Monsieur Cornu, le 29 juillet dernier, le Sénat a adopté, à la suite de la présentation de votre rapport devant la commission de l’économie, une proposition de résolution initialement déposée par le président de la commission des affaires européennes de la Haute Assemblée, M. Hubert Haenel.
La proposition de directive sur les droits des consommateurs a été adoptée par la Commission européenne le 8 octobre 2008. Elle révise quatre directives existantes qui portent sur les clauses abusives, la garantie de conformité des biens, les contrats conclus hors établissements et la vente à distance.
La résolution du Sénat du 29 juillet 2009 sur cette proposition de directive constate que la Commission privilégie une harmonisation complète qui interdirait aux États membres de s’écarter des dispositions communautaires.
Le Sénat a estimé qu’il ne fallait pas diminuer le niveau de protection des consommateurs élevé qui existe en France, sous prétexte d’améliorer le marché intérieur.
Par conséquent, il a demandé au Gouvernement de s’opposer à toute mesure qui se traduirait par un recul de la protection du consommateur.
Le Gouvernement partage entièrement les inquiétudes du Sénat et, dans son dialogue avec la Commission européenne, s’en est fait le porte-parole.
Le texte communautaire est fondé sur le principe de pleine harmonisation dont la Commission fait un objectif à part entière. Il interdit aux États membres d’introduire ou de maintenir dans le domaine coordonné par la future directive des nouvelles règles nationales plus protectrices pour le consommateur.
Le recours au principe de pleine harmonisation est d’autant plus problématique que le texte de la Commission ne présente pas un champ d’application précis et clairement identifié.
Le principe de pleine harmonisation des législations nationales des États membres de l’Union européenne ne peut être une fin en soi. Il ne doit pas se traduire par la remise en cause du niveau élevé de protection des intérêts des consommateurs.
Tel qu’il est appliqué à la proposition de directive sur les droits des consommateurs, ce principe de pleine harmonisation présente trois risques avérés.
D’abord, il remet en cause des pans entiers de notre droit de la consommation en réduisant le niveau de protection des consommateurs et en induisant la suppression de certains dispositifs légaux ou réglementaires nationaux qui permettent d’informer et de protéger le consommateur. Je pense à cet égard aux dispositions relatives aux obligations d’information précontractuelle dans le domaine de la vente à distance, ou encore aux règles de formation des contrats conclus en dehors des établissements commerciaux.
Ensuite, ce principe ne permet pas d’impulser une action politique nationale s’adaptant aux besoins réels de protection des consommateurs et aux éventuelles attentes de la société civile.
Enfin, le principe de pleine harmonisation fige un droit dont l’essence est évolutive. La lourdeur des processus de révision du droit communautaire interdit la réactivité nécessaire pour répondre aux évolutions des pratiques contractuelles des professionnels. Or il s’agit là d’une exigence impérative pour garantir une protection effective des consommateurs.
Devant l’absence de réponses satisfaisantes de la Commission aux interrogations que la France n’a pas manqué d’exprimer, il est impératif de ne pas souscrire au principe de pleine harmonisation telle qu’elle est voulue par la Commission.
Il est préférable d’adopter une démarche pragmatique consistant à réserver la pleine harmonisation aux dispositions de la proposition de directive qui ne sont pas vouées à évoluer rapidement – les définitions, par exemple – et à celles qui, au terme des négociations, garantiraient un niveau suffisamment élevé de protection des consommateurs.
Pour ce qui est du champ d’application de la proposition de directive, il est urgent d’en définir les stricts contours afin de pouvoir mesurer la véritable portée du dispositif communautaire. Il convient à cet égard de réduire au maximum ce dispositif afin de ne pas impacter, au-delà du droit de la consommation stricto sensu, des dispositions nationales qui se révèlent être particulièrement protectrices des droits des consommateurs.
Il est enfin indispensable de veiller à ce que ce texte communautaire n’ait pas d’effet immédiat sur le droit général des contrats.
Pour conclure, le Gouvernement partage entièrement la position que le Sénat a prise dans sa résolution du 29 juillet, et il continuera à s’exprimer en ce sens au niveau européen.