Intervention de Odette Terrade

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention en évoquant deux principes fondamentaux. S’ils sont évidents pour notre groupe, ils méritent d’être rappelés afin d’éviter certains doutes et des critiques illégitimes.

En matière d’adoption, il n’y a pas et il ne devrait pas y avoir « de droit à l’enfant ». Pour autant, nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à chaque enfant de trouver un foyer capable de l’accueillir, de lui offrir l’amour nécessaire, de l’aider à grandir et à se construire comme une personne à part entière.

Comme vous toutes et vous tous, c’est bien le bonheur auquel ont droit ces enfants qui nous guide dans notre réflexion, d’autant qu’ils ont déjà connu dans leur vie un très grand traumatisme au départ, à savoir l’absence, pour une raison ou pour une autre, des parents biologiques.

La proposition de loi présentée par les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste tendant à autoriser les couples liés par un pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans à adopter répond tout à la fois aux attentes légitimes de celles et ceux qui optent pour cette forme de vie commune et à la stabilisation juridique nécessaire de certains foyers. En effet, personne ne peut feindre de l’ignorer, de très nombreux couples liés par un pacte civil de solidarité, quelle que soit leur orientation sexuelle, ont déjà accès, par le biais de l’adoption, à la parentalité ou plutôt, devrais-je dire, pour être plus exacte, l’un des deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité a déjà accès à l’adoption.

En effet, la situation est actuellement aberrante : les couples pacsés ne peuvent pas adopter, contrairement aux couples mariés, mais l’un des deux partenaires peut se présenter comme célibataire pour formuler une demande d’adoption. Une telle situation n’est pas satisfaisante, l’existence de l’autre partenaire étant alors totalement niée. Cette négation est d’autant plus difficile à vivre pour les couples concernés qu’elle n’est pas sans conséquence juridique sur l’avenir.

En effet, le partenaire qui n’a pas entamé la démarche d’adoption, et qui est réputé ne pas exister pour les services des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, n’est pas officiellement reconnu. Il en résulte que l’enfant, qui, dans les faits, a été élevé par deux personnes, n’a officiellement qu’un seul parent. Si par malheur le parent légal disparaît, le partenaire survivant n’a aujourd’hui aucun droit.

En cas de séparation des deux partenaires, celui qui n’a pas d’existence légale perd tous ses droits. Il n’a plus non plus aucune obligation envers l’enfant, notamment celle d’assurer son éducation et de subvenir à ses besoins. Aucun mécanisme légal de solidarité n’est prévu, tel le droit à pension alimentaire.

C’est pourquoi nous considérons qu’il est aujourd'hui nécessaire de faire évoluer la législation afin d’apporter – et je sais que le rapporteur Mme Des Esgaulx y est sensible – plus de stabilité et de sécurité juridique aux enfants concernés. Ceux-ci ne peuvent pas être les victimes d’un système juridique insatisfaisant ou incomplet. Notre responsabilité est donc de les protéger. Je pense sincèrement que, sur ce point du moins, cette proposition de loi le permet.

Je regrette d’ailleurs que, pour écarter cette proposition de loi, Mme la rapporteur ait eu recours, comme nombre de membres de la commission, aux mêmes arguments que ceux qui avaient été utilisés lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité déposée par le groupe CRC-SPG, je pense en particulier à la fragilité supposée des PACS.

À cet égard, je rappelle, comme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente de notre groupe, l’avait fait en octobre dernier, que, selon les statistiques du ministère de la justice lui-même, le taux de dissolution des PACS est de 15 % environ, alors que celui des mariages est de 30 %. Selon la même étude, près d’un quart des 15 % de ruptures de PACS sont justifiées par la volonté des partenaires de se marier. Il ne s’agit alors pas de véritables ruptures.

Par ailleurs, depuis l’adoption de la réforme du divorce en 2004, le nombre de divorces a connu un pic très important, précisément en raison de la simplification des démarches et des procédures, je pense en particulier à l’augmentation du nombre de divorces par consentement mutuel.

Aucune forme d’union, que ce soit le PACS ou le mariage, ne protège donc contre les ruptures et les souffrances qui les accompagnent. Dans tous les cas, les adultes devraient toujours avoir pour première préoccupation l’épanouissement et le bien-être de l’enfant.

De la même manière, il ne nous semble pas opportun, comme l’a fait Mme le rapporteur, d’invoquer l’état actuel du droit pour refuser toute évolution.

Depuis sa création, le PACS a beaucoup évolué. En 2005, la loi de finances a instauré le principe de l’imposition commune pour les couples pacsés dès la première année. La loi de 2006 portant réforme des successions et des libéralités a profondément modifié la nature du PACS en reconnaissant un véritable statut du couple : sur le plan patrimonial, le PACS, et c’est tant mieux, se rapproche de plus en plus du mariage.

Or la majorité du Sénat et le Gouvernement, c’est-à-dire ceux-là mêmes qui rejettent cette proposition de loi au motif que le PACS est une union quasi exclusivement patrimoniale, sont précisément ceux qui refusent de dépasser cette situation pour permettre aux couples pacsés de bénéficier des mêmes droits sociaux et familiaux que les couples mariés. Ainsi, mes chers collègues, vous avez rejeté la proposition de loi du groupe CRC-SPG qui prévoyait notamment le droit pour les partenaires liés par un PACS de bénéficier de la pension de réversion ou encore celui de bénéficier, comme les couples mariés, des « congés pour événements familiaux ».

Avouez, mes chers collègues, qu’il est tout de même paradoxal – et je pèse mes mots – de priver les couples pacsés de tels droits sociaux et familiaux et de rejeter le texte que nous examinons aujourd’hui au motif que la seule nature patrimoniale du PACS ne serait pas protectrice pour l’enfant ! En réalité, vous donnez l’impression de refuser toute nouvelle évolution du PACS afin d’éviter, pour des raisons que l’on devine, que cette forme d’union ne s’apparente de plus en plus au mariage.

Nous, les membres du groupe CRC-SPG sommes convaincus que la législation doit évoluer vers plus d’égalité entre les formes d’union afin d’éviter que les couples qui optent pour le PACS ou qui, en raison de leur orientation sexuelle, n’ont pas accès au mariage ne soient traités différemment des couples mariés. À nos yeux, ce qui doit primer, ce n’est pas le statut, mais le couple lui-même.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre droit positif doit évoluer, car la société elle-même change. La jurisprudence est elle aussi en mouvement. Ainsi le tribunal administratif de Besançon a-t-il ordonné, en novembre dernier, au conseil général du Jura de délivrer un agrément d’adoption à un couple homosexuel.

Telles sont les raisons pour lesquelles, dans son immense majorité, le groupe CRC-SPG votera en faveur de cette proposition de loi.

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