En effet, que le juge soit saisi obligatoirement, comme dans le cas du mariage, ou que sa saisine dépende de la volonté des parties fait une grande différence dans la protection apportée aux enfants comme aux partenaires.

Ainsi, dans son rapport intitulé Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles, Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, note que « de nombreux parents non mariés règlent eux-mêmes les modalités de leur séparation y compris leur mode d’exercice de l’autorité parentale, sans que la question de l’intérêt de l’enfant ne soit soumise à un juge aux affaires familiales ». Elle ajoute : « D’une manière générale, les parents non mariés – séparés ou non – sont insuffisamment renseignés sur leurs droits et leurs obligations. »

On peut estimer que si une difficulté se présente aux yeux de l’un des parents, il saisira le juge aux affaires familiales pour faire respecter son droit ou l’intérêt de l’enfant. Mais il serait abusif de considérer l’absence d’une telle saisine comme la marque d’un accord pacifié entre les parents, conforme en tout point à l’intérêt de leur enfant. Elle peut être la conséquence d’une erreur de bonne foi sur ce qui est préférable pour l’enfant, ou d’une ignorance des droits et des devoirs de chacun, ou encore d’une réticence à saisir la justice, symétrique du souhait des parents de choisir une forme d’union peu contraignante et peu formaliste.

Certes, en cas de difficulté, les parents peuvent toujours saisir ultérieurement le juge aux affaires familiales, mais cette intervention tardive s’effectue sur une situation de conflit cristallisée qu’il eût mieux valu régler en amont.

L’intervention obligatoire du juge aux affaires familiales en cas de divorce des parents ne prémunit bien entendu pas contre les désaccords futurs. Elle garantit au moins qu’un tiers extérieur au conflit s’assurera du respect de l’intérêt de l’enfant, pour donner la base la plus solide possible à son éducation par ses deux parents. En outre, elle peut donner lieu, si le juge en décide ainsi, à une tentative de médiation entre les époux.

Par l’amendement n° 1 rectifié, M. Michel entend certes répondre à cette difficulté, et j’ai d’ailleurs apprécié qu’il le dépose après la présentation du rapport en commission. Mais, j’y reviendrai au moment de la discussion sur cet amendement, la réponse qu’il apporte n’est que partielle et lacunaire. Lacunaire, car rien ne garantit le caractère obligatoire de la saisine du juge aux affaires familiales en cas de séparation des partenaires liés par un PACS. Partielle, car elle ne répond pas aux autres difficultés que pose le PACS à l’égard de l’adoption.

Toutefois, ce n’est pas le seul problème soulevé dans le rapport de la commission des lois. Le mariage protège l’enfant. Il le protège aussi à travers la protection qu’il offre au parent le plus démuni : en effet, la difficulté sociale ou financière dans laquelle l’un des parents pourrait être placé en raison de la séparation du couple n’est pas sans conséquence sur l’enfant lui-même. La prestation compensatoire, versée uniquement dans le cadre du divorce, apporte une réponse à cette difficulté.

Les études statistiques confirment par ailleurs le risque de plus grande instabilité à laquelle sont exposés les enfants des couples non mariés : une étude de 2007 du ministère de la justice sur l’exercice de l’autorité parentale après le divorce ou la séparation des parents non mariés, mentionnée dans le rapport de la commission, marque la stabilité plus grande, et indiscutable, du couple marital par rapport aux autres types d’union.

En moyenne, la séparation intervient moins fréquemment ou plus tard, quand l’enfant est plus grand. Un chiffre est particulièrement significatif : le pourcentage des couples restant en désaccord sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants à l’issue de la procédure est de 10 % pour les couples mariés et de 41 % pour les couples non mariés. Si ne sont pris en compte, pour les couples séparés, que ceux qui ont choisi d’aller devant le juge en raison notamment de leur désaccord, ce qui doit conduire à relativiser la portée de l’écart constaté, celui-ci témoigne malgré tout de la différence d’appréciation susceptible d’apparaître entre le juge et les parents au regard de l’intérêt de l’enfant.

Au total, l’ensemble de ces constatations pratiques et juridiques et la volonté de privilégier la sécurité juridique et affective de l’enfant adopté conduisent à privilégier le mariage au PACS.

Par ailleurs, les enseignements que je tire des auditions auxquelles j’ai procédé m’amènent à souligner un point essentiel : le souhait d’étendre la faculté d’adopter aux partenaires de PACS répond souvent au souci d’apporter une plus grande sécurité juridique à l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un seul des partenaires. L’association des parents et futurs parents gays et lesbiens, l’APGL, et l’association GayLib se sont prononcées en ce sens. Cependant la demande concerne non seulement les couples de même sexe, mais également les couples hétérosexuels qui souhaitent consacrer juridiquement le rôle du beau-parent dans l’éducation de l’enfant de son partenaire, sans pour autant devoir se marier.

Or, la proposition de loi n’apporte pas une réponse satisfaisante à la demande formulée, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, elle ne concerne que l’adoption conjointe, alors que, dans les faits, en de pareils cas, c’est la procédure d’adoption de l’enfant du conjoint ou du partenaire qui devrait être utilisée.

Ensuite et surtout, la proposition de loi crée une situation potentielle d’empilement ou de substitution des filiations là où le problème concret est avant tout celui de l’exercice de l’autorité parentale et de la juste place accordée au tiers qui élève l’enfant au côté de son père ou de sa mère.

D’ores et déjà, le droit positif prévoit un éventail de possibilités qui permettent de faire face à un certain nombre des difficultés parfois évoquées : la délégation volontaire d’autorité parentale ou le partage de l’exercice de l’autorité parentale pour les besoins d’éducation de l’enfant. De la même manière, le mécanisme de la tutelle testamentaire ou celui de la désignation judiciaire de la personne qui pourra exercer l’autorité parentale permettent d’organiser les conditions dans lesquelles l’enfant sera élevé après le décès de son parent légal.

Une réflexion a été engagée par Mme Dominique Versini sur l’opportunité d’étendre les droits qui peuvent ainsi être reconnus aux tiers beaux-parents dans l’exercice de l’autorité parentale. Un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers a été élaboré au printemps 2009, qui a suscité un vif débat. Le rapport rendu par notre collègue député Jean Leonetti, chargé par le Premier ministre d’évaluer de manière approfondie la législation sur l’autorité parentale et le droit des tiers, a contribué à dessiner les contours d’un consensus possible sur cette question. Un nouveau projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers doit être prochainement déposé devant le Parlement.

La commission des lois a ainsi considéré que l’ensemble des dispositifs existants, qui sont appelés à être améliorés, peuvent, à la condition que l’intérêt de l’enfant soit placé au centre des préoccupations, constituer une réponse satisfaisante au souhait largement exprimé par les parents de voir reconnu juridiquement le rôle essentiel du partenaire ou du beau-parent qui s’investit pleinement dans l’éducation de leurs enfants, sans qu’il soit besoin pour cela d’envisager d’ouvrir aux partenaires de PACS la procédure d’adoption conjointe.

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait qu’il est nécessaire de tenir compte des engagements internationaux de la France en matière d’adoption. La convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale ne prévoit, dans son article 2, que l’adoption par deux époux ou l’adoption par une personne seule. De plus, sur le plan pratique, il s’avère que très peu de pays d’origine des enfants adoptés dans le cadre d’une adoption internationale acceptent de confier un enfant à un couple non marié. Le risque serait donc grand que l’ouverture proposée ne trouve pas de traduction concrète, faute d’être compatible avec les pratiques et les règles en vigueur en matière d’adoption internationale.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a décidé de ne pas établir de texte sur cette proposition de loi.

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