Cet article 1er consacre le slogan de l'élection présidentielle « travailler plus pour gagner plus » ! Quoi de plus normal que, en travaillant plus, les salariés gagnent plus ?
En réalité, cet article n'est qu'un leurre, qui plus est hypocrite, puisque vous prétendez ne pas toucher aux 35 heures. Il est destiné à faire croire aux salariés les plus modestes que vous leur offrez un cadeau inespéré, un véritable pont d'or.
En premier lieu, vous présentez la défiscalisation des heures supplémentaires comme juste alors qu'elle est au contraire profondément injuste : cette loi n'est pas « destinée à tous ceux qui travaillent, quels que soient leurs revenus ». En effet, elle écarte d'emblée tous les contrats précaires et les salariés qui perçoivent un faible salaire et qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu. Il est vrai que, en commission, M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a rétorqué à cette remarque que ces salariés auraient aussi un gain, puisqu'ils n'auront pas à payer leurs cotisations sociales sur leurs heures supplémentaires. Quel gain formidable !
Mais ces allégements seront d'autant plus faibles que les salaires seront bas, privilégiant ainsi les plus hauts salaires, creusant d'autant plus les inégalités salariales.
Même la Cour des comptes ne vous suit pas sur le terrain des exonérations ! Dans son rapport destiné à la commission des finances de l'Assemblée nationale, non publié mais révélé par la presse le 24 août 2006, elle dénonce la surenchère des politiques d'allégement des charges patronales depuis 2005, les jugeant très coûteuses et incontrôlées, et pointe le manque d'évaluation quant à leurs véritables effets sur l'emploi.
En deuxième lieu, le choix de « travailler plus pour gagner plus » n'appartient pas au salarié. Je vous rappelle que, dans certains secteurs d'activités, le quota d'heures supplémentaires prévu par la loi n'est pas utilisé en totalité ! À cet égard, le scénario Kronenbourg ne devrait-il pas vous inciter à plus d'humilité ?
S'agissant des salariés à temps partiel, l'article 1er, vu sa complexité, m'a induite en erreur. À première vue, il m'avait semblé que leurs heures complémentaires ne seraient pas rémunérées à 25 %. Cette mesure paraissait inégalitaire. Toutefois, je veux bien tenir compte de la réponse que vous m'avez faite, madame la ministre.
En troisième lieu, vous affirmez multiplier l'emploi en faisant travailler plus celles et ceux qui ont déjà un emploi. Autre tromperie ! Et nombreux sont ceux qui vous l'ont dit : syndicats, membres du Conseil d'analyse économique, économistes, ... Contestant cet article, ils le jugent contre-productif pour l'emploi, affirmant que vous encouragez les employeurs à avoir recours aux heures supplémentaires plutôt que d'embaucher !
En commission, M. Vasselle nous a indiqué « que c'est en augmentant la durée moyenne de travail que l'on parviendra à une baisse durable du chômage et à un taux de croissance plus élevé », tout en prétendant qu'il ne s'agissait pas d'une quelconque idéologie.
Si M. Vasselle n'exprime pas là la pensée soutenue par les tenants du libéralisme néoclassique, cela y ressemble bigrement !
Je tiens à rappeler que, d'après un rapport de l'INSEE, concernant les 35 heures, « le processus de RTT a conduit sur la période 1998-2002, selon les estimations, à un rapide enrichissement de la croissance en emplois de près de 350 000 postes, et ceci, semble-t-il, sans grand déséquilibre financier pour les entreprises ».
Même le MEDEF admet que 200 000 emplois ont été créés par les 35 heures !
Enfin, autre tromperie, vous dites faire du salarié « le grand gagnant » de la mesure. Or vous savez que le gain de pouvoir d'achat de quelques-uns sera illusoire et de courte durée !
En effet, les euros supplémentaires, gagnés en travaillant plus, seront aussitôt perdus en raison non seulement du blocage du salaire de base, mais également de l'augmentation du coût de la vie, avec notamment de nouvelles franchises médicales : la mise en place d'un « bouclier sanitaire » n'est-elle pas évoquée ?