Intervention de Annie David

Réunion du 25 juillet 2007 à 22h10
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 1er

Photo de Annie DavidAnnie David :

Comme je l'ai souligné dans mon intervention précédente, cet article 1er ne présente aucune légitimité en termes d'efficacité économique et sociale ; c'est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.

Par ailleurs, madame la ministre, vous dites que votre projet est destiné à « encourager et à valoriser tout au long de leur vie les femmes et les hommes de France les plus courageux, les plus entreprenants » ! Néanmoins, certains salariés, même s'ils le désirent, n'ont pas la possibilité de travailler plus !

Qu'en est-il des parents, principalement les femmes, qui doivent concilier leur vie professionnelle et familiale ? Ces parents, qui ne veulent pas laisser leurs enfants livrés à eux-mêmes, qui souhaitent les accompagner dans leur travail scolaire ou simplement passer du temps avec eux, sont-ils pour autant « moins courageux, moins entreprenants » ?

Qu'en est-il des salariés qui ont de très mauvaises conditions de travail, qui souffrent et sont les premières victimes des accidents du travail ? Mme Beaufils vient à l'instant d'en parler.

Comment imaginer travailler plus, alors que l'aggravation des conditions de travail est mise en évidence par un rapport de l'Organisation mondiale de la santé, selon lequel la France arrive au troisième rang mondial, derrière l'Ukraine et les États-Unis, où les dépressions liées au travail sont les plus nombreuses ? Les drames suscités par les suicides d'un trop grand nombre de travailleurs doivent nous amener à faire preuve de grande vigilance.

Qu'en est-il aussi des salariés privés d'emploi ? En effet, madame la ministre, votre projet présuppose que le travail soit abondant ; or c'est loin d'être le cas !

Estimez-vous que les millions de chômeurs ne sont « ni courageux ni entreprenants » et qu'ils sont dans une telle situation parce qu'ils le veulent bien ?

Ce retour à l'idéologie du chômage « volontaire » a des relents nauséabonds insupportables, à l'heure où de plus en plus d'entreprises mettent en oeuvre de véritables licenciements boursiers à seule fin d'augmenter les gains de leurs actionnaires. Comment « travailler plus pour gagner plus », lorsqu'on est licencié au nom de la seule idéologie du profit ?

Mon département, l'Isère, n'a malheureusement pas été épargné par la multiplication des plans de licenciements ; pourtant, ces femmes et ces hommes, laissés sur le pavé, ne demandaient qu'à poursuivre leur collaboration avec leur entreprise : HP, devenue « HP Invent », STMicroelectronics, Bonmartin, Stahl, SGL-Technic, Sanmina, Atofina, Polimeri, Pechiney Rhenalu On pourrait également citer de nombreuses papeteries, les dernières en date étant celles de Domène, Lancey et Voiron, pour lesquelles je vous ai écrit - je tiens d'ailleurs à votre disposition une copie de ce courrier. Filiales du groupe Matussière et Forest, Lancey et Voiron sont actuellement en situation de déposer le bilan.

Un plan social prévoyant soixante et onze suppressions de poste a été mis en oeuvre. L'obtention d'une convention d'allocations spéciales du Fonds national pour l'emploi, ASFNE, limiterait le nombre des licenciements en permettant de sauver une quinzaine d'emplois. Or, cette demande a été rejetée par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Les salariés vous ont sollicitée afin que vous leur accordiez de manière dérogatoire cette convention ASFNE.

Madame la ministre, nous sommes bien en présence de salariés qui luttent avec courage et détermination pour préserver leur emploi et sauver leur entreprise ; allez-vous les aider, leur permettre de rester dignes ?

Ce à quoi aspirent, aujourd'hui, nos concitoyens, ce n'est pas de travailler plus, c'est surtout de travailler pour vivre bien ! Si l'on se réfère aux profits financiers, qui ont atteint un taux record en 2006, cette aspiration est tout à fait réalisable !

Ainsi, non seulement l'efficacité en termes d'emploi et de pouvoir d'achat ne résiste pas à une analyse approfondie, mais cet article écarte d'emblée tout un pan de notre population, tout aussi « courageux et entreprenant », qui aspire seulement à vivre dignement de son travail, en le partageant avec d'autres, plutôt que de recourir à des heures supplémentaires dont le gain sera nul, ou au RSA, dont nous allons débattre dans la suite de ce texte !

Par ailleurs, comme je l'ai souligné dans ma précédente intervention, le recours aux heures supplémentaires relève de la responsabilité de l'employeur. Tout le monde, ici, le sait bien.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter cet amendement.

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