Intervention de Annie David

Réunion du 25 juillet 2007 à 22h10
Travail emploi et pouvoir d'achat — Question préalable

Photo de Annie DavidAnnie David :

Les droits fiscaux perçus par l'État en matière de successions et de donations sont pourtant aujourd'hui une composante non négligeable, et d'ailleurs dynamique, des recettes fiscales.

En 2005, les réseaux comptables du Trésor et des impôts ont ainsi collecté 1 428 millions d'euros au titre des donations et 7 338 millions d'euros au titre des successions. Ces sommes sont surtout recueillies sur des parties du territoire national bien déterminées : on perçoit ainsi, en Île-de-France, 530 millions d'euros de droits sur les donations et 2 388 millions d'euros de droits de succession. Autrement dit, respectivement 37 % et 32 % des droits de mutation perçus par l'État sont fournis par la région capitale, dont l'essentiel par la capitale elle-même.

Le palmarès de la répartition des droits de mutation est d'ailleurs sans la moindre équivoque. S'agissant des donations, les dix premiers départements de collecte sont Paris, les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, le Rhône et les Alpes-Maritimes, les Yvelines, le Var, la Gironde, la Haute-Savoie et l'Isère.

Quant aux droits sur succession, l'ordre est le suivant : Paris, les Hauts-de-Seine, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, les Yvelines, le Rhône, le Val-de-Marne, le Var, le Nord et la Gironde.

Il est donc évident que la fortune et les gros patrimoines sont clairement identifiables dans des endroits bien précis du pays, huit départements étant communs aux deux classements.

Cette répartition de la fortune, qui recoupe évidemment celle de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, est bien entendu à apprécier, dans chaque cas, au regard des réalités locales.

La concentration à Paris de très hauts patrimoines ne peut faire oublier qu'elle n'est pas la même selon que l'on considère le quartier de la Goutte d'Or ou celui du Palais Royal, le quartier de Belleville ou celui de la Muette. Et ne vous inquiétez pas, mes chers collègues, nous vous indiquerons, au besoin, les données pour 2006...

Ce qui est en revanche certain, c'est que l'allégement des droits de succession va profondément favoriser des ménages n'ayant déjà pas besoin de tant de sollicitude.

Rappelons en effet que, sur 540 000 décès enregistrés dans notre pays, 350 000 conduisent à l'ouverture d'une succession et moins de 120 000 au paiement de droits par les héritiers ou les conjoints survivants. Cela signifie que le montant moyen des droits acquittés par succession effectivement imposée est d'un peu plus de 60 000 euros. Une réduction de moitié des droits concernés, comme cela semble être la logique du dispositif gouvernemental, revient donc à accorder en moyenne un cadeau de plus de 30 000 euros.

Plus concrètement, il semble cependant pratiquement acquis que la formule choisie, qui passera par un relèvement des abattements par part de patrimoine transféré, visera à exonérer de droits les patrimoines les plus faiblement imposés, c'est-à-dire, de manière générale, ceux qui sont transférés par les couches moyennes, dont le patrimoine découle pour l'essentiel de l'activité professionnelle.

Autre chose est la situation des fortunes de caractère dynastique, qui bénéficieront évidemment des mesures de relèvement des abattements et qui, si elles ne parviennent pas à l'exonération, obtiendront une très sensible réduction de l'imposition alors que leur capacité contributive est singulièrement importante.

Pour être clair, il n'y aura plus de droits à payer pour un grand nombre des successions aujourd'hui faiblement ou moyennement imposées, mais il y aura surtout beaucoup moins de droits à payer pour les grosses successions. Où se situe, dans ce contexte, l'égalité de tous devant l'impôt et la prise en compte de la charge publique ?

Poursuivant cette démarche, le Gouvernement réforme l'ISF - une fois encore ! - en créant un crédit d'impôt imputable sur la cotisation de 50 000 euros pour financement direct des petites et moyennes entreprises. Un examen de la réalité de l'impôt de solidarité sur la fortune montre le véritable caractère de la mesure : c'est une disparition quasiment programmée de cet impôt, disparition évidemment inavouée parce qu'elle ferait mauvais effet aujourd'hui.

Si l'on prend en compte le nombre de contributeurs à l'ISF, on constate qu'il s'élevait à un peu moins de 400 000 à la fin de l'année 2005. Ces contributeurs ont acquitté un impôt global de 3 076 millions d'euros, soit un impôt moyen d'un peu moins de 8 000 euros... En clair, la mesure qui nous est présentée n'est ni plus ni moins qu'une mesure de liquidation pure et simple de l'ISF. Pour atteindre la somme de 50 000 euros à payer au titre de l'ISF, il faut tout de même disposer d'un patrimoine de l'ordre de 5, 7 millions d'euros !

De fait, cette disposition, comme la précédente, tend à répondre aux angoisses des nouveaux et petits contributeurs à l'impôt de solidarité sur la fortune tout en réservant, bien entendu, la pleine mesure de ses effets aux contribuables les plus riches et les moins nombreux. Elle est donc une mesure d'affichage politique destinée aux couches moyennes nouvellement touchées par l'application du barème de l'ISF, même si l'essentiel du produit de cet impôt est évidemment perçu auprès de ses plus importants contributeurs.

Dans l'hypothèse où tous les contributeurs à l'impôt concerné se délesteraient de leur cotisation grâce au crédit d'impôt institué, l'apport de fonds pour les PME serait d'environ 3, 2 milliards d'euros, montant bien éloigné d'une véritable solution de financement des entreprises...

Mais pourquoi avancer masqué ? Pourquoi ne pas avoir proposé par voie d'amendement une disposition plus simple ? Elle pourrait être formulée ainsi : « Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés. » Cela signifierait la fin de l'ISF !

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