À l’issue de ce bilan, votre communication s’achève, monsieur Billout, sur quatre observations que le Gouvernement partage entièrement, s’agissant du caractère du mécanisme, de la poursuite de ce dernier et des enseignements qui doivent en être tirés.
Premier constat, le mécanisme de coopération et de vérification est nécessaire et doit être maintenu. La Commission européenne ne note pas dans son rapport du 22 juillet dernier une percée majeure dans les résultats obtenus par la Bulgarie et la Roumanie.
S’agissant de la Bulgarie, la Commission regrette plus particulièrement l’absence de consensus politique ou de stratégie convaincante pour faire de la lutte contre la criminalité et la corruption la première des priorités du pays.
S’agissant de la Roumanie, la Commission déplore également l’absence de consensus politique pour mener à bien les réformes et le défaut d’effectivité des codes civil et pénal.
Le Conseil « affaires générales » du 14 septembre 2009 a confirmé ce point de vue. Il s’est prononcé dans le sens de la Commission et a endossé les grandes orientations de ce rapport.
Depuis le mois de septembre, toutefois, deux évolutions se sont produites. L’une est positive, l’autre négative.
L’évolution positive est intervenue en Bulgarie, où le nouveau gouvernement est dirigé par M. Borissov, que j’ai rencontré. Celui-ci est ensuite – et récemment – venu à Paris afin de rencontrer les plus hautes autorités françaises, à commencer par le Président de la République.
M. Borissov s’est engagé en priorité à lutter contre la corruption et la criminalité organisée. Nous prenons note de cette évolution favorable et nous espérons que des résultats seront rapidement obtenus. On constate, par exemple, que des modifications importantes sont intervenues dans le service des douanes, dont plusieurs responsables ont été licenciés, tandis que cinq cents fonctionnaires ont été mis à pied.
En Roumanie, au contraire, vous le savez comme moi, le Gouvernement est tombé. Le pays connaît ainsi une crise gouvernementale, d’où l’évolution négative que j’évoquais.
Deuxième constat, pour accroître son efficacité, le mécanisme de coopération et de vérification doit en effet, monsieur Billout, être plus précis et mettre davantage l’accent sur la coopération.
En réponse à cette observation, la Commission a adopté dans son rapport de juillet dernier vingt et une recommandations pour la Bulgarie et seize pour la Roumanie. Cette approche ciblée est d’autant plus nécessaire que, au-delà de la troisième année, les clauses de sauvegarde ne peuvent plus être activées par l’Union.
Je citerai certains exemples concrets de coopération engagés par la France avec ces deux pays.
En ce qui concerne la Roumanie, la France a apporté son soutien à un projet de renforcement des capacités institutionnelles et administratives du ministère de la justice et du ministère public roumains. Un magistrat, assistant technique, que j’ai moi-même rencontré, est placé en détachement auprès du ministre de la justice de Roumanie.
Lors du Conseil « justice et affaires intérieures » de juin 2008, le ministre de la justice roumain a demandé l’aide technique de la France pour la rédaction d’un projet de loi portant sur la responsabilité des ministres poursuivis pour actes de corruption. Nous avons accordé cette aide sous la forme d’une mission de deux hauts magistrats.
En ce qui concerne la Bulgarie, l’École nationale de la magistrature apporte un appui à l’Institut national de la justice de Sofia, fondé en 2004. Nous sommes disposés, dans le cadre de cet important jumelage européen remporté par la France, à travailler sur la réforme de l’État et tout particulièrement sur la professionnalisation des gouverneurs et la déconcentration.
Troisième constat, il manque – là encore, vous avez raison, monsieur Billout – un cadre d’ensemble européen pour la lutte contre la corruption et le crime organisé dans l’Union européenne.
La France, de ce point de vue, soutient la démarche de la Commission et portera ce sujet dans les débats sur le futur programme de Stockholm, qui fixera les orientations pluriannuelles.
En particulier, la France souhaite que, dans le cadre de ce programme, les États puissent s’accorder sur un mécanisme plus large d’évaluation de la qualité de la justice.
Quatrième et dernier constat, qui est aussi une leçon pour l’avenir, nous devons réserver une place éminente aux questions de justice et d’affaires intérieures dans les négociations d’adhésion.
Nous veillerons à ce que chaque pays candidat prenne toutes les dispositions requises en vue de son intégration à l’Union européenne ; nous ne transigerons pas sur les sujets concernant la justice et les affaires intérieures.
Comme vous le savez, à partir du retour d’expérience avec la Roumanie et la Bulgarie, nous avons renforcé le cadre de négociation avec les pays candidats, et prévu notamment que l’examen des chapitres puisse être assorti de critères d’ouverture et de fermeture.
C’est dans ce cadre que nous abordons, avec la Croatie, l’examen du chapitre 24 « Justice, liberté et sécurité », à partir des six critères suivants portant sur des points essentiels de l’acquis communautaire : asile, visas, gestion intégrée des frontières, Schengen, mandat d’arrêt européen, lutte contre le terrorisme. Nous examinerons dans ce même esprit le chapitre 23 « Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux ».
J’ai d’ailleurs insisté sur ces points lorsque je me suis rendu en Islande au mois de juillet dernier, après que ce pays a annoncé sa candidature à l’Union européenne. Un an après la déconfiture de son système financier, qui l’a conduit à la ruine puisqu’il est désormais endetté à hauteur de treize fois son PNB, j’ai transmis aux responsables islandais la position de la France : il est pour nous incompréhensible qu’aucune poursuite n’ait été engagée contre leurs compatriotes à l’origine d’un tel désastre ; dès lors, la candidature de l’Islande est certainement recevable et intéressante, mais encore faut-il que des mesures de « nettoyage judiciaire » soient mises en œuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez-en convaincus, nous sommes extrêmement vigilants quant au respect des critères fixés en matière de coopération judiciaire et de lutte contre la corruption et le crime organisé.