Je me félicite de ce que mon collègue Robert del Picchia souhaite également intervenir, car, représentant tous deux des Français établis hors de France, nous connaissons bien la situation de ces pays.
Je note que la position de la commission et celle du Gouvernement recueillent un large consensus. Je ne reviendrai donc pas en détail sur les différents points évoqués et ferai simplement trois remarques.
Premièrement, la lutte contre la corruption est un long processus.
Si la morale et l’éthique sont en cause, le phénomène est d’abord culturel et économique. Dans des pays comme la Bulgarie et la Roumanie, les plus hauts fonctionnaires gagnent 400 euros par mois, et les maires 200 euros. Comment voulez-vous qu’ils ne soient pas tentés de tirer profit de l’attribution, par exemple, d’un permis de construire ? Un tel comportement n’est évidemment pas justifiable, mais, d’une certaine façon, il est humain.
Tant que des dysfonctionnements perdureront, nous serons confrontés à la corruption. Celle-ci fausse la donne : les appels d’offres et les investissements n’ont plus de sens, et aucune activité économique normale n’est possible. Nous souhaitons tous que ce mal soit éradiqué ou, à tout le moins, ramené à une proportion similaire à celle que nous connaissons dans nos économies nationales. Mais tout cela prendra du temps, et il faut nous replacer dans le long terme.
Nous sommes tous prêts à croire les déclarations des dirigeants de ces pays. Mais cela fait cinquante ans que l’on entend le même discours en Afrique, et rien n’y a changé ! Personnellement, j’attends donc un peu plus que des déclarations, en l’occurrence des faits.
Au demeurant, il n’est qu’à voir la situation en Roumanie, où règne une grande confusion politique, pour comprendre que le problème de la corruption ne se résoudra pas en quelques mois.
Deuxièmement, monsieur le secrétaire d’État, vous n’êtes pas sans savoir que la Roumanie – je m’y suis rendu voilà quinze jours – ainsi que la Bulgarie, d’ailleurs, ne parviennent pas à consommer 10 % des crédits de coopération que l’Union européenne met à leur disposition. Ces deux pays manquent en effet de personnels compétents pour préparer les appels d’offres et les projets et, partant, pour les mettre en œuvre. Il s’agit d’un problème majeur, bien qu’un peu extérieur au sujet qui nous préoccupe aujourd’hui.
Sans doute faudra-t-il revoir les modes de fonctionnement en la matière, surtout lorsque l’on sait que la Commission européenne, pour ce qui la concerne, a défini un ensemble de règles totalement kafkaïen, au prétexte de lutter contre les tentations de détournement ou une mauvaise utilisation des fonds !
Enfin, troisièmement, je vous rejoins sur un point : il importe, dès le début des négociations d’adhésion, d’établir des critères à la fois précis et contraignants. La Roumanie et la Bulgarie font partie, par exemple, des pays concernés par le projet de pipeline. Il ne faut donc pas attendre, pour aborder tous ces sujets, qu’ils se retrouvent dans la situation d’être en quelque sorte stigmatisés et considérés comme les mauvais élèves de la classe.