Intervention de Bernard Vera

Réunion du 26 mai 2011 à 9h00
Débat sur le bilan du dispositif d'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Cependant, les salariés qui ont bénéficié des heures supplémentaires ont-ils réellement travaillé plus ? La réponse est étrangement négative. En effet, le dispositif gouvernemental a constitué une véritable aubaine pour les entreprises, permettant en réalité de légaliser bon nombre de pratiques jusque-là illégales.

Si le nombre d’heures supplémentaires réalisées a été aussi important, c’est essentiellement parce que la loi a conduit les employeurs à déclarer les heures supplémentaires alors effectuées, mais non déclarées.

D’ailleurs, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, nous mettait en garde contre toute conclusion hâtive en notant que « cette hausse peut refléter pour partie une modification des comportements déclaratifs des entreprises ». Elle explique ainsi que « des travaux d’analyse menés par [elle] montrent que toutes les heures supplémentaires ne sont pas déclarées par les entreprises à l’enquête ACEMO », l’enquête trimestrielle sur l’activité et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre.

Elle poursuit : « Il apparaît notamment que les entreprises déclarant une durée hebdomadaire collective de plus de trente-cinq heures omettaient sur les années récentes de déclarer à l’enquête une partie des heures supplémentaires régulièrement travaillées [...]. »

Elle conclut que l’entrée en vigueur de la loi TEPA, avec ses allégements de cotisations sociales, « a vraisemblablement réduit ce biais de sous-déclaration ».

Autrement dit, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, plus qu’une hausse réelle du temps travaillé, le paquet fiscal pourrait bien avoir entraîné un effet d’aubaine pour les entreprises. La fièvre déclarative des entreprises traduisait d’autant moins une augmentation de la production que le niveau de croissance du PIB était plutôt faible.

La situation s’est évidemment dégradée avec la crise financière en 2008, le ralentissement de l’activité économique et la progression du chômage technique qu’elle allait entraîner. Le slogan « travailler plus pour gagner plus » perdait d’un coup de son sens, alors que la question pour les salariés était avant tout de ne pas perdre leur emploi.

La conséquence a été une baisse des heures supplémentaires, qui n’ont d’ailleurs jamais retrouvé leur niveau de départ.

Concrètement, le gain de pouvoir d’achat est limité pour les salariés : en 2009, on estime à 3 milliards d’euros de cotisations sociales et à 1, 3 milliard d’euros d’impôt sur le revenu le gain revenant aux salariés. Mais ces chiffres, rapportés à chaque salarié, démontrent la faiblesse du dispositif, puisque les salariés gagnent en moyenne à peine 550 euros par an en plus, soit la moitié d’un SMIC net.

En conclusion, l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires se révèle être une mesure néfaste au regard de la situation des comptes publics, de la réalité de la croissance et de l’activité économique, et une mesure catastrophique pour le marché de l’emploi.

C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe CRC-SPG se prononcent évidemment en faveur de la suppression d’un tel dispositif, en espérant que cet avis soit partagé sur une majorité des travées de cet hémicycle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion