Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me dois également de replacer cette question dans le débat plus général des rapports que l’on souhaite instaurer entre le PACS et le mariage, et je dirai ensuite quelques mots sur le contexte général qu’entraîne l’adoption.
Je souhaite bien sûr rappeler que le Gouvernement s’est attaché, par son action législative, à améliorer substantiellement au fil des années les droits découlant du PACS. Je le dis avec d’autant plus de tranquillité que j’ai voté sans état d’âme le texte instaurant le PACS, et je n’ai d’ailleurs jamais regretté de l’avoir fait. Aujourd'hui, le PACS est vraiment inscrit dans la réalité de notre pays.
Les améliorations successives ont notamment concerné les droits du partenaire survivant, qui ont été renforcés sur le plan fiscal et successoral ; les mesures de publicité à l’état civil, la conclusion d’un PACS étant dorénavant apposée en marge de l’acte de naissance des partenaires ; le droit commercial, les mesures existantes au profit du conjoint entrepreneur ayant été étendues au partenaire lié au chef d’entreprise ; et enfin, depuis mai 2009, la reconnaissance en France des partenariats enregistrés à l’étranger.
Sur de nombreux aspects, les réformes successives ont permis aux personnes ayant conclu un PACS de bénéficier de certains des droits découlant du mariage.
Par ailleurs, le Gouvernement a toujours été sensible à la volonté de faciliter le sort de celles et ceux qui choisissent le PACS comme fondement à leur union. Ainsi, le Gouvernement a déposé la semaine dernière, sur le bureau de l’Assemblée nationale, un projet de loi permettant aux partenaires, afin de simplifier leurs démarches, de faire enregistrer leur PACS par le notaire qui a rédigé la convention.
Cela traduit, pas après pas, la reconnaissance avérée du PACS en tant que forme d’union maintenant bien établie dans notre société, conviction que le Gouvernement partage aves les auteurs de la présente proposition de loi.
Mme le rapporteur y a fait allusion, la différence essentielle entre les deux formes d’unions que sont le PACS et le mariage réside principalement dans leurs conséquences en matière familiale.
Le mariage répond souvent au projet de créer une famille, les époux contractant d’ailleurs, par le seul fait du mariage, l’obligation d’assurer ensemble la direction morale et matérielle de la famille et de pourvoir à l’éducation des enfants. Mesdames, messieurs les sénateurs, ceux qui parmi vous sont, comme moi, officiers d’état civil connaissent par cœur cette formule pour l’avoir tant de fois répétée ! Dans la solennité de la salle des mariages de nos mairies, ces paroles marquent, elles sont loin d’être anodines.
Le PACS a, quant à lui, une vocation différente, comme vous l’avez très bien dit, madame le rapporteur : celle d’organiser la vie commune du couple.
Nos concitoyens tiennent à la diversité des formes de vie en couple, et le Gouvernement n’est pas favorable à l’idée selon laquelle les effets du PACS et du mariage doivent être en tous points identiques. Madame le rapporteur, vous avez également placé vos propos sous l’angle de l’intérêt de l’enfant, une exigence que nous ne devons jamais perdre de vue.
Un autre aspect, qui est extrêmement concret, doit être souligné – je ne fais pas de hiérarchie entre les arguments, je les reprends les uns après les autres – : indépendamment des débats qu’elle suscite – lesquels sont bien réels, même s’ils sont apaisés et respectueux –, cette proposition de loi paraît largement inadaptée aux réalités actuelles de l’adoption.
Comme vous le savez, – vous y avez d’ailleurs fait allusion, les uns et les autres – en l’état actuel de la législation, l’adoption est autorisée en France au profit des couples mariés ou des personnes seules.
Je rappelle que l’adoption par des personnes seules, qui existe depuis le code Napoléon, permet de résoudre un certain nombre de situations très diverses. C’était vrai hier. C’est encore vrai dans le monde actuel. Elle a toute sa place dans le dispositif en vigueur et répond à l’intérêt de l’enfant, même si je comprends qu’il puisse y avoir des demandes qui aillent au-delà des possibilités offertes par ce type d’adoption.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en ce qui concerne l’adoption par les couples, je souhaite attirer votre attention, comme l’a fait Mme le rapporteur, sur quelques éléments, tous ceux qui siègent dans cet hémicycle connaissant les règles.
Avant d’engager les démarches concrètes, les candidats à l’adoption doivent être agréés par le président du conseil général. Aujourd’hui, près de 30 000 candidats à l’adoption sont titulaires de cet agrément – malgré les difficultés qui peuvent parfois exister, il est donc largement délivré –, alors que le nombre de pupilles de l’État adoptés en France chaque année est de 800 enfants environ.
Reste donc à ces personnes la voie de l’adoption internationale.
À cet égard, je rappelle que l’adoption internationale répond à un principe de double subsidiarité : elle ne peut être envisagée que si aucune solution ne permet le maintien de l’enfant dans son pays d’origine, soit dans sa famille, soit dans une famille adoptive. Il s’agit, là aussi, de l’intérêt de l’enfant.
Concrètement, les adoptions se font dans deux cadres juridiques, selon que l’État d’origine de l’enfant est adhérent ou non à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
Ainsi, les demandeurs peuvent s’adresser à un pays ayant ratifié la convention. Dans ce cas, l’adoption se déroule conformément aux règles et mécanismes prévus par ce texte. Or celui-ci ne vise que les adoptions par des époux ou une personne seule. Si la présente proposition de loi était adoptée, force est de constater que les couples pacsés ne pourraient pas adopter un enfant originaire de l’un de ces pays.
Les candidats à l’adoption peuvent aussi se tourner vers les pays qui n’ont pas adhéré à cette convention. Dès lors, les règles applicables sont celles qui ont été fixées par le pays d’origine de l’enfant. Or ces pays, dans leur quasi-totalité, ne permettent pas aux couples non mariés de recourir à l’adoption. C’est le cas pour Haïti, la Chine, la Russie, l’Éthiopie ou le Cambodge, pour ne citer que les principaux pays d’origine des enfants adoptés en France.
Cette proposition de loi pourrait constituer une grande source de désillusion pour ces couples, qui se verraient reconnaître une possibilité souvent théorique d’adopter ensemble un enfant, avec des chances limitées de voir leur projet aboutir à l’accueil d’un enfant adopté.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas que ce texte soit adopté.