Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui le traditionnel projet de loi de finances rectificative de fin d’année.
Il s’agit du quatrième collectif pour l’année 2010, les trois précédents étant ceux du 9 mars 2010 relatif aux investissements d’avenir, du 7 mai 2010 sur l’aide à la Grèce et du 7 juin 2010 sur la mise en place du Fonds de stabilisation financière de l’Union européenne.
Ce projet de loi de finances rectificative procède à un certain nombre d’ajustements concernant l’équilibre du budget de l’État, qui prennent acte du respect de nos objectifs en matière de dépenses ainsi que de nos prévisions de recettes, sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Cette année, la norme de dépense est respectée et le solde budgétaire marque une légère amélioration depuis nos dernières prévisions. Les dépenses évolueront bien selon la norme « zéro volume » fixée pour cette année 2010. Notre engagement de maîtrise des dépenses est confirmé : nous respectons le plafond de dépenses fixé à 352, 3 milliards d’euros.
L’évolution favorable de la charge des intérêts de la dette permet de compenser les besoins accrus des politiques de l’emploi et de la solidarité.
De même, les recettes pour 2010 correspondent aux dernières prévisions, que nous avons exposées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, en ce qui concerne tant les recettes fiscales, qui s’élèveront à 255 milliards d’euros, que les recettes non fiscales.
En conséquence, le déficit budgétaire est globalement conforme à nos prévisions, et même en légère amélioration, puisqu’il s’établit à 149, 7 milliards d’euros en exécution, contre 152 milliards d’euros prévus dans la dernière loi de finances rectificative. Cette différence s’explique principalement par la réévaluation du coût pour l’État, en 2010, de la réforme de la taxe professionnelle, qui reste toutefois sans incidence sur le rythme de croisière de cette réforme.
Ce projet de loi de finances rectificative permet aussi d’apurer certaines dettes de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale, clarifiant ainsi les relations financières entre ces deux entités.
Un effort important a déjà été réalisé, puisque cette dette s’élevait à 7 milliards d’euros à la fin de l’année 2006. La mobilisation des excédents du panier de recettes affecté à la sécurité sociale en compensation des allègements généraux de charges, à hauteur de 1, 4 milliard d’euros, permet d’apurer le montant résiduel de dette constaté à la fin de l’année 2009. À partir de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le passage à un régime où ce panier est définitivement affecté à la sécurité sociale s’effectue donc sur des bases assainies. Le Gouvernement a été particulièrement attentif à cette question, qui est importante.
Nous avons par ailleurs entendu l’appel des départements en difficulté financière. Dans la ligne des préconisations du rapport Jamet, nous souhaitons leur apporter une solution pragmatique pour la construction de leurs budgets pour 2010 et 2011.
Le Gouvernement a donc décidé de mettre en place un mécanisme exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, doté de 150 millions d’euros et financé par redéploiements de crédits à partir de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et du Fonds national des solidarités actives.
Nous avons bien évidemment calibré ces redéploiements de façon à ne pas déséquilibrer les actions menées par ces deux organismes.
Premièrement, nous créons un fonds de soutien aux départements en difficulté, à hauteur de 75 millions d’euros, géré par la CNSA pour le compte de l’État.
Plus précisément, face au poids croissant de l’allocation personnalisée d’autonomie – je n’apprends rien sur ce point aux membres de la Haute Assemblée –, il s’agit d’apporter une aide exceptionnelle aux départements les plus exposés à cette dépense, sur la base de critères objectifs.
Les crédits du fonds de soutien seront répartis entre les départements les plus exposés, en fonction de trois critères : la part des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ; le rapport entre le revenu moyen par habitant de l’ensemble des départements et celui de chaque département, le dernier revenu imposable connu étant pris en compte ; enfin, le potentiel fiscal des départements. Quiconque fait preuve d’un minimum de sérieux devrait pouvoir souscrire à ces critères, qui me semblent objectifs et exhaustifs.
Nous compléterons cette aide par une enveloppe de soutien conventionnel d’un montant de 75 millions d’euros, gagé par la mobilisation de crédits non versés au Fonds national des solidarités actives en raison d’une montée en charge du revenu de solidarité active « activité » plus lente que celle qui avait été initialement prévue.
Il était, me semble-t-il, nécessaire de répondre de façon immédiate et opérationnelle à la préoccupation dont témoignent aujourd’hui de nombreux élus face aux difficultés rencontrées par certains départements. Toutefois, cet effort exceptionnel devra être suivi d’une action plus structurelle.
Pour faire face au fameux effet de ciseaux existant entre les recettes et les dépenses des départements, il est en effet indispensable, d’une part, de rationnaliser l’action de ces derniers, comme le suggère le rapport Jamet, et, d’autre part, de revoir notre action en faveur de la dépendance, notamment son mode de financement. Tel est l’objet de la réforme voulue par le Président de la République, à propos de laquelle un débat sera engagé à l’échelle nationale dès le début de l’année prochaine.
Nous avons souhaité également, à travers le volet fiscal de ce projet de loi de finances rectificative, poursuivre notre action réformatrice dans le sens de la modernisation de la fiscalité foncière des entreprises, de l’encouragement de comportements favorables à l’environnement – en déclinant les objectifs du Grenelle – et, enfin, de la simplification des procédures fiscales et douanières.
En ce qui concerne la modernisation de la fiscalité foncière des entreprises, nous proposons deux dispositifs.
Le premier porte sur la révision des valeurs locatives foncières des entreprises. Attendue depuis longtemps et maintes fois repoussée, cette mesure a été préparée en concertation avec les associations d’élus et les entreprises. Elle permet de rétablir – enfin !, diront certains, à juste titre d’ailleurs – l’équité dans l’impôt foncier des entreprises, à produit constant.
Nous voudrions conduire une expérimentation dès l’année prochaine dans cinq départements – l’Hérault, le Pas-de-Calais, le Bas-Rhin, Paris et la Haute-Vienne –, en vue d’une généralisation des travaux en 2012 et d’une traduction de la réforme dans les bases d’imposition en 2014.
Les valeurs locatives des entreprises seront désormais assises sur des valeurs calculées à partir des loyers réellement constatés et révisées automatiquement chaque année. La réforme est limitée à ce stade aux locaux commerciaux et aux locaux professionnels des professions libérales.
Le second dispositif prévu pour la modernisation de la fiscalité foncière des entreprises porte sur la simplification des taxes d’urbanisme. Si vous l’adoptez, mesdames, messieurs les sénateurs, à compter de 2012 deux taxes viendront se substituer à quinze des dix-sept prélèvements existants.
Il s’agira, en premier lieu, d’une taxe d’aménagement, à vocation budgétaire, qui reconstituera l’essentiel du produit des anciennes taxes, avec une part communale et une part départementale, dont les taux demeureront fixés par délibération des collectivités.
En second lieu, un versement pour sous-densité, dont l’objectif sera de lutter contre l’étalement urbain, sera instauré sur délibération des municipalités. Il sera obligatoire pour les communes dont les projets d’équipements sont importants.
Annoncée dans la loi Grenelle II, et fruit d’une longue concertation, cette réforme a également reçu le soutien des élus locaux et des professionnels.
Le dernier point de cette modernisation fiscale porte sur des mesures de financement du Grand Paris. Je les mentionne pour mémoire, car j’ai noté qu’elles avaient suscité l’enthousiasme de votre assemblée – en effet, sans attendre l’examen de ce collectif, vous avez souhaité les incorporer dans le projet de loi de finances pour 2011.
Le texte adopté en commission mixte paritaire lundi dernier a permis de trouver une solution pour le financement du logement social et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, qui constitue, à juste titre d’ailleurs, une priorité pour bon nombre d’élus locaux. En outre, la CMP a maintenu dans le projet de loi de finances rectificative la création des recettes fiscales destinées à financer les transports en Île-de-France, lesquels ont bien besoin d’un accompagnement budgétaire si l’on veut que leur fluidité, leur efficacité et la qualité du service rendu aux usagers s’améliorent.
La deuxième orientation du volet fiscal de ce projet de loi de finances rectificative porte sur l’encouragement des comportements favorables à l’environnement.
En premier lieu, le barème du malus automobile sera durci à compter de 2012.
En deuxième lieu, la taxe générale sur les activités polluantes, qui pèse sur les émissions d’oxydes d’azote, sera majorée afin de respecter les prescriptions communautaires.
En troisième lieu, et enfin, le cadre législatif permettant de mettre en place l’écotaxe sur les poids lourds sera adapté aux exigences opérationnelles révélées à l’occasion des appels d’offres.
La troisième orientation de ce collectif budgétaire que j’ai l’honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, porte sur la simplification des procédures fiscales et douanières.
S’agissant des modalités de déclaration de l’impôt, nous prévoyons la possibilité de centraliser au niveau du groupe les montants de la TVA due ; la simplification du calcul du seuil de chiffre d’affaires pour les auto-entrepreneurs ; la suppression de l’exigence de dépôt de la déclaration d’impôt sur le revenu d’une personne dans les six mois suivant son décès ; enfin, l’extension de la dispense de cautionnement pour les opérations de dédouanement à l’entrée sur le territoire national. Nous avons également prévu des mesures techniques visant à la simplification.
Nous avons souhaité, notamment, moderniser le régime fiscal et social des plans d’épargne logement, les PEL. Il s’agit en fait de recentrer le PEL sur son objectif premier de financement de l’acquisition d’un logement. Le taux de rémunération des nouveaux plans sera fixé annuellement en fonction des conditions du marché et leurs intérêts seront soumis aux contributions sociales au fil de l’eau et non plus au bout de dix ans, ce qui représentera un apport de trésorerie bien précieux par les temps qui courent.
Par ailleurs, le droit à prime sera subordonné à la contractualisation d’un véritable prêt, et cette gratification sera « verdie ».
Nous avons souhaité, ensuite, harmoniser les procédures de recouvrement forcé, pour traduire dans la législation la fusion entre l’ancienne direction générale des impôts et l’ex-direction générale de la comptabilité publique au sein de la nouvelle direction générale des finances publiques.
Enfin, nous avons voulu mettre en conformité avec la norme communautaire certaines dispositions en matière de TVA. Il s’agit, notamment, de supprimer le taux réduit pour les prestations d’aide juridictionnelle et de revoir la fiscalité des produits du tabac. Pour cette dernière, sont concernées essentiellement la suppression du prix de seuil et la réforme des mesures encadrant l’introduction de produits du tabac en France. À cet égard, le Gouvernement précise qu’il n’est pas question d’accepter la libre circulation du tabac, compte tenu des enjeux de santé publique qui s’y attachent, notamment à cause de la lutte contre le tabagisme.
Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands axes structurant ce collectif budgétaire.
Évidemment, en raison de la gestion du calendrier parlementaire, l’examen de ce texte intervient quelques heures seulement après une commission mixte paritaire importante et pour laquelle je tiens, devant la Haute Assemblée, à remercier le rapporteur général de la commission des finances, M. Philippe Marini, de son degré d’implication personnelle, qui est bien connu, et depuis tant d’années. Je veux lui rendre un hommage sincère, individuel, …