Un tel débat sur l'emploi et le travail ne peut se dispenser d'aborder la question essentielle de la qualité des relations contractuelles de travail.
Créé par ordonnance au milieu de l'été 2005, le contrat nouvelles embauches, le CNE, participe d'une entreprise de destruction sans précédent du code du travail.
Il nous semble nécessaire d'écarter durablement tout risque de modification du code du travail, dans le sens d'une précarisation accrue.
Le contrat nouvelles embauches contient en effet des dispositions permettant que le salarié recruté se voit imposer une période d'essai de deux ans durant laquelle il peut être licencié sans que l'employeur ait à justifier le motif du licenciement.
Une telle disposition contrevient directement aux législations et règlements internationaux, dont la Charte sociale européenne ou encore la convention 158 de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Or on sait depuis aujourd'hui même que la Cour de cassation s'est estimée compétente pour apprécier cette convention. Et le récent jugement de la cour d'appel de Paris sur ce sujet va dans le même sens.
De plus, ce contrat fait de la France le pays européen où le marché du travail est le plus déréglementé et le moins protecteur pour ses salariés.
Le contrat nouvelles embauches, en vigueur depuis plus de deux ans désormais, n'a pas fait la preuve de son effectivité économique, puisqu'il s'est uniquement substitué, dans un premier temps, à des embauches qui auraient été effectuées de toute façon.
Par ailleurs, il n'a eu pour effet que d'augmenter les recours devant les conseils de prud'hommes pour contestation de licenciement abusif. Les entreprises elles-mêmes témoignent à présent de plus en plus de leur méfiance à l'égard d'un contrat qu'elles jugent peu opérant et qui risque de démultiplier les contentieux.
La très sensible réduction du nombre de contrats signés - moins 13 % depuis le début de l'année - atteste sans la moindre équivoque de cette méfiance.
Comment justifier encore le maintien d'une même disposition, au regard de la fragilisation sans précédent que cette dernière opère dans le monde du travail ?
Le CNE méconnaît certains droits élémentaires du travailleur, allant même jusqu'à les mépriser. Une période d'essai étendue change en effet considérablement la nature de la relation salariale, en limitant par exemple toute capacité d'expression du salarié, rendant impraticable le droit de grève et très difficile l'exercice du droit syndical.
Le CNE contribue également à renverser la norme centrale du travail salarié en France, le contrat de travail à durée indéterminée, le CDI, au profit d'autres formes de contrats, qui étaient devenues l'exception.
En permettant un retour au contrat journalier qui dominait jusqu'au début du XXe siècle, le CNE balaie deux siècles de progrès en matière de droit du travail, deux siècles qui avaient d'abord vu disparaître le contrat de louage de services, puis reculer le contrat journalier au profit de contrats plus longs, jusqu'à ce que le contrat à durée indéterminée soit instauré comme norme en 1979.
Le CNE est non pas une mesure supplémentaire, mais bel et bien une rupture radicale dans notre tradition politique et sociale.
Cette désorganisation sans précédent des rapports salariaux, au profit exclusif des entrepreneurs, est inacceptable. C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet amendement abrogeant le contrat nouvelles embauches, et ce en cohérence avec la proposition de loi que nous avions déposée le 4 avril 2006 et qui visait déjà à supprimer cette disposition.