Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la résolution européenne du Sénat du 15 juillet 2009 sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevet recouvre trois éléments : un constat, une préoccupation et une certitude.
Le constat, tout d’abord.
Le système européen de protection des brevets est encore incomplet : il lui manque un dernier étage qui soit véritablement européen pour garantir sa pleine compétitivité par rapport aux systèmes américain et japonais.
Au stade de l’enregistrement de la demande de brevet, tout est en place : l’Office européen des brevets, l’OEB, dont la très grande compétence est unanimement reconnue, a permis, en effet, d’unifier la demande d’enregistrement.
En revanche, une fois que le brevet a été enregistré au niveau européen, il éclate en autant de brevets nationaux que de pays pour lesquels sa protection a été revendiquée. Lorsqu’une contestation se fait jour, le même contentieux, de niveau pourtant européen, se trouve alors décliné devant chacune des juridictions nationales concernées par l’affaire. Cet éclatement a pour conséquence à la fois une multiplication des frais d’instance pour les entreprises et un risque important de divergence d’appréciation entre les différents tribunaux.
Il manque ainsi une juridiction européenne qui permette d’unifier et de sécuriser le contentieux en la matière.
Deux solutions ont été envisagées : l’une, européenne au sens large, incluant les trente-six États parties à la convention de Munich sur le brevet européen, l’autre, plus strictement communautaire, ne concernant que les seuls vingt-sept États membres de l’Union européenne.
Chacune de ces solutions a rencontré des oppositions. C’est donc une voie de compromis qui a semblé recueillir tous les suffrages : il s’agit de la création d’une juridiction unifiée qui prenne en charge à la fois le contentieux des brevets de la convention de Munich et celui des brevets communautaires, qui sont en cours de constitution.
Cette voie de compromis a été esquissée dans un premier projet d’accord sur lequel porte la recommandation de la Commission européenne qui a fait l’objet de la présente résolution européenne du Sénat.
L’économie que pourraient réaliser les entreprises européennes si un tel système de juridiction unifiée était mis en place a été évaluée par la Commission européenne : la somme serait comprise entre 148 et 249 millions d’euros.
C’est toute la compétitivité du système européen des brevets qui se joue ici. La nécessité de faire aboutir la négociation sur le système unifié de règlement des litiges en matière de brevet ne fait donc aucun doute.
Voilà pour le constat.
La résolution européenne du Sénat a cependant fait état d’une préoccupation qui rejoint la position exprimée par le gouvernement français.
En l’état actuel des négociations, on ne peut être certain que le projet de système unifié de juridiction soit conforme au droit communautaire. En effet, les mécanismes de recours prévus, notamment la question préjudicielle devant la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE, ne garantissent pas forcément que la primauté du droit communautaire sera assurée.
Ainsi, aucun recours n’est prévu si la juridiction unique refuse de saisir la CJCE d’une question préjudicielle.
Ces réserves juridiques partagées par d’autres pays ont conduit les États membres à saisir pour avis la CJCE pour qu’elle se prononce sur toutes les incertitudes juridiques soulevées par le projet.
Cette saisine, qui date du 28 mai dernier, est décisive pour la poursuite des négociations ; elle permet de mettre de côté, dans l’attente de la décision de la CJCE, les réserves juridiques qu’inspire le projet, et elle libère ainsi la négociation sur tous les autres aspects.
Or il est plus urgent que jamais d’aboutir sur ce dossier.
C’est là le troisième point de la résolution européenne du Sénat : il faut parvenir à un accord sur cette question ; c’est une certitude.
Depuis plus de vingt ans, les avancées sur ce dossier précis sont limitées, en dépit de l’engagement très important des principaux pays pourvoyeurs de brevets, au nombre desquels la France. C’est pourquoi la résolution du Sénat a engagé le Gouvernement à agir en ce sens, en veillant cependant au respect d’une condition essentielle : que la mise en place du système juridictionnel unifié aille de pair avec la création du titre de brevet spécifiquement communautaire.
Cette condition est essentielle, car le risque serait grand, sinon, qu’une fois la juridiction internationale mise en place, certains États abandonnent le projet de création d’un titre communautaire et se contentent du seul système de brevet européen.
Monsieur le ministre, comme vous le voyez, c’est le souci d’assurer la pleine compétitivité du système européen des brevets et celle des entreprises européennes qui a conduit le Sénat à adopter la résolution que je viens de présenter.
C’est pourquoi, au nom de mes collègues, je souhaiterais vous demander quelles suites le Gouvernement a données à la résolution du Sénat.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, à quel point de la négociation sont parvenus les États membres, sous l’impulsion de la Suède, qui, comme la France en son temps quand elle a exercé la présidence de l’Union, a marqué son engagement sur la question du système européen des brevets ?