Intervention de Annie David

Réunion du 25 juillet 2007 à 22h10
Travail emploi et pouvoir d'achat — Question préalable

Photo de Annie DavidAnnie David :

Mais peut-être allez-vous bientôt le faire vous-mêmes !

La mesure sur l'ISF s'avère d'ailleurs quelque peu redondante avec celle qui touche le bouclier fiscal, ramené à 50 % des revenus. Là, c'est un peu le beurre et l'argent du beurre !

L'examen des dossiers des premiers contribuables ayant bénéficié du bouclier fiscal est sans équivoque : ce n'est pas d'autre chose que d'une réduction de leur impôt de solidarité sur la fortune qu'ils ont bénéficié. Quand le taux maximal d'imposition sur le revenu est de 40 % du revenu net global imposable, il faut effectivement consentir encore un gros effort pour parvenir au fameux seuil de 60 % avec la taxe d'habitation, la taxe foncière touchant l'habitation principale et l'impôt de solidarité sur la fortune. Cet effort, c'est évidemment celui qui découle de l'existence de l'impôt sur la fortune !

Le bouclier fiscal, dans la pratique, revient tout de même à un allégement de la fiscalité pesant sur l'immobilier de rapport, alors même qu'il est à peu près évident que cela n'a pas fait baisser le moins du monde le niveau des loyers ! Ce fut un cadeau pour les multipropriétaires immobiliers de Paris, de la Côte d'Azur ou des beaux quartiers de Lyon ou Bordeaux, comme pour les heureuses héritières des grandes familles du commerce et de l'industrie.

En abaissant le bouclier fiscal à 50 % des revenus et en ajoutant au panier des impositions prises en compte la CSG et la CRDS, on risque fort de placer les plus riches de nos concitoyens en situation de se faire rembourser leur contribution légitime au financement de la sécurité sociale !

Là est peut-être la rupture qui m'avait échappé : effectivement, c'est une rupture caractérisée de l'égalité des citoyens devant l'impôt, c'est une rupture avec le pacte républicain lui-même. Le bouclier fiscal, c'est un peu comme si on rétablissait, au détour de quelques articles anodins d'un pseudo-collectif budgétaire, les privilèges abolis voilà maintenant plus de deux cents ans !

On notera d'ailleurs que la mesure portant sur le bouclier fiscal est annoncée sans être accompagnée de la moindre évaluation quant à la mise en oeuvre de sa première mouture, contrairement au revenu de solidarité active de M. Martin Hirsch, qui, lui, est expérimental. Ce qui est désormais connu, c'est le faible nombre de contribuables qui en ont pour le moment sollicité le bénéfice, si bien que l'administration fiscale, dans un effort quasi surréaliste, va bientôt être contrainte d'écrire aux bénéficiaires potentiels de la mesure pour qu'ils fassent valoir leur droit à restitution !

Que pèsent dans ce contexte les deux autres mesures phares qui nous ont été annoncées, portant l'une sur la déductibilité des intérêts d'emprunts immobiliers, l'autre sur la défiscalisation des heures supplémentaires ? Et je n'évoquerai pas les quelques millions d'euros consacrés à l'expérimentation du revenu de solidarité active, laquelle a été étonnamment raccrochée au paquet fiscal pour former avec lui un ensemble à première vue pour le moins incohérent ! Ce n'est sans doute pas autre chose qu'une forme d'affichage politique visant à masquer la nature profonde de la politique annoncée, qui accorde une indécente primauté aux mesures les plus favorables aux hauts revenus et aux plus gros patrimoines.

À la stupéfaction générale, le Gouvernement se serait en effet rendu compte qu'il n'y avait que 120 000 successions imposables par an et 400 000 contributeurs à l'ISF, mais 20 millions de salariés. Peut-être faudrait-il faire quelque chose pour ces derniers ; mais quoi ? Tout simplement mettre en place un dispositif poussant à l'intensification et au développement de la pénibilité du travail, occultant la réalité de la productivité actuelle, et un autre dispositif visant à asservir un peu plus les ménages salariés à leurs obligations envers les établissements financiers ! Ce n'est pas du pouvoir d'achat qui va être distribué aux salariés, c'est de l'exploitation renforcée sur leur lieu de travail et une dépendance accrue à l'égard des banques !

C'est un magnifique choix de société que celui qui nous est proposé : une société où l'impôt devient léger au possible pour ceux qui ont déjà tout et plus qu'il n'en faut, et où les contraintes de la vie pèsent toujours plus lourd pour le plus grand nombre !

Nous ne voulons pas que notre pays connaisse une telle évolution. Aussi, nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à voter la motion tendant à opposer la question préalable.

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