Ainsi, comparer la France aux États-Unis en matière de prélèvements obligatoires est discutable, dès lors que l’on sait que, outre-Atlantique, la dépense de santé publique prise en charge par l’impôt ne couvre en fait que l’équivalent de la couverture maladie universelle chez nous. D’ailleurs, le débat prend, ces temps derniers, un tour tout particulier avec la volonté du président Obama de renforcer le contenu de cette couverture maladie.
Cette escroquerie intellectuelle sur le volume des prélèvements obligatoires a une longue histoire, et nombreux sont les libéraux, en France, à l’avoir entretenue pour tenter de faire accepter à notre peuple le recul de civilisation que constituerait une large « désocialisation » des dépenses publiques, notamment en matière de protection sociale.
Pour nombre d’entre vous, la dépense publique a tous les défauts, ou presque ! Et le projet de loi de finances pour 2010, qui invente la taxe carbone, n’oublie pas, encore une fois, de procéder à quelques coupes claires dans les budgets publics, dont l’une des traductions est la suppression de 35 000 emplois de fonctionnaires !
Le gâchis de ressources privées, notamment l’argent des entreprises créé par le travail des salariés, ne provoque d’ailleurs pas chez vous la même indignation.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 se contente de soumettre à cotisations sociales quelques éléments de rémunération des salariés – par exemple, les primes d’intéressement –, mais ne prévoit aucune mesure mettant en question un déficit des comptes sociaux qui se paie, pour l’heure, en réduction des prestations servies ! En outre, la pénibilité n’est toujours pas prise en compte dans le calcul des droits à pension ni dans celui des annuités !
Pour notre part, nous entendons redonner tout son sens à l’action publique, à une juste fiscalité des citoyens, selon leurs revenus, à une juste fiscalité sur les sociétés et les revenus financiers, selon leur contribution au développement économique et à l’emploi, comme nous voulons créer les conditions d’un financement équilibré et équitable de notre protection sociale.
Avant de conclure, je veux apporter notre éclairage sur la taxe carbone.
Présentée comme une innovation fiscale de portée exceptionnelle dans le projet de loi de finances pour 2010, elle serait même le premier élément d’une fiscalité écologique nouvelle. À bien y regarder, mais seuls quelques esprits distraits ou malhonnêtes pourraient l’oublier, nous avons déjà de quoi faire...
En effet, entre la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dont une part sert aujourd’hui à compenser, et mal, le coût du RSA pour les départements, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, les redevances pour l’eau et l’assainissement, que sais-je encore, notre droit fiscal est déjà fortement pourvu de tels objets fiscaux.
Le montant de ces prélèvements s’élève à plus de 30 milliards d’euros, somme partagée entre l’État, les collectivités locales et quelques établissements publics, comme les agences de l’eau, pour ne prendre que cet exemple.
La fiscalité environnementale et écologique est donc loin d’être une nouveauté. Encore faut-il qu’elle serve la cause de l’environnement, ce qui est une autre affaire !
Puisque, pour le moment, c'est-à-dire en 2009, la TIPP rapporte plus que l’impôt sur les sociétés, nous sommes aussi en droit de nous demander à quoi tout cela sert ! Certes, il n’est pas trop compliqué de deviner l’utilité de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou des redevances pour l’eau ou l’assainissement, même si nous observons que la TVA, qui grève les investissements concernés, participe également des recettes fiscales de l’État.
Ce qui est regrettable, c’est que la TIPP ne soit pas utilisée pour faire face aux enjeux environnementaux !
Au moment même où l’on souhaite mettre en place la taxe carbone « pour changer les comportements », on continue de faire en sorte que les 25 milliards d'euros de rendement de la TIPP ne servent à rien d’autre qu’à solder les comptes de l’État et, en partie, à répondre, mais mal, au problème du financement de certaines charges transférées aux départements et aux régions.
Pourquoi la taxe carbone ne servirait-elle pas – si tant est qu’elle existe un jour – à financer véritablement le développement des infrastructures de transport non routier, par exemple des réseaux de transport en commun ?
Pourquoi faut-il que le projet de loi de finances pour 2010, qui inscrit la taxe carbone, cette TVA sociale repeinte en vert pour aller dans l’air du temps, soit aussi celui qui donne aux régions, moyennant une hausse modulée et complémentaire de la TIPP, le droit de financer, en lieu et place de l’État, les mêmes investissements stratégiques en matière d’infrastructures ?
Pour notre part, nous sommes clairement opposés à la taxe carbone qui est, une fois de plus, et sans doute une fois de trop, un avatar de l’iniquité fiscale. Elle servira tout bêtement à gager demain telle ou telle baisse d’impôt, prioritairement au bénéfice des entreprises.
En revanche, nous sommes clairement partisans de la mise en place d’une véritable politique volontariste de développement d’alternatives au « tout routier », qui passe par des financements équilibrés et pertinents.
Nous ne pensons pas que la fiscalité réponde parfaitement, aujourd’hui, à cette exigence.