Alors, comment expliquer cette recrudescence du taux de suicide chez les salariés ? Certes, nous ne disposons pas de statistiques, mais les exemples se multiplient, soit dans notre environnement proche, soit rapportés par la presse.
Individualisation des méthodes de travail, manque de dialogue dans l'entreprise, restructurations menées à la hussarde, précarisation des contrats, stress, concurrence entre les salariés, licenciements, harcèlements sous toutes ses formes sont des causes possibles de suicide au travail.
Alors que les rapports de travail, dans le contexte de crise que nous vivons, sont fondés sur ce principe de concurrence que vous vénérez tant, vous n'y voyez que relations harmonieuses et solidaires. Ainsi avez-vous déclaré : « J'entends dire parfois, à propos du travail et de la concurrence qu'il engendre : c'est la guerre de tous contre tous. Voilà un véritable contresens. Car à la guerre, le plus fort soumet le plus faible tandis que, dans les rapports de travail, le plus fort communique de la force au plus faible ».
Nous ne devons pas côtoyer au quotidien les mêmes salariés !
Un habitant de ma commune me faisait récemment part de son expérience de travail à la chaîne. Pendant des années, il a installé des bouteilles par six sur un tapis roulant qui ne s'arrête pas de la journée. C'est un exercice pénible par son caractère répétitif, qui conduit le salarié à attendre, l'oeil fixé sur la pendule, que la journée prenne fin. Alors, s'il fait des heures supplémentaires après avoir travaillé à ce rythme-là, ce ne sera vraiment pas à sa demande !
Je pourrais aussi vous préciser comment d'autres salariés, particulièrement des femmes, sont atteints de maladies professionnelles, notamment articulaires, à cause du travail à la chaîne dans une autre entreprise.
Ces personnels se retrouvent au final sans possibilité de retrouver un autre travail. Il n'est pas possible pour nous d'ignorer cette réalité. D'ailleurs, les salariés d'une grande brasserie de l'est de la France l'ont exprimé avec force en se mettant en grève et en refusant de se voir imposer des heures supplémentaires.
Vous nous dites que le temps de travail moyen des Américains, des Espagnols ou des Japonais est supérieur de 15 % environ au temps de travail des salariés français et que nous ne pouvons continuer, seuls contre tous, à refuser une évidence universelle.
Il nous faudrait donc admettre ce « travailler plus » que vous nous proposez aujourd'hui.
Mais la réalité n'est pas si simple. Un nombre record de 330 Japonais sont morts ou sont tombés gravement malades à cause du surmenage entre avril 2005 et mars 2006.
Le ministère de la santé japonais réfléchirait même à un programme d'action et de prévention contre les risques du surmenage au travail, ainsi qu'à une campagne de communication sur les ondes et à la télévision sur les risques que fait peser l'acharnement à vouloir toujours plus travailler et devenir trop compétitif au détriment de sa santé. Et vous, vous prétendez suivre cet exemple qui montre forcément que ce n'est pas la voie à emprunter !
En France, le CNRS reconnaît que de 300 à 400 salariés se suicideraient en France chaque année sur le lieu de travail.
Il est impossible de ne pas faire le rapprochement entre souffrance et situation professionnelle. Annie David a d'ailleurs fait allusion à cette situation tout à l'heure en présentant la motion tendant à opposer la question préalable.
Les salariés de la centrale nucléaire de Chinon, que, tout comme M. Novelli ici présent, je connais bien ne sont pas des salariés à la chaîne. Or, peut-on nier que l'accentuation de la productivité de chacun a profondément dégradé leurs conditions de vie au travail ?
J'aimerais, comme vous, pouvoir dire que les salariés ont la possibilité d'un épanouissement personnel au travail. Je souhaiterais que ce soit la réalité ; malheureusement, la situation est autre.
Vous sonnez la charge contre les 35 heures.