Intervention de Éric Woerth

Réunion du 22 octobre 2009 à 15h00
Débat sur les prélèvements obligatoires

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chaque année et malgré son programme de travail très chargé, le Sénat a tenu à organiser un débat sur l’évolution des prélèvements obligatoires.

Cette priorité, je ne peux que la partager pleinement, surtout à cette époque, de même que Christine Lagarde, actuellement à l’Assemblée nationale.

Ce débat revêt une importance toute particulière pour illustrer la cohérence de notre politique économique. Il permet aussi de prendre la hauteur de vue nécessaire, alors qu’une telle attitude est parfois difficile lorsque les débats sur tel ou tel article du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale deviennent trop techniques. Nous renouerons avec le genre ici dans les toutes prochaines semaines.

Depuis trois ans, notre politique en matière de prélèvements n’a pas varié : nous voulons une France plus compétitive, plus écologique et plus juste. C’était déjà notre priorité avant la crise, et elle l’est plus que jamais.

La crise nécessite non pas de reporter les réformes fiscales mais, au contraire, de les mener à leur terme, parce que c’est pendant la crise que se préparent les atouts de la sortie de crise. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2010 comprend des réformes fiscales très ambitieuses.

La crise nous a donc conduits non pas à infléchir notre politique, mais bien à l’accélérer. Nous sommes pour la réforme fiscale quand d’autres sont, d’une certaine façon, pour la pression fiscale.

La crise a été également, pour le Gouvernement, un test de réactivité. En matière fiscale, une politique fiscale constitue en effet un atout pour une croissance plus forte et plus juste, mais également un instrument que l’on doit savoir utiliser pour amortir cette crise.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait des outils fiscaux le cœur du plan de relance. On ne peut donc pas parler aujourd’hui de prélèvements obligatoires en France sans commencer par évoquer ce rôle d’amortisseur de crise qu’ils ont joué.

La réactivité a été la caractéristique principale de notre action en matière fiscale en 2009. Comme vous le savez, nous avons dû nous adapter à la situation.

Nous avons d’abord choisi de laisser les recettes s’ajuster avec le recul de l’activité, sans compenser ce gigantesque manque à gagner sur les finances publiques.

Ce libre jeu des stabilisateurs automatiques, pour employer une terminologie un peu absconse, était recommandé par toutes les institutions internationales. En 2009, l’effet de la crise a été 3, 6 points de produit intérieur brut de baisse des prélèvements obligatoires, majoritairement concentré sur les recettes de l’État. Rien que pour l’impôt sur les sociétés, c’est une baisse de 30 milliards d’euros.

Face à cela, nous ne sommes pas restés immobiles, mettant très rapidement en place des mesures fiscales de soutien ciblées et réversibles.

Ainsi, pour soutenir la trésorerie des entreprises, par exemple, nous avons anticipé le remboursement du crédit impôt recherche. Je n’entrerai pas dans le détail de ces mesures, que vous connaissez très bien.

Cette panoplie représente 15 milliards d’euros de soutien à la trésorerie des entreprises à un moment absolument crucial, celui où elles ont à choisir entre mettre la clé sous la porte et essayer de continuer à vivre. Et ces mesures ont permis à beaucoup d’entreprises de survivre !

Contrairement à ce que l’opposition a dit à plusieurs reprises, nous avons également protégé nos concitoyens les plus exposés : 5, 5 millions de ménages ont bénéficié du crédit d’impôt sur le revenu de la première et, en partie, de la deuxième tranche.

Voilà pour la réactivité dans l’urgence. Et cela a marché ! J’en veux pour preuve que, d’après les prévisions de la Commission européenne, pour 2009, la récession sera en France deux fois moins forte que dans la zone euro.

Il faut être clair : si, en France, la récession a été moins forte et moins importante que prévu, c’est d’abord parce que nous avons construit un plan de relance équilibré entre les mesures de soutien de la trésorerie, de l’investissement et de la consommation, et en nous appuyant pour moitié sur la fiscalité, sur les prélèvements obligatoires.

En 2010, nous n’assisterons pas encore au retour à la normale du point de vue de la croissance. Nous prolongeons donc l’anticipation du remboursement du crédit impôt recherche. Nous aurons à en discuter.

Par ailleurs, la suppression de la taxe professionnelle en une seule année, sujet brûlant d’actualité, permettra, en plus de ses effets structurels, de dégager l’année prochaine environ 7 milliards d’euros de soutien à la trésorerie des entreprises. Structurellement, cela représente quelque 5, 7 milliards d’euros. L’année prochaine, ce seront 5, 7 milliards d’euros plus 7 milliards d’euros correspondant à l’incidence de la suppression en une année de la taxe professionnelle.

Par rapport au coût pérenne de la suppression de la taxe professionnelle, c’est un surcoût ponctuel, lourd, mais qui est entièrement justifié dans cette année charnière.

Notre stratégie, c’est la maîtrise de la dépense, le renforcement de la croissance future, et pas la hausse des impôts. Je ne suis pas de ceux qui trouvent bienvenue cette idée d’augmenter les impôts !

Mardi encore, au moment où débutait la discussion du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, les députés de l’opposition m’expliquaient que, pour relancer la croissance en France, il fallait immédiatement augmenter les impôts d’environ 10 milliards d’euros : j’ai fait le compte devant le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et j’ai dit que le Gouvernement ne partageait pas cette analyse.

Comme l’a déjà indiqué à plusieurs reprises le Président de la République, nous n’avons pas été élus pour augmenter les impôts ! Et mon rôle de ministre du budget n’est pas davantage d’augmenter les impôts ! Je suis là pour vous proposer d’autres chemins, que vous connaissez d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs.

Bien sûr, il faut que le niveau des recettes fiscales et sociales se rétablisse. Tel qu’il est aujourd’hui, il n’est pas compatible avec notre modèle économique et social.

La réponse doit passer par plus de croissance, par plus d’activité, et non par un taux d’imposition plus élevé. Lorsque l’on vit dans un pays qui a le cinquième niveau au monde de prélèvements obligatoires, croire que l’on peut faire revenir les recettes en augmentant les impôts n’est pas une bonne solution économique. Comment peut-on penser que la hausse des impôts est la solution de l’avenir ?

L’opposition nous accuse d’avoir, en fait, augmenté les impôts. C’est faux et archi-faux ! Depuis 2007, nous avons baissé les impôts de 16 milliards d’euros, dont plus de 10 milliards d’euros au bénéfice des ménages, avec des axes clairs : valoriser le travail et le pouvoir d’achat, renforcer la compétitivité, encourager les comportements écologiquement corrects.

Par conséquent, 10 milliards d’euros pour les ménages et 6 milliards d’euros pour les entreprises, telle est la réalité des chiffres ! Ils permettent de répondre à l’accusation parfois un peu facile, qui est plutôt lancée à gauche, de « baisse des impôts pour les entreprises, hausse pour les ménages ».

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