Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi TEPA, le deuxième dispositif phare de cette loi – après le bouclier fiscal – est aujourd’hui largement critiqué. En effet, la défiscalisation des heures supplémentaires n’a pas eu les effets escomptés par Nicolas Sarkozy, candidat du pouvoir d’achat des salariés grâce au « travailler plus pour gagner plus ».
Pourtant, le Gouvernement nous avait présenté ce dispositif comme une mesure favorable aux salariés. En effet, la loi TEPA instaurait en leur faveur une majoration de 25 % du montant des heures supplémentaires, contre 10 % précédemment.
Cette mesure, destinée à relancer le pouvoir d’achat et la croissance, était accompagnée de dispositions fiscales incitatives pour les entreprises, notamment les PME.
À l’époque, le groupe CRC-SPG et moi-même avions fortement dénoncé ce qui s’annonçait comme une mesure lourde de conséquences pour le budget de l’État et les comptes sociaux. Nous avions également émis de sérieux doutes quant à sa réelle efficacité sur la relance de l’emploi en France.
Dans le cadre du dispositif destiné à relancer le pouvoir d’achat et la croissance, la loi TEPA instaure une exonération d’impôts et de cotisations sociales sur les heures supplémentaires pour les entreprises, la réduction d’impôts et de cotisations sociales prévue s’adressant tant aux entrepreneurs qu’aux salariés.
Le bilan que l’on peut aujourd’hui en tirer pour le budget de l’État est hélas ! celui que nous prédisions.
En effet, la Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2010, a chiffré à 4 milliards d’euros « l’incidence », c’est-à-dire le manque à gagner pour l’État en recettes sociales et fiscales, de la mesure d’exonération de cotisations sociales et de défiscalisation des heures supplémentaires : 3 milliards d’euros en moins pour les régimes sociaux et 1 milliard d’euros de recettes fiscales en moins.
Plusieurs économistes, dont Guillaume Duval, ont également mis en accusation un dispositif qui coûte très cher à l’État pour un résultat loin des objectifs affichés par le Gouvernement. M. Duval écrit ceci : « L’État consacre en effet chaque année environ 4 milliards d’euros – 0, 2 % du PIB – pour inciter les salariés et les entreprises à faire des heures supplémentaires plutôt que d’embaucher des jeunes et des chômeurs. Or un emploi coûte en moyenne 40 000 euros par an. Avec ces 4 milliards d’euros, l’État pourrait donc financer entièrement 100 000 emplois supplémentaires. »
Le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires a donc, de toute évidence, creusé le déficit de l’État sans créer une dynamique de relance de l’activité économique, pourtant tant attendue après une période de crise.
Malheureusement, ses conséquences sur les comptes sociaux et sur les créations d’emplois sont tout aussi négatives.
En effet, le supplément de travail créé par les heures supplémentaires a fortement impacté, naturellement, la création de nouveaux emplois. En 2008, les « 727 millions d’heures supplémentaires » enregistrées représentaient « l’équivalent de 466 000 emplois à temps plein ». En 2009, les heures supplémentaires sont retombées à hauteur de « 676 millions », mais cela représenterait encore près de « 434 000 emplois ».
À titre d’exemple, en 2008, alors que les heures supplémentaires augmentaient de 0, 6 %, l’INSEE annonçait un recul du PIB de 0, 3 % au second trimestre de 2008 et la perte de plus de 12 000 emplois dans le secteur concurrentiel, pour la première fois depuis le début de 2004, avec en particulier un recul de 45 000 postes d’intérimaire.
En 2009, avec notamment une baisse historique de 1, 3 % de la masse salariale, les rentrées de cotisations ont fondu de plusieurs milliards d’euros. À l’inverse, 100 000 chômeurs de moins représenteraient 1, 3 milliard d’euros de recettes en plus.
C’est donc en premier lieu d’une inversion de la politique de l’emploi et des salaires dont le financement de la protection sociale a besoin et non d’une politique de défiscalisation du travail et d’exonération de charges sociales.
Il est aberrant que les heures supplémentaires reviennent moins cher aux employeurs que les heures normales travaillées. Il n’est donc pas étonnant que les entreprises recourent aux heures supplémentaires plutôt qu’à la création d’emploi. En pratiquant ce qui s’apparente à de l’optimisation fiscale, elles ont d’ailleurs détruit plus d’emplois qu’elles ne l’auraient fait sans la loi TEPA.